Ayant passé la majeure partie de mon activité professionnelle dans le service aux entreprises au sein d'une grande SSCI, j'ai souvent eu l'impression que le" Business Model" de ce secteur avait quelque chose de nouveau, voire en anticipation des besoins futurs de nos sociétés post-industrielles ... En effet, il permet aux entreprises de répartir leur risque d'emploi par l'appel à des compétences particulières voire à des équipes de professionnels qui prennent en charge tout ou partie d'un projet voire d'une fonction d'entreprise. Cela n'a rien à voir avec de l'intérim, car les salariés des entreprises de service sont des salariés à temps complet, qui ont des contrats à durée indéterminée( CDI ) et souvent pendant de nombreuses années au sein de l'entreprise de service. Leur employeur est donc bien la société de service. Le client de la société devient leur client personnel pour la mission qu'ils ont à assurer. Les collaborateurs changent d'environnement, de clients, régulièrement en tenant compte des souhaits exprimés et des contraintes réelles observées. Ils sont formés de manière complémentaire par la société de service pour être en mesure de s'adapter à l'évolution rapide des besoins des entreprises, ils commencent par une phase d'apprentissage auprès de collaborateurs plus anciens et plus expérimentés. Chaque collaborateur, en début de mission chez un client, est assisté voire "coaché" par un manager qui a pour objectif de l'aider à prendre rapidement en charge et seul toute la mesure du poste prévu. Que se passe-t-il lorsque la mission se termine ? Soit le "manager" qui suit leur mission régulièrement a prévu de leur procurer une autre mission qui est immédiatement et directement en rapport avec leurs capacités et leurs savoir-faire. Soit, si un période dite d'inter chantier ou d'inter contrat s'annonce, leur manager se sent personnellement et financièrement responsable de leur trouver un nouveau "job". Si l'évolution du marché ou de la conjoncture ne permet pas de trouver rapidement un contrat adéquat, la personne n'est évidemment pas licenciée. Elle continue à être payée et à être employée par la société de service : Rupture de contrat ne signifie donc pas chômage ! En fonction des prévisions de charge et de l'évolution de la demande des entreprises clientes, le collaborateur concerné est injecté dans un processus interne de formation plus ou moins lourd. Pendant ce temps, son manager est payé pour lui trouver un "job" qui tienne compte non seulement de son passé mais aussi de sa capacité personnelle. C'est lui qui se porte personnellement garant de la qualité du collaborateur qu'il détache donc de la société de service vers l'entreprise cliente ; collaborateur qu'il doit donc "supporter" et qu'il doit remplacer dans le cas où une difficulté, technique ou comportementale par exemple, pourrait rendre la mission impossible ! Tout ceci est-il financé dans le modèle ? Oui. Tous les risques normaux et prévisibles, y compris le chômage technique qu'est l'inter chantier sont provisionnés dans les prix de vente. Donc, le prix de la prestation assurée par un collaborateur auprès de l'entreprise client est nettement supérieur au salaire de la personne qui l'assure, bien entendu. Le prix du service n'a qu'un lointain rapport avec la fiche de paie du salarié. C'est donc en fait le "client entreprise" lui-même qui finance la totalité du service qu'il reçoit et non pas la collectivité nationale ou celle des autres entreprises. Dans le cas où la mission comprend de plus un engagement de résultat, la prime de risque pour la société de service, associée à cette contrainte supplémentaire, majore encore le prix de vente. Le système est donc économiquement bien équilibré et le chômage technique qui est nécessairement lié à la variabilité de l'activité économique n'existe donc pas. En fait, il est rémunéré par un péréquation au sein du fond de roulement dégagé par la facturation des services. M'est ainsi venue l'idée que ce même modèle, qui a semble-t-il bien fonctionné en France puisque, uniquement dans le secteur de l'informatique, il concerne plusieurs centaines de milliers de personnes, pourrait être étendu à d'autres secteurs de services. Certes cela existe pour certains, mais pas pour la majeure partie car l'intérim en a pris la place et ne correspond pas toujours à la même finalité et le processus n'est pas le même. On peut donc faire appel à l'initiative privée pour faire de nouvelles sociétés de services en tous genres mais hélas, tous les secteurs économiques ne sont pas aussi dynamiques et demandeurs de ressources humaines.
