Crise : vers une troisième phase

080919-wall-street.jpgLes actions menées cette année par les banques centrales eussent largement suffi à maîtriser la crise  de 1929. L’effet multiplicateur des titrisations abusives a changé la donne.

La première ligne de défense a été monétaire.

Des liquidités ont été mises à disposition. Cela n’a pas suffi.

La deuxième ligne de défense est fiscale.

Le gouvernement américain rachète des mauvaises créances. Cela risque de ne pas suffire.

Que restera-t-il à négocier sinon la souveraineté ?

Nous ne sommes plus en 1945. Le Dollar a perdu sa puissance. L’Asie et le Moyen Orient détiennent les clés du coffre. Le pouvoir devra être partagé.

Un système mondial sera, finalement, mis en place.

L’Europe jouera un grand rôle dans cette "perestroïka" du capitalisme. Ce sera son heure de vérité.

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Commentaires

Je pense que le tournant de cette "folle" semaine a bien été l'annonce, cette nuit, de la création d'une caisse publique pour digérer les mauvaises dettes, soit le schéma de l'opération sur le Crédit Lyonnais, à l'échelle du système bancaire américain.

Il est très significatif que ni l'annonce du sauvetage d'AIG ni l'injection des fonds par les Banques Centrales n'ait suffi. La situation était telle que ce que les acteurs demandaient ce n'était pas simplement de la liquidité mais de l'assurance structurelle, ce que Paulson et Bernanke viennent in fine de donner.

Nous avons donc eu un reniement en rase campagne de Paulson après ses déclarations imprudentes de dimanche soir.

Le risque se déplace donc vers deux nouveaux objets.
Le premier est la possibilité d'une "surprise" au sens de GLS Shackle sur le montant à engager dans cette caisse. Si les sommes dépassent de beaucoup les anticipations ceci peut réactiver une vision du risque.
Le second objet est bien entendu la valeur de la dette souveraine US.
Nous allons passer d'un déficit pour la FY-2009 de 439 milliards de USD à 1100/1200 milliards en tenant compte de toutes les dépenses déjà engagées en sus de la caisse de défaisance. Il faudra surveiller de près les spread sur les CDS sur les Treasurys dans les jours à venir.

Sur le fond, la logique voudrait que l'on ait une reconstitution d'un système financier global avec la Chine, l'Inde, la Russie et le Moyen-Orient venant épauler les pays occidentaux.
Pour des raisons politiques multiples, et différentes suivant les pays, ceci ne me semble pas possible.
Le vieux Leadership US est mort mais rien ne le remplacera avant plusieurs années.
Cela s'appelle une crise....

Sans pouvoir juger de l'intensité, ni de la durée de la crise, il y a une chose dont on peut être certain et que Marc rappelle bien : c'est que dans le grand poker mondial, une mise qui est perdue par un jouer, est automatiquement gagné par un autre.

Qui arrivera à « passer » ou à « bluffer » un bon moment ?
Est-ce que l'Europe veut jouer divisé ou solidaire ?
Qui a un as dans sa manche ?

Autant de questions dont les réponses seront affichée peu à peu dans nos journaux économiques préférés.

Vigilamment votre,
Jérôme Bondu

Je pense qu'il est trop tôt pour avoir une analyse lisible de la crise que nous sommes en train de vivre, et qui malgré le rebond des bourses n'est sans doute pas encore terminée.
Je serais prudente sur les comparaisons avec les sommes injectées dans le cadre du new deal.
Je serais également prudente sur le rôle dévolu à l'Europe dans cette Perestroika ...

L'Europe a t-elle de réelles capacités politiques et économiques pour jouer un rôle de régulateur ?

Sur les analyses de Marc Ullmann, pourquoi pas....

Je suis comme beaucoup. Je ne crois plus trop aux idées prospectives dans ce domaine.

Soit on met au pas les spéculateurs mondiaux (ie toute la finance
mondiale ?), soit l'avenir est encore "unpredictable"...

Le monde de la finance mondial est tout aussi inégalitaire que le monde réel. Cela est rassurant mais pourtant c’est un monde ou les décisions « politiques » ont plus d’importance et d’influence sur le cours des choses que dans le monde des autres sociétés humaines. Du moins j’en ai l’impression…
Pour conforter l’analyse de Marc Ullmann, je ne peux résister à reproduire ci-après une analyse factuelle extraite de propos de Philippe Béchade, chroniqueur financier bien connu.

