Croissance verte ! On a pris l’habitude d’associer ces deux mots alors qu’ils sont probablement antinomiques. Que l’économie doive verdir, c’est une certitude. Qu’elle doive croître encore et toujours, croître à l’infini, croître comme si tel était le 11ème commandement des Tables de la loi (du Marché), c’est pour le moins douteux.
Deux courses distinctes entretiennent la confusion : l’une est salutaire, l’autre potentiellement dangereuse.
La première pousse à l’innovation. Elle implique que, pour sortir de la crise par le haut, il faut développer des techniques et des produits suffisamment verts, économes et attractifs pour être exportés mondialement. Les Etats-Unis, le Japon, la Corée, la Chine, l’Allemagne, la France, la Suède et bien d’autres pays se sont lancés dans une rivalité constructive. Partout, et dans tous les domaines, des « révolutions vertes » sont en marche. Rien à dire si ce n’est bravo.
Hélas, l’innovation donne rarement des résultats instantanés alors que tous les pays veulent renouer aussi vite que possible avec une croissance aussi forte que possible. Chacun a de bonnes raisons : il faut sauver l’emploi et la cohésion sociale, faire des profits pour pouvoir investir, rattraper ceux qui ont pris de l’avance, etc. Tout cela tend à faire oublier que la croissance n’est pas seulement une clef magique permettant de donner aux uns sans prendre aux autres. Elle est aussi un facilitateur d’habitudes perverses, une « vaseline » qui permet, entre autres, que la corruption de quelques uns ne conduise pas à l’appauvrissement de tous.
« La croissance ou le chaos », écrivait Christian Blanc en 2006. Sa démonstration n’a rien perdu de sa vigueur car le danger est bel et bien réel. Reste pourtant à imaginer un monde où, peu à peu, des "modérateurs de croissance" pourront infléchir l’ambition collective, la pousser dans une optique ecologico-planétaire, vers "plus de liens et moins de biens". Et si c’était cela le « onzième commandement » ?
Commentaires
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vous avez bien sûr raison, mais je me souviens du Club de Rome et de son programme de croissance zéro ; jusqu'à ce qu'elle arrive cette croissance zéro, ce but était un état de grâce, mais quand le jour fût venu, la catstrophe était là, plus rien n'allait et on oublia vite ce nirvana.
amicalement votre jacques
je crois même que de cette date que la gauche validat le terme "croissance" dans ses programmes
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J'ai un peu honte de rappeler cette citation célébrissime attribuée à l'américain Kenneth Boulding (1910-1993) « Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou, ou un économiste. »
Je crois qu'en réalité beaucoup de gens ont compris, mais qu'à part les écolos purs et durs, tout le monde (politiques en tête) demande à Dame Nature sursis après sursis.
Il ne faut pas oublier non plus, à la décharge des précédents, qu'a supposer que nous devenions raisonnables (écologiquement parlant) aujoud'hui même, les conséquences sociales et industrielles seraient terribles, et sans doute ingérables.
Je me crois sérieusement démocrate, mais je commence à me demander si la démocratie n'est pas un régime politique adapté aux périodes de croissance telles que celle que nous avons connu depuis en gros 3 siècles , dans laquelle l'une des tâches pricipales du Politique était de répartir les surplus générés par la croissance- et si elle est bien adaptée -du moins dans sa forme actuelle- à la répartition de sacrifices qui nous attends maintenant.
J'espère sincèrement être trop pessimiste.
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