Alors pourquoi ne pas étudier l'intérêt de transformer notre vénérable ANPE en une ANSE ? La différence étant qu'au lieu d'agir en "placier" pur et simple et comme simple agent de transaction, de broker, sur le marché du travail, elle pourrait alors "salarier tous les chômeurs de France", leur donner un statut avec une convention collective ad hoc et proposer ? toutes nos belles entreprises de France, de Navarre et d'ailleurs, des prestations de service sous forme de contrat de détachement analogue. Comme le prix facturé des personnes en recherche d'emploi serait nettement supérieur au salaire que la personne gagnerait, l'entreprise cliente, aurait, souvent intérêt ? embaucher en CDI pour le long terme ledit "chômeur salarié" sauf, si elle pense que le jeu économique n'en vaut pas la chandelle. Financièrement, pour le salarié, les choses seraient au pire transparentes financièrement, au mieux momentanément avantageuses. On voit quelles seraient les charges d'une telle ANSE. Les salaires ? temps complet des chômeurs, leurs charges sociales de salariés, les coûts direct des formations et, bien sûr, les charges fixes dites de structure telles que le personnel de l'Agence (managers et administratifs, formateurs, ..) et les coûts de fonctionnement immobilier, de bureaux et d'informatique. Du côté des recettes, l'Agence pourrait disposer de la facturation de ses services aux entreprises ( voire au particuliers ) et de l'équivalent des paiements de droits d'ASSEDIC qui ne seraient donc plus versés directement aux personnes mais directement à l'ANSE de laquelle ils deviendraient automatiquement salariés à temps complets. Mais ils seraient alors des salariés "encadrés" par des responsables de l'ANSE et non plus des "électrons libres" en désérance promis à toutes les tentations "malsaines". Un des avantages de cette solution pour le chômeur et non des moindres serait qu'il ne serait plus seul pour trouver son "job" et "se vendre" mais il aurait un "commercial" de l'ANSE, rémunéré sur objectifs pour défendre son dossier auprès de l'entreprise cliente de l'Agence. On serait certains, de cette manière, que le coût du chômage serait objectivé, rationalisé, contrôlé, et piloté et que les clients de l'ANSE paieraient un prix complet et réel du travail fourni…
Autre avantage non négligeable : ce " business model ", celui "business du retour à l'emploi" pourrait rapidement dégager une certaine marge bénéficiaire. Le but de l'Agence publique ne serait pas de rémunérer des actionnaires privés indépendants mais plutôt les contribuables et les entreprises elles-mêmes qui participeraient à son financement, au travers des cotisations sociales abondant le budget de l'Agence. Il serait alors possible de rêver : on pourrait avec l'excédent dégagé par ce modèle entrer dans un cercle vertueux et, enfin, diminuer les charges sociales qui pèsent sur les entreprises et, peut-être aussi, les impôts collectifs ! Au-delà du rêve, il y a les réalités. Il ne s'agit pas d'être naïf au point d'en ignorer tous les obstacles. Encore faudrait-il en discuter… Pour information : Le texte ci-dessus est paru dans le journal LES ECHOS en rubrique IDEES le 29 décembre 2005. Il est possible de le voir ICI
Commentaires
Admettons, sous réserves d'inventaire !
Mais qui "dirigera" cette ANSE, dont au passage vous ne dites rien sur l'organisation ?
Ai-je bien compris que vous suggéreriez une codirection, des représentants du patronat, des salariés et de l'Etat au sein d'une sorte de "Conseil d'Administration " ?
la proposition merite certainement d'etre discutée. Autant le fonctionnement en début de vie active parait très intéressant, que deviendrait-il après 40ans?. L'ANSE devrait elle conserver les personnes jusqu'? l'age de la retraite, qui s'accroit de plus en plus? Qu'arrivera-t-il en fin de vie professionnelle (on ne parlera plus de "carrière" ) quand le taux d'intercontrat s'accroitra avec l'age?
je partage le commentaire intéressant de Jean Ploi ! et la recherche de main d'oeuvre ? bas cout n'est pas pres de s'arreter..
Je propose aux lecteurs de compléter leur réflexion sur ce sujet en consultant le lien ci-dessous ( Les Echos )...
