Le débat sur la France malade de son économie est enfin sur la place publique. Malgré les efforts de la classe politique et du gouvernement pour l’étouffer et pour atténuer la gravité des diagnostics que portent les rapports les plus pertinents (Camdessus, Pébereau). Le dernier livre de Christian Blanc, « La croissance ou le chaos » ouvre quelques judicieuses pistes d’espoir. Mais la France n’est pas seulement malade de son économie : la société française est à la fois saine et malade et ses maladies sont si sérieuses qu’elles entravent son développement économique.
Les observations accumulées année après année depuis 1974 par l’Observatoire permanent de la socio-culture française de Sociovision Cofremca (3SC) et les résultats d’une recherche ethno-sociologique de terrain (sur la Société Rêvée) conduite en 2005 par L’Ami Public concourent au même diagnostic.
En France, en une cinquantaine d’années, la société des gens s’est radicalement transformée. Elle fait aujourd’hui partie du peloton qui défriche la modernité. Les individus-dans-la-masse, relativement manipulables des années 50 ou 60 sont devenus des personnes à part entière, autonomes et capables de piloter leur vie de façon avisée et de se fabriquer au moins une partie des bonheurs affectifs et du sens dont ils ont besoin. Chez eux, l’émotion a pris la place de l’idéologie. Une société pyramidale est devenue de plain-pied, une société massive et encasernée est devenue variée, flexible et permissive, une société combative est devenue pacifique, une société mécanique est devenue vivante ou biologique. Malgré une énorme perte d’efficacité du commandement d’en haut, elle s’auto organise et se régule spontanément de façon assez harmonieuse. Elle est saine, tonique, inventive et pleine de vitalité. Comme tout organisme vivant, elle a ses douleurs et ses maladies, mais elle tend à être autocorrective : confrontés à ses pathologies, les Français organisent spontanément, d’en bas, des systèmes immunitaires et réparateurs et renforcent ses orientations vers le bonheur et le sens, la protection des personnes, un certain humanisme, la paix.
Mais, la France est malade de sa gouvernance. Sa classe politique et ses gouvernements sont restés imprégnés d’une conception de l’Etat souverain, autoritaire et tutélaire qui s’était épanouie dans le monde avant et juste après la deuxième guerre mondiale et prolongent de façon caricaturale un affrontement idéologique Droite/Gauche qui était vivant au milieu du siècle précédent. Ils sont englués dans des postures et des systèmes d’interaction d’une autre époque en complète allergie avec ce que sont devenus les gens et la société des gens. Ils ont perdu le contact avec ceux-ci au point que le pays n’est plus capable de prendre les bifurcations ni de s’appliquer les traitements qui, dans un monde en mutation, restaureraient sa vitalité et soigneraient ses pathologies les plus graves. Le divorce entre la société des gens et la classe politique atteint un niveau dangereux qui nous place dans une situation pré-chaotique.
Commentaires
Merci, François. Bonne occasion de tenter d'enfoncer le clou.
Mais oui ! "les individus-dans-la-masse, relativement manipulables des années 50 ou 60 sont devenus des personnnes à part entière...". L'immense majorité d'entre eux est beaucoup moins gouvernée par la pub, la propagande ou les idéologies impulsées d'en haut. Les gens sont plutôt gouvernés par une recherche personnelle assez avisée de leurs petits bonheurs, de l'entretien de leurs affections et du bien-être de leur petite famille et de leurs copains. De leur côté, les gens d'en haut ont perdu non seulement de leur autorité mais de leur savoir-manipuler. A chaque élection, les Français renvoient ceux qui gouvernent. Ils répondent non au référendum que les élites en place croyaient avoir si bien préparé.
"Sa classe politique et ses gouvernements prolongent de façon caricaturale un affrontement idéologique Droite/Gauche". Certes, il y a peu de différence entre les pratiques effectives des gouvernements de droite et de gauche. Mais, au plan national, la Droite et la Gauche jouent la comédie d'un affrontement verbal total entre deux camps qui paralyse leur capacité réelle de gouverner : le chômage se maintient à un niveau scandaleux, les ghettos se renforcent et se ferment, les poches de malheur se gonflent, l'économie patine. Les gens ont conscience de cette tricherie et raillent la "langue de bois". La politique politicienne perd ce qui lui restait de sens. Et les Français sont en attente de rupture.
Amitiés.
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Chers collègues du Club,
Je voulais répondre en commentaire à cet article mais, comme j'ai la fâcheuse manie de ne jamais savoir faire court sur ce genre de sujets et ne voulant pas monopoliser l'espace ici, je me permets de vous mettre le lien vers l'article qui répond à celui d'Alain sur mon blog personnel.
Les Français malades de leur gouvernance ?
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