« « «

La Russie n'est pas à proprement parler un pays "libéral", le sort des actionnaires et des banques se décide encore de manière arbitraire au Kremlin. C’est pourquoi la décision de fermer sine die la bourse de Moscou a été prise après une chute brutale de l’indice de 20% en 48 heures.
Régulation ?
Les Etats-Unis ont viré dans un modèle semblable lorsque la Maison-Blanche a décidé en 24 heures la nationalisation massive des pertes des pauvres « spéculateurs mal avisés » ( 500 milliards de dollars pour commencer…. )
Régulation ?
La très libérale Irlande a décidé unilatéralement de changer les règles du jeu sur son terrritoire national en interdisant purement et simplement les ventes à découvert ( le fin de la spéculation avec effet de levier ) sur les banques locales irlandaises.
Régulation ?
Or cela est une décision inconcevable dans un marché libre, qui remet totalement en cause les principes et le fonctionnement du marché : même Vladimir Poutine et Andreï Medvedev n'ont pas osé aller jusque là (fermer les marchés pour plusieurs jours, la SEC l'avait fait en septembre 2001, cela n'avait guère soulevé d'objections vu les circonstances) !
Ces évènements surviennent dans deux pays qui administrent avec le plus de détermination et d'arrogance des leçons de libéralisme à la planète entière. Cela signifie que dans ce monde là, le dirigisme et le mépris des règles que l'on impose aux autres, ça marche !
Jamais la maxime "privatisation des gains, nationalisation des pertes" n'avait été appliquée à une telle échelle et avec un tel cynisme !

Que la presse anglo-saxonne n'avait-elle pas écrit contre le scandale que constitua le sauvetage du Crédit Lyonnais une quinzaine d'années auparavant et la constitution du CDR !
Les éditorialistes libéraux s'étaient déchaînés contre le gouvernement français : il s'agissait d'une re-nationalisation déguisée, d'une entorse aux règles de la libre-concurrence, d'un absurde récompense offerte aux fossoyeurs d'une entreprise privée (sur le dos des contribuables), d'une violation intolérable des règles libérales de la finance internationale …

Et pourtant, pourtant, les Etats-Unis pourraient ainsi créer dans les jours ou les semaines qui viennent un "méga-CDR" qui serait chargé de liquider les milliers de milliards de créances douteuses ou de dérivés de crédit immobilier archi-décotés (ou sans valeur) détenus par l'ensemble des établissements financiers américains.
Le "méga-CDR" ne constituerait pas une structure destinée à un règlement des problèmes "au cas par cas" : pas question de désavantager tel ou tel coupable. Il s'agirait d'un vaste système de defeasance, où les différents acteurs du désastre actuel pourraient se défausser des actifs qui plombent leurs comptes et les entraînent inexorablement vers la faillite.
Techniquement, ce n'est pas une première aux Etats-Unis. Ce genre de solution avait été mis en place à la fin des années 80 pour solder les actifs pourris des Caisses d'épargne américaines : ce fut la Resolution Trust Corporation.
Le contribuable américain continue de régler sur 30 ans les 600 milliards (c'est une estimation, le montant de l'ardoise n'a jamais été révélé précisément) qui avaient alors été perdus dans des spéculations malheureuses sur les junk bonds. Mais les Savings & Loans étaient des entreprises sous tutelle du secteur public ; à l'époque, l'Etat fédéral a joué son rôle de garant, ce qui ne viole pas les principes du système libéral anglo-saxon.
Il en va tout autrement cette fois-ci puisqu'il s'agit du sauvetage d'entreprises du secteur privé avec de l'argent public (quelles que soient les précautions de langage utilisées)... et pas seulement d'établissements de crédit mais également du plus gros assureur de la planète (AIG) avec ses 75 millions de clients et ses 1 050 milliards de dollars d'actifs.
L'écrasante majorité des experts estiment déjà le montant de la facture à plus de 1 000 milliards de dollars d'ici quelques mois -- tout cela à la charge du contribuable.
Cela représente la moitié de la totalité de la dette du Tiers-Monde : 2 000 milliards de dollars, une estimation, car certains prêteurs sont curieusement assez discrets sur le montant de leur "aide" aux pays les plus pauvres.
Les semaines et les mois qui se profilent s'annoncent passionnants. Wall Street et les Etats-Unis viennent en effet d'amorcer un virage historique vers une perte de leadership économique et diplomatique.
La Chine et la Russie piaffent d'impatience et veulent profiter d'une situation qui s'apparente, par de nombreux aspects, à une version capitaliste de la faillite du système collectiviste soviétique ou à celui hérité de Mao fin 1989.