Voir aussi :
http://blogs.lesechos.fr/article.php?id_article=232
Contrôle des masses ?
C'est un point de vue qui ne manque pas de "pragmatisme" pour user d'un vocable ? la mode.
Toutefois, je peux vous assurer que le "mal" a largement débordé les "masses laborieuses" et touche aujourd'hui même les grands diplômés qui ne sont pourtant pas tous des "marginaux" !
L'annonce de l'existence du premier chômeur de l'histoire au sein de la vénérable association des Anciens Elèves de l'X avait fait, je puis vous l'assurer, l'effet d'une bombe...
Conseil du jour : relire LA FONTAINE dans Les animaux atteint de la peste.
" ... Tous ne mourraient pas, mais tous étaient touchés ! "
GM
Je constate avec plaisir que nos concitoyens ont encore la faculté de s'étonner, de s'enthousiasmer, de s'indigner... donc d'exister par eux-mêmes !
Cela montre que "tout n'est pas perdu" et que la France "bouge encore".
Je n'ai surtout pas la prétention de dire que ma proposition est une panacée ni une solution qui retiendra un large consensus.
Mais, elle a au moins le mérite de regarder la situation collective avec un "éclairage nouveau" en utilisant pour cela un "business model" qui est "successfull", pour parler franglais.
Il ne s'agit que d'une autre grille de lecture d'une réalité qui est l'essence des choses.
Dès que l'on utilise le viel outil qu'est "le prix ? payer", on se rend compte que les "choses changent", peut-être pas dans les faits, immédiatement, mais sans doute dans les têtes avant de l'être dans les comportements.
Tout ? un prix, tout ? un coût, même et surtout la "gratuité" qui n'est au fond qu'apparente, en ce bas monde !
D'ailleurs, lorque la préoccupation de trouver des moyens financiers n'existe plus, le don, la donation, le mécénat deviennent de nouveau "produits" qui ont aussi de la "valeur"...
Je vous signale un aute site qui s'est aussi emparé de cette discussion...
ICI : lien intéressant
Je répondrai plus tard ? l'ensemble des remarques de nos "courageux" rédacteurs. Pour l'heure, je vous remercie de continuer ? me faire part, très naturellement, très spontanément mais aussi de manière "réfléchie" ? cette nouvelle image de l'organisation économique que je propose...
Merci ? tous de vos initiatives et de votre collaboration ? cette réflexion.
Henri-Paul Soulodre
Bonjour Monsieur Soulodre.
Je suis l'auteur du "lien interessant" et je vous remercie de m'avoir signalé.
Avant même d'avoir lu votre article sur le club des vigilants, je l'avais lu sur mon quotidien préféré. Je vous précise que je suis agent de l'Anpe et donc directement concerné par votre proposition que je n'aurais pas eu l'audace de faire moi-même.
Ma première remarque concerne votre démarche : il est bon et sain que des citoyens comme vous élaborent des idées, des projets, etc.
Ma deuxième remarque consiste ? vous signaler que j'adhère sans réserve au processus de modernisation de l'Anpe. Je le trouve même trop lent (il a commencé en 1986, lorsque le "père" de l'Anpe, un certain Jacques Chirac (en 1967) a constaté que son enfant avait largement mis les pieds ? côté de la plaque. Il ne faut pas en tenir rigueur ? Chirac, il y a eu Mai 68 tout juste un an après la création de l'Anpe!).
Pour autant, votre proposition me trouble car, étant au coeur du système (je reçois quotidiennement des demandeurs d'emploi (au moins 12 000 entretiens depuis le début), je ne compte plus...), je pense que vous avez DEUX longueurs d'avance (au moins...).
A l'évidence, les agents de l'Anpe ne sont pas du tout prêts, idéologiquement, ? entrer dans cette logique. Moi, si! Pourtant, il faut rester réaliste : obtenir que, dans un premier temps, l'Anpe ait simplement le droit d'émettre des factures est un obstacle de taille. Cela permettrait pourtant ? celle-ci de PROUVER de quoi elle est capable. Eh, bien! croyez-moi : ça n'est pas gagné!
Enfin il faut se protéger des "usines ? gaz" monstrueuses. Dans la mesure où les demandeurs d'emplois sont au moins 4,5 millions (et non pas 2,5) voire même beaucoup plus si le système que vous proposez s'avère attractif, l'Anpe deviendrait alors la plus grosse entreprise du monde (loin devant l'Armée rouge, l'armée américaine et les armées européennes réunies).
