
«
La société, dite capitaliste, est une synthèse d’éléments divers et, pour une part, contradictoires. Elle combine un ordre bourgeois (respect des lois, travail, respectabilité, épargne, honnêteté), un ordre industriel (rationalisation technique, concentration ouvrière) et un ordre financier (représentation abstraite des richesses, bourse, manipulation des valeurs) » écrivait Raymond Aron dans Les guerres en chaîne.
Le déséquilibre actuel en faveur de l’ordre financier et le courtermisme est connu et même rabâché. En décrivant une société par un système, Aron expliquait qu’il existe une dynamique entre ses différents ordres. Nous sommes focalisés sur l’excès de financier mais nous devons réfléchir au fait que chacun des ordres a connu des tensions et des transformations de grande ampleur ;
la place laissée au financier est aussi le résultat mécanique de la « performance » des deux autres. Dans cette perspective, la crise actuelle apparaît d’une grande complexité mêlant des questions techniques, sociologiques, philosophiques, éthiques… Jacques Attali a plaidé devant les membres du
Club pour
un capitalisme patient et la valorisation du long terme (sur pondérer l’ordre bourgeois en termes aroniens) mais l’amoindrissement du temps long –ou la sacralisation du temps court– est autant une conséquence de l’organisation industrielle (le juste à temps), de la technique qui organise notre vie quotidienne (la grande vitesse sous toutes ses formes), du dynamisme des actionnaires (y compris, indirectement, les retraités qui veulent leur pension), de tendances lourdes des sociétés et même de questions fondamentales :
comment sacrifier son bonheur à court terme sans perspective eschatologique ? Le système politique au sens de la compétition électorale, du gouvernement et des administrations est un maillon de la chaîne mais le système de valeurs et les mœurs capables de soutenir les intérêts du long terme ne sont pas de son ressort sauf à décider que nous renonçons à la « version libérale des contraintes » pour continuer avec Aron.
Jacques Attali a conclu en rendant hommage au travail du
Club – et à son animateur– et à l’importance de ce type de contributions. La phrase fait, là aussi, écho à une leçon de Raymond Aron :
l’excellence politique au sens large se nourrit des contributions de multiples corps intermédiaires capables de comprendre, assimiler et « positiver » les forces profondes de la société défendues dans des institutions indépendantes. Le
Club n’est pas, à proprement parler, une « institution » mais en vieux français le terme était synonyme « d’éducation » ; l’institution était l’action d’instruire. Le Club compte, au moins symboliquement, des représentants des trois ordres, il est le lieu idéal pour réfléchir à une nouvelle éducation.
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