
Une des raisons du
malaise contemporain est que l’économie domine, mais que plus personne n’y comprend rien. Les économistes s’écharpent en tirant de la même « science » des
conclusions diamétralement opposées. Politique de l’offre ou de la demande ? Trop de crédit ou pas assez de crédit ? Bulle ou pas ? Trop d’inégalités ou trop de redistribution ?
Au
Club des Vigilants, nous voulons notamment aider à rechercher partout nos
intérêts communs, plutôt que de débattre stérilement. En matière économique, c’est difficile... Alors je signale aux anglophones la parution il y a quelques jours d’un livre remarquable :
Money, Blood and Revolution de
George Cooper. Et j’indique aux francophones pourquoi je trouve ce livre remarquable.
George Cooper nous dit ce que nous sentons bien :
la science économique est dans l’état de pagaille noire de la médecine avant Harvey et sa découverte de la circulation du sang, ou de l’astronomie avant Galilée. Et il nous propose son image, très simple, de notre monde économique « capitaliste démocratique » : celle d’une
économie circulante qui s’appuie à la fois sur Adam Smith, Marx et Darwin.
Le capitalisme décrit par
Adam Smith fonctionne bien, animé par la libre concurrence des intérêts individuels. Il crée une pyramide avec des riches gagnants au sommet et fait circuler la richesse du bas vers le haut de cette pyramide. Le capitalisme
démocratique évite le piège décrit par
Marx de la polarisation imposée par des riches de plus en plus riches qui transforment leurs innovations en rente : la règle démocratique impose la redistribution fiscale et réglemente les positions dominantes. Elle fait circuler la richesse du haut vers le bas de la pyramide.
La circulation continue de richesse, de bas en haut et de haut en bas, alimente la croissance.
Cette image très simple éclaire énormément de
thèmes essentiels : pourquoi il faut à la fois une politique de l’offre (pour faciliter les initiatives des entrepreneurs) et de la demande (les entrepreneurs ont besoin de clients) ; pourquoi les vannes du crédit ouvertes depuis la crise ne servent pas à grand-chose (elles font circuler la richesse du bas vers le haut) ; pourquoi dans un monde dirigé par
l’imitation darwinienne et non par la maximisation de l’utilité, ceux qui prétendent modéliser les marchés financiers sont naïfs ou manipulateurs ; ou encore pourquoi l’opposition entre public et privé (ou entre démocratie et capitalisme) est artificielle : Il a une image apaisée pour décrire cette opposition :
celle du biceps et du triceps, deux muscles dits « antagonistes » mais dont l’un ne peut pas fonctionner sans l’autre.
La force de la représentation que nous donne George Cooper de l’économie est qu’elle peut être partagée par tous puis ouvrir des débats constructifs sur « le bon réglage ».
(Parmi bien des thèmes, il remarque que nos systèmes publics en Europe et aux Etats-Unis sont bloqués car trop gros pour la majorité des sujets d'intérêt général et trop petits pour ceux qui comptent vraiment, les problèmes planétaires. Si vous partagez ce diagnostic vous y verrez une raison pour laquelle la
France jacobine fait plutôt moins bien que la moyenne dans beaucoup de domaines, cf l’excellent éditorial de Xavier Fontanet dans le dernier numéro de Challenges sur la
Leçon Suisse à la France jacobine.)
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