
«
Quand on veut, on peut ! » est un adage français. «
Where there is a will, there is a way » est l’adage anglais correspondant. L’idée est la même mais la distinction entre le “
will” et le “
way” rend les choses plus claires : pour qu’une réelle volonté puisse se manifester, il faut qu’il y ait un but, c’est-à-dire l’impératif d’un «
pourquoi » tandis que le « chemin » évoque le choix des moyens, c’est-à-dire la contingence du «
comment ».
Après la guerre, le « pourquoi » de l’Europe était lumineux : il fallait enterrer les vieilles querelles qui avaient ensanglanté l’Ancien Continent et s’unir face à la menace soviétique. Le « comment, », en revanche, n’était pas évident. Il y avait, d’un côté,
les fédéralistes qui, à l’instar de Jean Monnet, voulaient construire l’Europe à partir de «
réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait »
[1] qui conduirait à des «
Etats-Unis d’Europe ». En face, se tenaient les
partisans d’une coopération entre Etats souverains. Ainsi, Charles De Gaulle s’est fait le champion de la réconciliation entre la France et l’Allemagne tandis que la fusion de «
notre cher et vieux pays » dans une Europe aux contours et aux concepts flous lui paraissait une dangereuse chimère.
Pour les fédéralistes, la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) en
1952 a été une brillante victoire et le rejet de la Communauté Européenne de Défense (CED), en
1954, une cuisante défaite. Comme le « pourquoi » restait prégnant, il a fallu trouver des compromis. D’où le Marché Commun (Communauté Economique Européenne) inauguré en
1957 avec une « Commission » (indépendante) prenant les initiatives et un Conseil (des Etats) prenant les décisions. A la longue, les Etats ont eu le dessus et les fédéralistes ont mis tous leurs espoirs dans la création de l’euro. Ainsi, couvait, avant même
2002, une guerre des « comment ». Aujourd’hui, elle bat son plein : les uns veulent profiter de la crise pour européaniser les politiques budgétaires, les autres s’accrochent à leur indépendance nationale et craignent de devenir les dindons d’un laxisme intégré.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a un manque patent de volonté commune et que,
faute d’idéal, tout cela est dramatiquement « bas de plafond ». Les peuples le savent. L’Europe ne les fait plus rêver. La plupart ont tendance à voter « non ».
Pour rebondir, l’Europe a besoin d’un nouveau « pourquoi ». Sa guerre est devenue économique, sociale et écologique. L’enjeu est une société où le long terme puisse être sauvegardé, les inégalités réduites et le vivre ensemble renforcé.
Dans ce combat, l’Europe ne manque pas d’atouts. Elle constitue le plus grand marché du monde. Si elle édicte des règles, ceux qui veulent vendre sur son territoire seront obligés de s’y plier. Il ne s’agit pas de se positionner contre la Chine et ses usines ou contre les Etats-Unis et ses banques, il s’agit simplement d’être l’endroit où se développe une nouvelle pensée avec un processus de mise en place susceptible d’être considéré ailleurs comme une tentative originale et enviable de recherche du Bonheur.
Si l’Europe veut, elle peut.
[1] Déclaration de Robert Schuman, ministre français des Affaires Etrangères le 9 mai 1950.
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