
La plupart des Français ont des racines paysannes et, dans leur mémoire collective, les ancêtres étaient heureux. Cette
valorisation du passé explique, en partie, leur amertume présente.
On aura beau répéter que
la France est encore – et de loin ! – un des pays les plus heureux du monde, beaucoup rétorqueront : «
Et alors ! ». Ils penseront «
cela fait des siècles que ça dure ! ». Presque partout, presque tout le temps, la terre a été féconde et les gens contents de bavarder.
Le contraste avec d’autres pays est frappant. Prenons
l’exemple de la Suède : six mois par an, les fermes étaient isolées ; il faisait froid ; la nourriture était comptée ; les gens avaient peu de voisins à qui parler. Quel bonheur, dans ces conditions, de changer de mode de vie, d’avoir de l’électricité et des moyens de transport. Du passé, pourtant, il reste beaucoup de traces. Encore aujourd’hui, la plupart des Suédois ne savent pas « bavarder ». En revanche, ils sont plus à l’aise que les Français lorsqu’il s’agit de réfléchir ensemble à des problèmes communs avec, autant que possible, un ordre du jour décidé de concert.
En France,
les paysans qui sommeillent dans la cervelle des citadins d’aujourd’hui se plaisent à oublier que les guerres, les épidémies, les abus de pouvoir, les révolutions, les contre-révolutions, etc. ont fait leur lot de malheurs. Ils préfèrent se souvenir qu’à travers les âges le fond de l’air est resté gai dans un cadre resté traditionnel et rural. Les chansons et les blagues se perpétuaient d’une génération à l’autre. Le monde bougeait mais lentement.
Et puis, tout s’est accéléré :
industrialisation, urbanisation, mondialisation et migrations ont bouleversé les habitudes. Le tout à l’égout fonctionne et l’on peut, si l’on a les sous, acheter des fraises à Noël. «
Est-ce ça vaut le jus ? » se demande le plus grand nombre. Le doute augmente à mesure que le progrès est entaché de chômage, c’est-à-dire, surtout dans les cas de longue durée, de perte de repères et d’identité.
Après
l’Indignation, chère au regretté Stéphane, peut venir
la Révolte.
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