Je suggère donc que l'on approfondisse la réflexion sur une base plus modeste : une levée des verrous juridiques qui empêchent l'Anpe de fonctionner normalement, puis une "entreprisation" (excusez le barbarisme) de l'Anpe. Rien que cela, ça fait du boulot ... Je parle en connaissance de cause!
http://www.propositions-audacieuses.net
Pour ceux que ce sujet intéressent, je reprends ici un échange que j'ai eu sur le blog de Jacques Heurtault, qui annonce faire partie de l' ANPE...
Merci pour tous de vos commentaires. J'ai fait connaitre le sujet à diverses personnalités politiques qui ont eu la gentillesse de me répondre, en toute " discrétion "...
Bonne lecture
Ma fréquentation du Net m'a permis de constater que les propositions de certains membres du Club des Vigilants, parues dans la Presse et sur ce Blog, sont reprises par des sites "spécialisés".
Pour l'article ci-dessus de Monsieur Soulodre, en voici un exemple sur un site des agents de l'ANPE :
Lire ici
J'en profite aussi sur ce même sujet pour signaler aux lecteurs un point de vue d'une personnalité très connue, Monsieur Jacques Attali, qui défend un point de vue très convergent avec celui proposé par Henri-Paul Soulodre dans son billet sur l'ANPE.
Voir Le Monde, du 22 mars 2006 en page 19.Je trouve que les idées des membres et amis de ce Club de réflexion (think tank) gagneraient à être beaucoup plus connues à l'extérieur de leur cénacle...
J'ai le sentiment que dans nos temps modernes et mondialisés, les modèles de nos pères sont mis à mal et qu'après le dossier sur l'Energie, notre vielle Europe devrait se tourner vers la ressource du futur : les nouvelles idées qui sont une des formes de l'Innovation dont la forme "technologique" n'est qu'un des nombreux aspects mais certainement pas la seule...
Merci aux auteurs et contributeurs de ce tout jeune blog !
On dirait que l'Etat commence à s'engager vers des réformes qui vont dans le sens proposé ici, même si on en est encore loin.
Le rapprochement entre ANPE et ASSEDIC mais aussi AFPA et SETE est dans l'air du temps...
Serait-ce une résurgence du très ancien projet du S.P.E. (Service Public de l' Emploi) dont j'avais participé aux études préalables de faisabilité il y a une vingtaine d'années ?
Il avait été abandonné par le gouvernement de l'époque car jugé trop "futuriste" et trop en "rupture" !
L'actualité récente montre en effet que l'évolution du modèle de gestion français du chômage est bien engagée. C'est tant mieux.
Je discutais récemment avec Hervé Serieyx sur ce sujet. Nous connaissons tous ses écrits et ses prises de position en la matière. Il me faisait remarquer que l'union des groupements d'employeurs qu'il préside est assez fière d'avoir trouvé une formule voisine pour tenter de résoudre, au moins partiellement, le problème dans quelques "bassins d'emplois".
L'idée est de faire se regrouper plusieurs employeurs qui, chacun, ne sont capables d'offrir que du temps partiel sur certains postes. En se regroupant et en se coordonnant, ils deviennent ensemble capables d'en faire un poste à plein temps. Le salarié contracte alors un CDI normal avec le groupement d'employeurs et exerce son métier au sein des diverses entreprises concernées.
L'expérience montre, qu'assez souvent, l'une d'entre elles finit par lui faire un proposition d'emploi exclusive...
A l'époque où le rapprochement de l'ANPE et de l'UNEDIC est à l'ordre du jour, il pourrait être intéressant de revenir vers cette proposition...
GM
Voir aussi : http://obsdurecrutement.free.fr/index.php?2006/04/08/1289-anpe_club_des_vigilants_soulodre
Je m'étonne que personne n'ait relevé que l'Etat va chercher bien loin et bien cher une idée de nom pour le nouvel organisme né de la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC !
Pôle pour l'Emploi
Il suffisait d'y penser ...
ANSE était trop compliqué et pas assez "moderne", sans doute !
Vous aviez dit ANSE ?
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