« « «

Or tout cela, me semble être plus l’expression d’une « souveraineté agissante » que la perte d’une souveraineté dans un ensemble s’orientant vers un gouvernement mondial. Non, j’ai le sentiment, que nous pourrions aller vers l’illusion d’un ordre mondial influencé en sous-main par quelques grandes puissances qui, dans tous les cas, prendraient des décisions unilatérales conformes à leurs seuls intérêts en oubliant les " règles ou accords internationaux " seulement destinés à influencer les acteurs politiques plus timorés…

HPS

Honnêtement je n’en pense pas grand-chose.
Cela me parait un raisonnement un peu à l’emporte-pièce fait à chaud et sans analyse réelle des causes profondes.

Je suis plus touché par l’analyse originale d’Attali qui voit l’enchaînement suivant :
- vieillissement de la population,
- montée en puissance des fonds de pension,
- exigence de rentabilité financière de plus en plus élevé,
- prise de risque financier croissant sur un marché non ou mal régulé...

Je crois effectivement que nous n’avons pas fini, même peut-être pas réellement commencé, à traiter ce problème là avec ses implications économiques profondes : coût des retraites, coût de la santé, ...
Si l’Etat était une entreprise, nous dirions qu’il faut qu’il change de « business model ».

Maintenant que le 21ème siècle soit un siècle où le centre de gravité géopolitique se déplace vers l’Asie, sûrement. Mais pour d’autres raisons.

L’Angleterre a dominé le 19ème siècle en maîtrisant la première l’énergie « vapeur »,
l’Amérique le 20ème siècle en dominant la première l’énergie « pétrole »,
la Chine et l’Inde vont dominer au 21ème siècle l’énergie « intelligence humaine » en rejoignant les pays occidentaux en qualité et en les dominant en quantité.

Voici quelques réflexions sans prétentions.

Je me reconnais dans le diagnostic en revanche reste extrêmement prudent quant à la sortie de crise.

Le décrochage du système en place peut être vu comme une opportunité par certains qui se positionnent dans le contrôle des flux financiers, diplomatiques, marchandises.

Il en résulterait alors une tension entre différents blocs voulant étendre leur zone d'influence (cf. l'attitude de la Russie vis à vis du FMI et ce qui est en train de se passer au Niger dans la construction du gazoduc trans-saharien)

Je ne suis pas sûr que l'Europe soit actuellement suffisamment unifiée pour tenir un rôle prépondérant.

Toujours est-il que le paysage géostratégique en sera profondément remodelé...

Percutant à souhait. J'attends le deuxième billet sur ce à quoi pourrait ressembler (dans la meilleure et la pire des hypothèses) ce nouveau système mondial.

Oui, il est clair que la partie n'est pas finie. Le gouvernement américain rachète des stocks gigantesques de créances pourries alors que sa dette est déjà aussi colossale que ses déficits. En agissant ainsi il renie ses principes de non interventionnisme dans les affaires privées et perd son indépendance vis à vis de ses créditeurs. Je ne dis pas qu'il pouvait faire autrement mais rien ne sera plus comme avant. Tu as pleinement raison. Le Conseil de sécurité dans sa forme actuelle a vécu...

Cette crise me semble salutaire car l'argent doit servir aux entreprises et non pas à des speculations si peu professionelles ...et puis à la créativité qui est la seule matière première de notre civilisation ....

Bonjour,

L’actuelle discrétion de la Chine en dit long sur ses ambitions futures…Je suis d’accord, l’Europe ou plutôt l’EuroGroup peut jouer un rôle dans le futur sous réserve d’avoir des relais doctrinaux au sein de nombreuses institutions internationales dont le FMI.

Dans l’immédiat, il sera intéressant d’analyser le contenu (mais aussi les commentaires…) du prochain discours de Nicolas Sarkozy à l’Onu pour savoir s’il y a un début de réponse réelement européenne à la crise actuelle…

Cordialement

Bonjour,

Vous écrivez, cher Monsieur Ullmann "La deuxième ligne de défense est fiscale. Le gouvernement américain rachète des mauvaises créances. Cela risque de ne pas suffire".

Je n’ai, pour ma part, pas d’éléments précis de réflexion, mais intuitivement je pense que cela suffira … pour cette fois-ci. As usual des nouveaux garde-fous seront mis en place, as usual l’ingéniosité financière et l’appât du gain permettront de les contourner. La prochaine fois (dans 5 à 10 ans ?) risque d’être la bonne.

Vous ajoutez "Que restera-t-il à négocier sinon la souveraineté ?
Nous ne sommes plus en 1945. Le Dollar a perdu sa puissance. L’Asie et le Moyen Orient détiennent les clés du coffre. Le pouvoir devra être partagé. "
Cette réflexion reste valable même et surtout si les faits nous accordent le sursis que j’envisage.

