Selon toute vraisemblance, M. de Villepin va devoir repousser aux calendes grecques, c'est à dire enterrer, le projet de privatisation de Gaz de France, première étape indispensable avant la fusion avec Suez. Ce n'est pas l'opposition parlementaire (le PS est bien trop occupé à contrer Ségolène) qui a mis notre Premier ministre dans cette position inconfortable mais son propre parti.
Le député UMP "de base" est terrorisé par les futures élections et est convaincu que le refus de tout changement, de toute réforme, lui vaudra sa réélection. Tout d'abord cette conduite est bien la preuve que dans le monde politique français l'intérêt individuel passe avant l'intérêt général. Que peut-on alors reprocher à Zaccharias ? Ce qui est encore plus grave est que par pure soi-disant idéologie pro-service public, on apporte Suez sur un plateau d'argent à l'ENEL qui la démantèlera pour ne conserver qu'Electrabel. Le pôle Environnement finira selon toute probabilité entre des mains anglo-saxonnes. Nous allons donc assister au maintien du "service public GDF" et à la disparition d'un des fleurons de notre industrie. Bravo pour le patriotisme économique !
Il n'est pas inutile de rappeler, en outre, qu'Electrabel, filiale de Suez, est propriétaire de plusieurs centrales électriques nucléaires en Belgique qu'elle opère dans les meilleures conditions et sur lesquelles lorgne ENEL. Certains nous expliquent qu'en France les centrales nucléaires ne peuvent être opérées, pour des raisons de sécurité et de sûreté, que par le secteur public et prônent donc le retour à 100% d’EDF dans le giron de l'Etat. En Belgique, en Suède, en Finlande, en Allemagne, en Suisse, au Japon, la majorité des centrales nucléaires est propriété de sociétés privées. Le record du Monde de fiabilité des réacteurs nucléaires est détenu par une centrale finlandaise, propriété privée, de concept soviétique…Qui a rappelé ces faits lord du débat sur l'ouverture du capital d'EDF ? Ni les politiques, ni les medias.
Aujourd'hui M.Chérèque, malgré les fortes turbulences qu'il a traversées, tient des propos autrement plus courageux et modernes que ceux de nos hommes et femmes politiques dont le maître mot semble être : démagogie.
Commentaires
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@ Michel : Si je vous comprends bien, le sauvetage de Suez, entreprise privée, d'un prédateur étranger, en l'occurence ENEL, vaut bien la privatisation de GDF.
Mais pourquoi ce que vous appelez de vos voeux pour Suez a-t-il été diabolisé lorsqu'il s'agissait d'un rapprochement avec EDF ? A l'époque, tous les "libéraux" se sont ligués contre un tel scénarion qui, il est vrai, concernait deux entreprises publiques.
Enfin, pour disqualifier l'argument de la sécurité, vous citez le nombre de pays où les centrales nucléaires sont opérées par des entreprises privées et dont la fiabilité n'est pas en cause. Certes. Mais pourquoi, dans ce cas, omettre le cas de la Californie qui, après les délestages massifs intervenus deux ans auparavant, a décidé de renationaliser son électricité.
Tout cela pour dire que des arguments partiels et partials sont rarement une bonne base pour un débat dépassionné et "désidéologisé".
Amicalement.
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Meriem,
Vous soulevez le cas de la Californie qui est fort intéressant en soi. Historiquement il y avait en Californie 3 grosses sociétés productrices et une myriade de petits producteurs/distributeurs locaux. La "dérégulation" de 1998 s'accompagna de la mise en place d'un systéme de tarification, contrôlé par la California Energy Commission, fort complexe et qui conduisit, de facto, à un gel des prix de détail. Or le prix du gaz naturel, combustible le plus utilisé par les producteurs, avait, entre temps, fortement augmenté. Les producteurs se trouvérent "squeezés", certains au bord de la faillite, et n'investirent plus dans de nouvelles capacités de production d'où les ruptures d'approvisionnement. A cela s'ajoutérent les malversations de Enron mais n'oublions pas que les agissements, dans un autre domaine, du Crédit Lyonnais, entreprise d'Etat, coûtérent fort cher au contribuable français.Les déviances ne sont pas une spécificités de sociétés privées.
