Le mâle nécessaire

080326-Poutine.jpgAndropov est mort. Gorbatchev a failli. Eltsine a liquidé. L’URRS s’est effondrée. Pour la Russie chancelante, il fallait un homme fort. Poutine est arrivé.

Huit ans plus tard, l’ordre règne. Le pétrole remplit les caisses. La fierté nationale est de retour. Reste à transformer la Russie en un pays moderne. C’est le rôle que Poutine a dévolu à Medvedev. Economiquement, socialement, politiquement, la tache est immense.

L’économie n’est pas diversifiée. Les matières premières comptent pour 80 % des exportations. Le pétrole et le gaz, à eux seuls, représentent plus de 30 % du PNB. L’industrie locale est déficiente. Les biens de consommation sont, pour la plupart, importés. 

Les services publics sont défectueux. Les routes sont défoncées. Les ordures s’amoncellent. Les hôpitaux sont lamentables. Le déclin démographique se poursuit. L’espérance de vie est dramatiquement courte. L’alcool, la drogue et le sida font des ravages. 

Le pouvoir est confisqué. Des anciens Kgbistes cumulent les fonctions et accumulent des fortunes. Ils truquent des marchés et distribuent des prébendes. Leur « protection » est tentaculaire.  

Que diable peut donc faire Medvedev avec son (faux ?) air de gentil garçon ? Dans l’immédiat, pas grand-chose sans l’aide de Poutine, Le « parrain de toutes les Russies » (voir « Lu » p. 11) est encore (et peut-être pour longtemps) le mâle nécessaire. 

Vladimir Vladimirovitch a su maîtriser les « oligarques ». Dans un premier temps, il a profité de leurs divisions pour s’attaquer à un maillon faible (Goussinski). Il a ensuite fait comprendre aux uns qu’ils pourraient garder leurs milliards s’ils ne se mêlaient pas de politique et conduit les autres sur le chemin de la prison (Khodorkovski) ou de l’exil (Berezovski). Pour réussir cet exploit, Poutine s’est appuyé sur des amis venus de Saint Petersbourg et sur des relations qu’il s’était faites au KGB et autres « organes ».  

Ce sont précisément ces amis et relations que Poutine devra tempérer s’il veut aider Medvedev à moderniser la Russie. Il peut y parvenir sans se montrer déloyal envers eux car la diversification des élites ne passe pas nécessairement par la destitution de l’ancienne couche de dirigeants. Il s’agit seulement de laisser Medvedev recruter des personnalités susceptibles de le seconder dans la construction progressive d’un Etat et d’une économie adaptée au monde moderne.  

Rien n’interdit de penser que tel est le rêve de Poutine. Cet homme, ambitieux et avide de pouvoir, est aussi un patriote qui veut laisser une trace dans l’Histoire millénaire de la « Grande Russie ».

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Commentaires

La lecture de cet article, cher Marc, m’incite à te faire part de mes "réflexions" sur la Russie.

Le fait que le pays ait été en réelle faillite il y a quelques années, et que les caisses soient si florissantes de nos jours, n'est dû comme tu le fais si bien remarquer qu'à la hausse considérable du prix du pétrole et du gaz, de même que celle de l'or et toutes proportions gardées des diamants.

La dictature, car c'en est une, de Poutine, se continue en mascarade.

La prétendue élection, aux résultats faussés et truqués, n'était en fait qu'une sélection d'un Président potiche.

En effet les pouvoirs du Président et ceux du Premier Ministre vont certainement être inversés et les principales autorités et administrations reporteront désormais au Premier Ministre au lieu de le faire, comme naguère, au Président de la République.

J'ai le sentiment que les avancées réelles sous Gorbatchov puis sous Eltsine ne sont plus que du passé et que l'on revient rapidement à un régime de type soviétique.

Les enrichis sous Gorbatchov mais surtout sous Eltsine le sont demeurés, mais ont été remplacés par d’autres, soutiens de Poutine, dont personne n'ose parler de son propre enrichissement personnel, véritablement colossal paraît-il.

Je ne souhaiterais pas citer de noms mais certains protégés de son propre premier cercle sont réputés valoir des milliards et des milliards de dollars, alors qu'ils n'étaient que de simples ouvriers il y a deux ou trois décennies.

Le début de démocratie et de certaines libertés ne sont plus que de bons souvenirs.