Vous terminez en disant "Un système mondial sera, finalement, mis en place".
Je soulignerai que L’Europe aurait l’opportunité de jouer un grand rôle dans cette "perestroïka" du capitalisme, à condition d’avoir soit un grand poids politique, soit des liquidités. Pour le moment elle n’a ni l’un ni l’autre. Si cette fois-ci n’est pas « la bonne », elle a l’opportunité de se préparer à l’échéance.
Paradoxalement, le plus facile serait de (ré)acquérir un poids financier. Mais cela implique des sacrifices généralisés. Pour que nos hommes politiques les fassent accepter aux populations, il faudrait qu’ils reconstituent vis-à-vis d’elles une crédibilité et une confiance que deux siècles d’expédients – au moins… - ont détruites.
Ce sera son heure de vérité. Oh oui !

Cher Ami
Je tiens à vous dire que votre analyse est sans faille et que je la partage
totalement. Il est donc urgent pour l'Europe UNIE de prendre sa vraie place
et de s'affirmer.
Bien cordialement

Cher Monsieur Ullmann,

La crise financière est aussi l'expression d'une crise morale profonde. La bulle qui explose est celle d'un immense vide éthique, ou plus aucun repère n'existait : qu'importe que la planète saute, pourvu que j'aie mon bonus à la fin de l'année.

Et toute l'organisation financière mondiale s'est mise au diapason, dans un grand silence approbateur, en se retranchant derrière les "pratiques de marché", comme si le marché avait une existence extérieure à ses acteurs.
Qui pourra tirer les leçons de cette gigantesque imposture pour redessiner les contours d'une régulation saine ?

Est-il raisonnable de confier le leadership de cette refondation totale des systèmes de régulation aux Etats-Unis, qui sont à l'origine de la crise actuelle et qui agiront une fois de plus avec cynisme et bonne conscience pour protéger leurs intérêts à court terme ?

Évidemment non. L'Europe est-elle prête à jouer ce rôle ? C'est souhaitable, mais elle n'y est pas préparée, ayant jusque là suivi passivement tous ces errements.

Une solution pourrait être pour elle d'investir de cette tâche immense une haute autorité spécifique, peut-être l'ONU ou l'OIC, sous l'égide d'un comité éthique comprenant des autorités morales indiscutables, y compris religieuses. L'expérience spirituelle du monde peut fournir quelques repères pertinents et éprouvés, incomparablement plus solides que les inventions fumeuses de comptables étriqués (les normes IFRS) ou les recommandations de professionnels dévalués par leurs erreurs et leur complaisances.

Il faudrait aussi prévoir un suivi précis et mondial des règles édictées, avec des punitions sévères et exemplaires, y compris pénales (pourquoi pas un tribunal pour les crimes contre la dignité économique)?

Cette suggestion est une utopie. Mais le temps qui s'ouvre est peut-être propice aux utopies nécessaires ?

Cher Marc,

Ta recherche de concision me rend perplexe, tant la crise financière actuelle est complexe à analyser !...Je vais toutefois essayer de rester dans ce registre.
Plusieurs idées me semblent aujourd'hui incontestables :

1/ les financiers internationaux, trop "imaginatifs" et en fait déconnectés de la réalité, ont rendu les produits financiers si complexes que les équilibres "physiques" ont été oubliés et que les règles prudentielles les plus élémentaires ont été négligées. La crise des "subprimes" n'est que l'une des manifestations du déséquilibre progressivement instillé dans les financements (notamment "structurés") par l'excès de "greed" et l'insuffisance de "wisdom".

2/ la puissance de l'économie U.S. s'est érodée au cours des dernières décennies, même si sa base technologique novatrice continue d'être puissante. En effet, même l'Uncle Sam, avec sa puissance militaire et stratégique, ne peut éternellement vivre à crédit (les "twin deficits") et faire reposer sa croissance sur le décrochage du dollar.

3/ Aujourd'hui, le gouvernement U.S. (de surcroît républicain...) se trouve obligé de renier son "credo" récurrent de non interventionnisme en "nationalisant" de grandes institutions financières : ce reniement lui coûte énormément car il bat en brèche la supériorité de l'économie de marché sur l'économie administrée. Faut-il donc qu'il ait jugé la crise systémique très proche !

4/ le centre de gravité du monde s'est déplacé vers l'Est, passant assez vite à cheval sur l'Europe, dont les divisions politiques internes ne lui permettent pas de dégager un "leadership", pour se diriger vers la Russie ou la Chine, des géants auxquels le régime post-communiste fournit l'environnement social le plus compétitif dans le cadre de la mondialisation, sans oublier l'Inde, Taïwan ou Singapour. Les rythmes de travail rendent ces zones beaucoup plus concurrentielles que celles qui connaissent "les délices de Capoue". Les pays occidentaux (Etats-Unis, Europe) ne pourront pas protéger longtemps leur niveau de vie à l'abri de barrières technologiques car la technologie se diffuse vite (cf. Airbus et la Chine).