La Californie n'envisage nullement de nationaliser l'électricité. Elle a simplement mis en place la California ISO (Independant System Operator) qui gére le réseau de transport à haute tension. En France on a aussi séparé les activités de production de celles du transport. Quant à une fusion GDF/EDF elle serait tout simplement rejetée par Bruxelles pour abus de position dominante.
Un des arguments contre la fusion GDF/SUEZ est quelle conduirait à une hausse des prix du gaz. Cette hausse est inéluctable car GDF achéte son gaz à la Russie, à la Norvége, à l'Algérie etc.., tous pays producteurs qui in dexent le prix du gaz sur celui du pétrole. Quel que soit le statut de GDF la transparence des coûts devra donc jouer On a vu ce que le gel des prix a donné en Californie. Une autre solution est de faire payer le contribuable mais j'ose penser que c'est hors de propos.
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Vous dénoncez ici le manque de courage de nos hommes politiques mais ils ne sont que le reflet du courage des francais tout court.
Nous n'avons bien vu pour le CPE, c'est la rue qui gouverne désormais en France. Avant de parler de courage il faudrait peut être s'atteller à se donner les moyens d'avoir du courage.
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@ Michel Chevet : Il n’y a, en effet, aucune différence de qualité de construction et d’exploitation entre des centrales nucléaires détenues par un organisme public et celles détenues par une société privée.
Si ce n’était pas le cas, cela signifierait que les autorités d’Etat surveillant les installations nucléaires et leur exploitation appliquent deux poids et deux mesures.C’est impensable dans les pays démocratiques.
En revanche, je suis plus nuancé à propos de la fusion GDF/Suez.
Si on cherche à constituer un puissant groupe énergétique français, on peut penser rapprocher GDF et EDF, non pas parce qu’ils sont tous deux détenus majoritairement par l’Etat mais parce que cela semble assez rationnel.*
S’il s’agit plutôt, au nom du patriotisme économique, de tirer Suez des griffes d’ENEL, souvenons nous qu’en Belgique, la prise de contrôle d’Electrabel par Suez n’a pas été bien appréciée par tous, tant s’en faut. Néanmoins cela s’est fait.
Mon impression est que la France n’a rien à gagner à refuser, lorsque cela lui convient, les règles d’un jeu, cruel certes, mais auquel elle a donné son accord et qui doit s’appliquer à tous.
La Banca Nazionale del Lavoro était une institution très populaire en Italie. Et pourtant, elle a été acquise par BNP/Paribas.
*J’ai trouvé infantile cette lettre envoyée par GDF à ses clients pour leur annoncer que dorénavant il ferait facture à part. Naturellement, EDF a suivi.C’est peu de chose mais où est l’intérêt économique ?
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Sur un autre sujet de privatisation des industries d'infrastructure du pays, je voudrais bien savoir ce que sont devenus les réseaux autoroutiers français dont la privatisation avait pour objectif de permettre à ces entreprises de se développer ?
Quelqu'un pourrait-il faire un point exact sur ce sujet ?
Prenons le cas de la SANEF dont la trajectoire en Bourse a été très éphémène. Peu après une privatisation dont l'objectif me semble plus spéculatif qu'autre chose, l'Etat a mis sur la marché financier toutes ses participations.
Résultat : la SANEF, dont les actifs ont en grande partie été financés par des fonds et des prêts cautionnés d'Etat, a non seulement disparu du marché boursier qui devait lui donner des ressources de développement (!) mais elle a purement et simplement disparue, ayant été achetée à 100 % par un groupe autoroutier privé européen ( espagnol, je crois ) qui l'a immédiatement sortie de la cotation boursière suite à une O.P.R. que certains petits investisseurs ont pu juger "spoliante"... par rapport à ce qu'ils pouvaient être en droit d'en attendre !
Au passage, le groupe privé acheteur a mis la main sur une société qui possédait une trésorerie libre de plus de 900 Millions d'Euros ! Le nouveau propriétaire, loin d'utiliser ce trésor de guerre pour développer la société, a tout simplement... remboursé ses propres dettes jugées excessives par les analystes financiers !
Où est la création de valeur pour la collectivité dans une telle opération ?
Dommage que les cashflows colossaux que l'ex SANEF va produire "sans risques" pour le bonheur du nouvel acheteur, ne servent pas à l'Etat français pour les années à venir... à une époque où les déficits budgétaires semblent si difficiles à contenir.
Gilles
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