
L’innovation et la créativité sont les sources du pouvoir dans notre siècle en mouvement. Pouvoir économique, intellectuel, politique. Les Américains en sont persuadés et les faits leur donnent raison.
La loi de Moore, c’est-à-dire l’industrie électronique et ses applications à la société de l’information, l’ingénierie génétique, la bombe atomique et l’industrie nucléaire, viennent de chez eux.
Leurs universités dominent le classement de Shangaï, et les autres, par leurs résultats, leur organisation, leur richesse. Leur influence s’exerce à travers les
think tanks multiples, bien financés qui assurent leur expansion.
Internet et tout ce qui l’entoure, d’Intel à Google et Face Book (ajoutez toutes les grandes sociétés spécialistes d’
applications) est une invention américaine âgée seulement de vingt ans, dont le potentiel, loin de faiblir, introduit chaque année de nouveaux jaillissements.
Hollywood règne sur l’imagerie mondiale, d’autant plus que ses méthodes se transplantent aussi bien en Inde (Bollywood) qu’en Afrique (Nollywood).
En conséquence l’américain est devenu le langage du monde, de la science, du commerce, de la technologie, de la diplomatie. Les Etats-Unis s’imposent désormais par leur
soft power.
Tout cela provient de ce que la société américaine repose sur la construction de larges structures qui ne sont pas liées par les cercles de la parenté et du clan.
Les Américains n’aiment pas les hiérarchies. Leurs enfants sont élevés pour défier leurs parents. Les employés sont relativement libres de défier leur patron. Une nation d’immigrants est perméable aux personnes et aux idées. Les Etats-Unis abritent de bons réseaux, c’est-à-dire flexibles et intenses. Le pouvoir économique aujourd’hui et demain ne ressemblera pas au pouvoir économique du passé. Le point crucial pour l’époque de l’avenir est que la créativité exige des
hubs. Les réseaux d’information exigent des nœuds.
La nation qui peut servir de hub au monde le dominera.
En 2009, Anne Marie Slaughter, directeur ces jours-ci du
Policy planning au Département d’Etat a publié dans
Foreign Affairs un article intitulé
America’s Edge où elle affirmait : «
Dans un monde en réseau, l’essentiel n’est plus le pouvoir relatif, mais la centralité dans une toile globale de densité croissante ».
Les Etats-Unis sont bien placés pour devenir le centre de réseaux globaux et engendrer leurs ramifications. Sauront-ils s’engager à fond dans cette voie de puissance ? Il leur faudra multiplier leur connectivité : financer la recherche pour attirer les cerveaux ; améliorer l’infrastructure pour faciliter les déplacements ; organiser l’immigration pour allécher les talents ; réformer les impôts pour séduire les superstars ; rendre les stages à l’étranger obligatoires pour tous les étudiants ; utiliser leurs anciens combattants qui ont servi outremer.
La nation qui possédera les réseaux les plus denses et les plus évolutifs définira l’époque. La Chine l’a compris et c’est sur ce terrain qu’elle engagera le combat, mais elle se sait loin derrière et elle risque de ne pouvoir rattraper son retard car la vie de l’esprit ne se crée pas uniquement avec des investissements de l’Etat ; son développement exige la liberté qui permet aux iconoclastes, aux hétérodoxes, aux marginaux, aux rebelles, de s’épanouir, de faire jaillir l’inattendu, de briser les tabous et d’engendrer les percées définitives. Saura-t-elle imaginer un système alliant un Etat fort et le libéralisme intellectuel ?
Il est intéressant de se référer à la création simultanée de l’Académie Royale des Sciences par Louis XIV et de la Société Royale de Londres par les anciens du Club expérimental d’Oxford : même situation, même opposition.
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