5/ je doute fort de la capacité de l'Europe, divisée car trop étendue, à règler la crise financière actuelle ; elle a déjà bien du mal à traiter les problèmes qui lui sont propres et sur lesquels elle devrait normalement avoir prise. Ce serait un mauvais service à lui rendre que de lui confier une responsabilité qu'elle ne pourra pas endosser.
Amitiés.

Bonjour Marc,

Je crois en effet qu'un scénario nous conduisant à la mise en place d'un système mondial de régulation avec de nouveaux équilibres de pouvoir est un des plus vraisemblables. L'Europe peut-jouer un rôle important dans ce scénario. A Sarkozy de bien jouer.

C'est une opportunité mais rien n'est écrit d'avance.

Ce serait intéressant de produire quelques idées de manoeuvre concrètes et, si nous y parvenions, de les faire connaître.

Bonjour Marc, sur la 4ème étape que vous évoquez :

Système mondial, ou monde multipolaire tel qu'évoqué dans le rapport prospectif de la CIA (Chine, Russie, puissances financières du moyen orient ?).

Bonjour,

Je me permets de réagir à la première analyse de Marc Ullmann.

Je crois que la comparaison avec 1929, pourtant largement faite, est erronée. En effet, les fondamentaux de l'économie mondiale ne sont pas - encore - affectés. les entreprises restent saines, au moins en dehors du secteur financier et bancaire. L'innovation et la mondialisation créent chaque jour de nouvelles richesses.
La crise est d'abord une crise des institutions financières américaines, et le résultat d'un capitalisme sans morale et sans aucune rigueur. C'est la conséquence de recherche de gains spéculatifs de court terme, contrairement à des entreprises industrielles qui créent de la valeur par l'innovation, la productivité et l'adaptation permanente au marché. C'est en outre la conséquence tangible de plus de 20 ans de politique américaine irresponsable creusant les déficits - budgétaire, commercial, de la balance des paiements - au détriment des créanciers : l'Asie, les pays du golfe et la Russie.

Les conséquences pour l'équilibre mondial me paraissent cependant dramatiques. Les USA perdent progressivement le contrôle de leur économie: banques passant sous contrôle de fonds souverains, GM au bord du gouffre, Wall Street dominé par les fonds souverains et les investisseurs étrangers...

Les USA, première puissance militaire mondiale, accepteront-ils de perdre leur souveraineté économique? Il est probable que non et que cela engendrera des tensions fortes?. Les puissances émergeantes, notamment la Chine, revendiqueront une nouvelle suprématie, à moins de souffrir de troubles internes non jugulés, et la Russie, tant qu'elle bénéficiera de la rente pétrolière, revendiquera une place accrue dans le concert des nations, profitant de la faiblesse des USA. Une situation de déséquilibres, propice à des déflagrations d'ampleur plus ou moins limitée, en résultera.

Et l'Europe? Elle est inexistante dans ce débat, enlisée dans ses querelles institutionnelles. Elle n'existe ni sur le plan militaire, ni sur le plan diplomatique come l'& démontré le traitement de la crise géorgienne, ni sur le plan financier (attitude trop indépendante de la BCE), et encore moins sur le plan économique, étant incapable de toute action concertée.

Pourtant nous allons souffrir du ralentissement de l'économie mondiale, avec une BCE autiste, s'évertuant à tuer une inflation imaginaire car importée, bridant toute volonté de juguler la crise économique. Nous allons vers un accroissement du chômage, des inégalités et les risques associés d'explosion sociale. Ce phénomène est encore accru en France par l'incapacité de l'Etat à dégager des moyens budgétaires pour contrecarrer la crise.

Bref, des conséquences dramatiques auxquelles l'Europe sera incapable d'apporter une réponse concertée efficace, qui serait pourtant nécessaire dans une redistribution des cartes au niveau mondial.

Cordialement

Marc : la crise financière, banques, assurances et "Mutual Funds", est
d'abord liée aux montants en jeu : entre 2500 et 4000 milliards de dollars
ont été à ce jour, mais probablement pas définitivement perdus. Le haut de
la fourchette est approximativement égal aux fonds propres de TOUTES les
banques dans le monde. Les injections par les Banques Centrales d'environ
1000 milliards de dollars depuis un an ne changent rien au problème de
l'évaporation des ressources en capital des banques. Sans capital, il leur
est difficile, aux banques, de prêter, d'oû la crise actuelle du crédit.

Mais cela n'a rien de mortel ; vers 1890 la plupart des banques anglaises
sont tombées en faillite, ont arrêté d'octroyer des prêts et d'autres
instruments/institutions se sont mis en place. C'est une affaires d'hommes,
de créativité et de régulation.

