Politique

Appel à la résistance de l’esprit

Dans une tribune publiée dans Le Nouvel Obs le 27 juin, Edgar Morin, ancien résistant, sociologue et philosophe, analyse avec lucidité la situation politique chaotique de la France, à quelques jours du premier tour des élections législatives. Au-delà de ce point de vue personnel fort d’une longue expérience (il fêtera ses 103 ans en juillet) porté sur la crise actuelle, qu’il ne faut pas circonscrire à l’Hexagone, mais inscrire dans un contexte mondial de tensions extrêmes pouvant déboucher sur un conflit interplanétaire à partir de points explosifs (ex : Palestine / Israël, Ukraine / Russie

Lisez, relisez "Les ingénieurs du chaos"

Quand je suis invité à parler de Comment meurent les démocraties [1] des questions me sont souvent posées sur la menace que représentent (ou pas) aujourd’hui les réseaux sociaux. Je n’en traite pas dans mon livre puisqu’ qu’il porte sur l’entre-deux-guerres. J’ai trouvé peu éclairantes beaucoup de longues digressions consacrées au rôle des réseaux par des auteurs traitant un sujet voisin du mien. Jusqu’à ce que je lise enfin Les ingénieurs du chaos [2], de Giulano da Empoli. J’avais lu Le mage du Kremlin et laissé de côté ce livre antérieur (première édition 2019). J’avais tort. En moins de

Georges Pompidou (1911-1974)

Le cinquantième anniversaire de la mort de Georges Pompidou, le 2 avril 1974, a suscité la parution de plusieurs ouvrages. La lecture de l’ouvrage de David Lisnard et Christophe Tardieu « Les leçons de Pompidou » [i] (avec quelques notations du très intéressant livre, plus intime, de son fils Alain Pompidou [ii]) permet de retracer le parcours exceptionnel et les grands traits de la personnalité de ce politique atypique (pour ceux qui n’ont connu que nos dirigeants plus récents) et finalement méconnu des Français . En lisant ces ouvrages, la première caractéristique qui vient à l’esprit en

Stupéfaction face au spectacle de la « chose publique »

En quelques années, le spectacle de la chose publique s’est transformé. Ce spectacle, qui suscitait approbation ou adhésion, agacement ou colère, provoque aujourd’hui stupéfaction et désarroi. Certes, il n’a jamais été immuable et a toujours comporté une part d’irrationnel et de passion. Ce qui a d’abord changé, ce sont les médias et les nouvelles techniques de communication qui ont donné progressivement à l’image et à l’instantané une place croissante et ont fait des responsables politiques des acteurs tenus de réussir leur show. La vie politique s’est accélérée, le temps court est devenu la

Veut-on encore être gouverné ?

Les concerts de casseroles résument désormais une profonde crise politique et sociale dont on retiendra que la cause immédiate fut la réforme des retraites. Reste à en saisir les causes profondes, au-delà des idiosyncrasies françaises et du « c’est la faute à Macron », argument qui, s’il n’est pas sans fondement, ne suffit pas à l’explication. Quasiment partout, les institutions du monde libéral perdent en efficacité. Elles sont moins « fluides » et semblent davantage crisper que réconcilier. Quelque chose dans la société leur échappe qu’elles ne parviennent plus à amalgamer, à synthétiser, à

Contre les referendums

À la faveur des débats et manifestations contre la réforme des retraites en France voici mon « coming out » : bien que très attaché à la défense de la démocratie, des libertés et de l’État de droit je crois que le référendum est une fausse bonne idée. J’imagine ce que cette affirmation peut avoir de choquant pour tous ceux qui, logiquement, y voient une rare occasion d’expression démocratique directe du peuple. Comment tenter de justifier cette position dans laquelle entre, je dois l’avouer, une part d’intuition ? Une partie non négligeable de la mission non dite ou peu dite de l’État, donc du

Résilience démocratique

Il y a deux ans, les démocraties occidentales paraissaient poussées vers un déclin inexorable. Prises au dépourvu par la pandémie du COVID elles se battaient entre elles pour obtenir de précieuses cargaisons (masques, respirateurs et autres principes actifs) venues d’une Chine disciplinée qui soulignait à l’envi le chaos occidental. Les démocraties illibérales, Hongrie en tête, s’engouffraient dans la brèche géopolitique et claironnaient la supériorité des vaccins russe et chinois pour ajouter à l’humiliation. Trump récoltait 74 millions de voix, manquait de peu sa réélection et imposait son

Relire Aron au temps de l’Ukraine

Raymond Aron fut l’un des penseurs les plus profonds du phénomène de la guerre ainsi qu’un observateur pénétrant de l’actualité. Quand il interprétait l’histoire en train de se faire ses analyses articulaient une observation très fine du comportement des acteurs, considérés dans la diversité de leur environnement historique et sociologique, avec un substrat philosophique et théorique développé dans ses ouvrages scientifiques sur les relations internationales et la guerre. On trouve dans les textes aroniens vieux de plusieurs décennies [1] des éléments d’explication qui aident à donner un sens

Fascination française

Emmanuel Macron aux sujets de Sa Majesté : « Pour vous, c’est votre Reine. Pour nous, c’est la Reine » La Reine n’est plus, la France est en deuil. La palme revient aux médias. Des dizaines d’heures sur les chaines de TV et de radio, à la recherche du moindre détail sur Elisabeth et les Windsor. Gorbatchev, un acteur qui a changé le monde, a eu droit au centième du temps d’antenne consacré à la spectatrice discrète, mais royale, du déclin de ce qui fut un des grands empires du Monde. La performance médiatique est plus spectaculaire que les manifestations endeuillées de notre président de la

Elections australiennes : résultats et enseignements

Nous pourrions envier le taux de participation aux élections fédérales australiennes, il a dépassé les 92%. Il est vrai que le vote est obligatoire depuis 1924 et qu’avec cette obligation les Australiens semblent se souvenir d’une évidence : la démocratie ne s’use que si on ne s’en sert pas ! Le scrutin renverse la majorité national liberal aux affaires depuis neuf ans (trois mandats). La victoire revient au Labor d’Anthony Albanese qui obtient de justesse la majorité absolue à la chambre basse (77, +8 élus), condition pour gouverner dans cette démocratie parlementaire [1]. La défaite est