Le premier ministre qui a précédé l’actuel, cousin à moi au second degré, Mikhail Fradkoff, est désormais après ce poste relativement important, bien que séide de Poutine, le grand patron de l'ex KGB, ce qui en dit long sur les envies de Poutine.

Sur le plan international Poutine ne craint pas, fort des richesses actuelles de montrer les dents et de laisser planer le danger d'un retour à la guerre froide.

Cela me semble d'autant plus dangereux qu'à mon sens dans quelques décennies le très grand danger de l'Occident ne manquera pas d'être la Chine et il vaudrait mieux dans ce cas que la Russie soit à nos côtés plutôt qu'antagoniste.

Bref je suis inquiet : quand un "éternel" optimiste comme moi commence à être inquiet, les pessimistes traditionnels commencent à jubiler de leur préscience !!!

« Le Mâle Nécessaire » ! j’ai, cher Marc, autant apprécié le titre que lu avec intérêt mais non sans un certain étonnement l'article.

Je trouve que votre analyse est flatteuse pour V. Poutine, même si la confiscation du pouvoir est clairement mentionnée.

Je partage néanmoins assez largement votre opinion, tout en étant surpris, venant d’un journaliste de profession en particulier, qu’aucune mention ne soit faite des graves restrictions à la liberté de la presse tant écrite que télévisée, sans parler des assassinats de journalistes. Leurs assassins ne sont d’ailleurs pas recherchés laissant planer tous les soupçons…

Non seulement les Russes qu’on dit habitués aux régimes autoritaires, en souffrent consciemment ou non, mais l’Occident*, présenté comme ennemi responsable de la plupart des maux, risque d’en pâtir en l’absence de toute opinion contradictoire.

Notre jugement doit donc être tempéré par ce grave défaut de liberté et de démocratie, et donc en conclusion, restons Vigilants.

*bien souvent très maladroit, il est vrai !

(A Serge). Cher Serge, j’aurai tendance à être d’accord avec tes réserves à cela près que je désapprouve le mot « certainement » dans la phrase « … Les pouvoirs du Président et ceux du Premier Ministre vont certainement être inversés et les principales autorités et administrations reporteront désormais au Premier Ministre au lieu de le faire, comme naguère, au Président de la République ». Tu as peut-être raison mais je crois que Poutine a une ambition plus vaste que celle de rester indéfiniment au pouvoir. A mon avis, il veut être le père de la nation, un Tsar capable d’organiser sa succession.
Si j’avais un pari à prendre, je dirais que, sauf guerre mondiale ou autres évènements graves et imprévus, il se retirera. Où ? Je ne sais pas mais il paraît qu’il a déjà fait construire des édifices fort luxueux là où sont prévus des Jeux Olympiques d’hiver de 2014. Je crois que c’est à Sotchi mais je n’en suis pas sûr.

(A Bruno). Vous avez, cher Bruno, raison de mettre en relief l’absence de liberté dont souffre actuellement la Russie (la liberté de la presse n’étant d’ailleurs qu’un aspect). Le problème est de savoir si les choses vont aller en s’améliorant ou en se détériorant.
Il me semble qu’une démocratie « à la russe » n’aura pas des Droits de l’Homme exactement la même conception que nous mais il est permis d’espérer que, sauf guerre ou autres évènements graves et imprévus, la situation en Russie sera suffisamment stabilisée pour que le régime puisse s’offrir le « luxe » d’un peu plus de Droit et de Justice.

Mon souvenir d'une mission de cinq semaines en 1992 dans le domaine du transport des denrées périssables reste l'émerveillement que j'ai ressenti devant leurs connaissances accadémiques de tout ce qui concernait le transport en matière de record en tout genre, leurs joies de connaître la liberté avec Eltsine, et leurs espérances d'une vie meilleure.

Après, le désordre brownien de la vie qui me semblait participer à la ruée vers l'or

On ne sort pas facilement de 70 ans de communisme et le retour à l'ordre me paraît aussi inévitable pour parvenir au stade suivant de l'évolution.

Sortir de la révolution française à amené l'autoritarisme napoléonien.

On attend de voir comment les Chinois vont réussir à en sortir s'ils souhaitent aller vers un peu de démocratie.

Mais les Russes apprécient la différence - alors patience...

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