Certes l'Europe a un rôle à jouer, dans tous ces domaines notamment avec les fonds souverains et les 300 000
millionnaires de l'Inde, de la Chine et ceux du reste du monde. Esprit
d'entreprise, ouverture et discipline, voilà les ingrédients du futur
succès de l'Europe, notamment en finance.
Amicalement

Cher Marc Ullmann
Votre résumé est percutant. Je crains que l'Europe, dans son état actuel, soit peu capable de peser sur la suite des évènements mais espérons...
Amicalement

Cher Marc,

Certains de mes amis français, esprits brillants plongés intégralement dans le domaine de finance ne cessent de me décrire un scénario catastrophe dans lequel l'hyper inflation est au centre de leurs préoccupations et de leurs pronostics.

A raison je l'espère je ne partage pas ce point de vue cataclysmique.

Dans les mêmes circonstances les mêmes causes produisent les mêmes effets dit-on.

Certes, mais si l'on se réfère à 1929, les causes sont,peut être les mêmes, mais les circonstances sont (presque) radicalement différentes.

Le gouvernement américain rachète des mauvaises créances. Cela risque de ne pas suffire, as-tu écrit.

Je souhaiterais tempérer un peu ce jugement en faisant une comparaison avec le CDR du Lyonnais.

Ce dernier n'a pas pu transformer de mauvaises créances en de bonnes créances, mais en ayant pour lui le temps(15 ans au total, il a pu limiter la casse en n'étant pas obligé de vendre en catastrophe et en réalisant les biens au fur et à mesure.

Le gouvernement américain ayant, lui, le temps qui manque aux intervenants actuels pourra mieux s'en sortir qu'eux.

N'est-il pas insensé que Lehmann Brothers ait été obligé de vendre en quelques heures les seules activités rentables de ses activités pour une somme que l'on chiffre entre 500 millions er deux milliards de dollars soit rien du tout ?????

Comment se fait-il que d'autres acheteurs n'aient pas eu la possibilité de se manifester ?????

Le gouvernement américain rachète des mauvaises créances. Cela risque de ne pas suffire.

Le pouvoir devra être partagé : Je pense que de facto il l'est déjà et que les fonds souverains font souvent preuve de leur puissance quasi infinie.

Les pays ayant des ressources pétrole et gaz ont, depuis que les prix ont,disons, quintuplé réussi à opérer les plus grands transferts de richesse de tous les temps, et ce n'est pas fini !

Un système mondial sera, finalement, mis en place : système dont la vocation sera de réunir en flattant leur ego les pays ayant accumulé le plus d'euros et de dollars, avec quelle finalité ????

L’Europe jouera un grand rôle dans cette "perestroïka" du capitalisme. Ce sera son heure de vérité : les actes et les propos des deux "mauvais flics" Medvedev et Poutine me font froid dans le dos en ce qui concerne le monde en général et l'Europe en particulier.

Peut-être payons nous les conséquences du manque de considération montrée à la Russie après 1989, à laquelle l'on peut comparer certains des aspects du Traité de Versailles et l'humiliation de l'Allemagne (et tu connais mes sentiments vis à vis de cette dernière !!!!!!)
Bien à toi

Je suis assez d'accord sur tout, à l'exception notable de la dernière phrase que je vois comme une sorte d'incongruité, ou de pure bouffée de
wishfool...

Concernant la bascule de pouvoir etc. 100% d'accord et cela rejoint mon thème, no more junk bonds (I mean US Treasuries!) but equities for us, chinese and so on.

Mais tous ces schémas oublient les aspects militaires et géostratégiques :

Les yanks vont essayer de retarder leur inéluctable et largement entamée descente de leur piédestal, et ils sont fichus d'être aussi c... qu'un Poutine voire un Alminhejad (bon là j'exagère un peu mais...)

Cher Ami,

Je ne pense pas que l'on pouvait mieux dire en quelques lignes.

S'il fallait absolument écrire quelque chose, je broderais de la façon suivante :

1°- On parle beaucoup des "fonds souverains" ; n'est-ce pas reprendre l'idée exprimée par la "détention de la clé du coffre " ?

2°- J'ignore dans quelle mesure, modeste ou forte, l'Europe a été contaminée. Si elle ne l'a pas été excessivement, elle peut trouver là une occasion d'exister. Mais il aurait fallu "approfondir" avant d'"élargir". Nous traînerons longtemps cette faiblesse, même si la façon dont l'Europe est intervenue entre Moscou et Tbilissi est encourageante.

3°- J'appartiens à une génération qui a constaté, à répétition, la toute puissance des USA, non pas pour être le plus fort à tout instant, mais pour réagir et réussir. Je n'oublierai jamais la brièveté du délai écoulé entre le 7-12-41 et le 8-11-42, et même entre Pearl Harbour et la bataille des Midway. Sera-ce encore vrai cette fois, avec un nouveau Président ?

J'ai bien dit :"je broderais...".

Cher Monsieur

Jamais vu plus synthétique !

Les liquidités distribuées laissaient la responsabilité des pertes là où elles étaient. D'où le maintien de la méfiance inter-bancaire.

Le transfert de cette responsabilité sur l'Etat l'éparpille sur une immense population de contribuables et devrait rétablir une certaine fluidité.

Mais l'augmentation brutale de la dette fédérale va aggraver sa dépendance envers l'Asie, qui va poser des conditions.

L'Europe pourra-t-elle à cette occasion proposer ses solutions pour une régulation plus efficace ? Il faudrait sans doute que son économie et ses réserves pèsent davantage.
Très cordialement

Bonjour,

Si le diagnostic est exact, une pensée analogique un peu étrange : alors si Obama est élu il sera une sorte de premier président de la planète car la solution de la crise sera planétaire et c'est sans doute quoiqu'on en pense l'acteur majeur, car les créances des pays asiatiques et autres sont en dollars... pas en or.

Nous n’irons probablement pas si loin. L’effet des mesures américaines se révèle déjà positif. Cela sera-t-il suffisant ? Nous le saurons sans doute bientôt, même de nouveaux soubresauts restent probables.

Si le Gouvernement Américain a avalé son chapeau en intervenant, c’est d’une part, qu’il a senti le danger d’internationalisation, et d’autre part qu’il en a les moyens, via le contribuable si nécessaire. De plus, il peut espérer que certaines créances dévalorisées aujourd’hui, car il n’y a pas d’acheteurs, ne seront pas en défaut à leur échéance.

Malgré tout, un effort important devra être consenti pour rétablir la confiance et les Américains devraient être ainsi incités à accepter des règles prudentielles reconnues internationalement. Ira-t-on plus loin ? Seule l’Europe aurait les structures nécessaires mais elle reste dispersée et divisée.

Crise financière ou crise de pouvoir ?
Toutes les solutions que vous décrivez laissent à penser que l’argent peut encore nous (le monde Occidental) sauver de ce qui se présente néanmoins devant nous comme une évidence : le système financier mis en place n’est plus sous contrôle et le pouvoir appartient désormais à ceux qui maîtrisent encore les caisses d’argent du monde : les pétro-financiers. Ce sont eux qui investissent encore dans des projets « réels » de développement concret de la société (immobiliers, parcs, aéroports, ports, énergies, entreprises de production …). Je pense qu’ils ont raison de se concentrer sur ces projets compréhensibles par la population et fédérateurs pour le commerce international !
Quant à l’Europe, sommes-nous vraiment en cours de restructuration pour évoluer vers un réel monde de production de valeurs potentielles. Je ne le pense pas. Nous oublions notre production et laissons les financiers « jouer » avec notre avenir.
Bref, je ne crois plus vraiment au système financier comme créateur de valeurs pour le Monde mais bel et bien au système d’Entreprise constructive génératrice de valeur pour les Hommes.

Cette crise est une opportunité de mettre en place un système international mais le jeu des acteurs le permettra-t-il ?

A l'heure où les USA sont faibles, voudront ils négocier ?
Quelles convergences de vues en Europe ?
Quid de la Chine ?

Je partage votre point de vue sur le fait que nous vivons le déclin de l’empire « dollar » (donc de l’empire américain) et de la croyance en la main bienveillante du marché pour s’autoréguler.

Lorsque la nation qui s’est fondée sur le libéralisme en vient à faire payer par le contribuable les errements de ses banques, nous pouvons nous demander si le monde sera demain le même …

Quant au rôle de l’Europe dans ce nouveau partage du pouvoir, il est malheureusement inexistant aujourd’hui, alignée qu’elle est sur les USA !

La solution de la crise ne viendra que si quelqu'un paie in fine.

Ce seront les contribuables puisque le Trésor américain a décidé de racheter les créances pourries de banques et c'est donc l'impôt et les placements de ce même gouvernement qui financeront. Contribuables américains pour le moment, contribuables européens bientôt, d'une manière ou d'une autre….

Conséquences : la planche à billets fonctionnera, le dollar s'affaiblira encore mais les Américains en verront peu les effets.

Le nouvel ordre mondial se soldera par une règlementation plus sévère sur les couvertures des banques. En clair, un engagement d'un banque devra avoir en contrepartie du "vrai" argent, les dépôts, l'épargne ou de la vraie création de richesses.
Moral que tout cela!
En attendant une prochaine crise à venir, celle des matières premières !!!

Je crains que l'Europe ne pèse pas très lourd dans cette balance mondiale. Sauf à ce qu'elle réussisse à imposer un nouvel ordre économique mondial. Mais de cela nous sommes encore loin !

Marc, Bonjour

Je ne suis pas, comme vous le savez, un spécialiste de la finance pour valider votre diagnostic sur cette crise financière, mais en homme de marketing, j'aime beaucoup votre concept de ''Perestroïka du Capitalisme'', même si on se souvient que la vraie Perestroika en URSS avait abouti à l' effondrement et à la disparition du système en place !!!

Espérons que notre scénario sera différent.

Amitiés

D'abord je suis très inquiet à cause du manque de transparence des comptes et du fait que depuis plus d'un an, les catastrophes s'enchaînent inexorablement …

Ensuite je pense que les conséquences vont être très lourdes pour l'ensemble de l'Occident (faillites en série de PME, récession de 2 ans) et encore pire pour la plupart des pays "en voie de développement" ou émergents".

Question à Marc Ullmann : quelle part de sa croissance la Chine tire-t-elle de ses exportations ?

Il va effectivement y avoir des rééquilibrages et des OPA à tout va d'ici début 2009 ...

Je suis assez d’accord pour penser aussi que le schéma d’architecture du monde doit être repensé, et que les clés sont chez les pays émergents.

J’espère que cette refonte se fera dans la paix, mais je n’y crois guère : il a bien fallu la 2° guerre mondiale pour accoucher de Yalta.

Je crois pour ma part que l’Europe aura à choisir rapidement entre Etats-Unis, Russie et Chine.

Je ferais bien un pari sur la Russie (proximité culturelle, matières premières) et pourquoi pas un rapprochement Etats-Unis – Europe – Russie.

Enfin pour ce qui est de la crise financière actuelle, elle sera suivie d’autres ; Comment faire pour que la finance reflète l’économie, alors que l’écrasante majorité des flux financiers n’a pas de sous-jacent dans l’économie réelle ?

Cher Marc,

Merci pour ton post résumant de manière concise et efficace la situation actuelle et son évolution.
Espérons que le nouveau système mondial que tu entrevois laissera la plus grande place aux démocraties et que l'Europe y jouera pleinement son rôle.
Bonne semaine et à bientôt.

Bien chaleureusement.

En vrac …

Qui est l’Europe dont vous parlez ? Le train sera passé avant qu’une réponse intelligible ne soit donnée.

A moins que vous ne pensiez à la BCE … Il est, à cet égard intéressant de constater que si le rôle des banques centrales au cours des deux dernières semaines a été déterminant, il a fait l’objet de peu de commentaires, comme le fait que leurs actions aient été étroitement concertées, qui aurait pu, bien au contraire, focaliser l’attention pour apparaître comme les prémices d’une gouvernance à l’échelle de la planète.

D’un autre côté, si les mesures annoncées par les Etats-Unis suffisent à calmer le jeu, il leur sera relativement facile de reprendre la main ; il n’est en effet pas certain que leurs grands partenaires soient pressés d’organiser la redistribution des cartes ; il suffit de constater que, pour l’Asie et le Proche- Orient, les détenteurs de capitaux ont été à la fois très discrets et fort peu actifs,
au cours des récentes semaines.

Merci, cher Marc, pour ce post et ce diagnostic.

C'est effectivement ce que l'on ressent ici, aux Etats-Unis, comme désarroi et comme gêne, gêne de la perte de contrôle et de la nécessité de passer au delà de l'hégémonie, ou plutôt de l'avouer. Le désarroi est politique autant qu'économique mais la question la moins posée est celle de l'ordre international et de la place des Etats-Unis. L'économique et la politique intérieure occupent le devant de la scène, aux dépens de la problématique du multilatéralisme.

C'est peut-être une chance, parce que la réalité s'invite dans la campagne et cela pourrait donner une prime aux discours de vérité, mobiliser le pays autour de l'intelligence, comme c'est arrivé dans le passe (Obama s'est référé plusieurs fois a Marshall, il parle de la nécessaire multipolarité, il parle de ce que nous devons aux générations qui nous suivent). Mais encore faut-il qu'il tienne cette ligne, il y faut du courage, il y a dans ce pays une haine de l'intelligence et des élites éduquées (Harvard est aussi problématique que son origine noire) et une remise en cause aussi traumatisante peut aussi provoquer une flambée d'illusions. Le contraste entre la tenue intellectuelle et ethnique d'un côté, et la démagogie efficace de l'autre à laquelle j'assiste ici est incroyable. Et tout cela pour le moment dans une grande confusion (l'administration républicaine intervenant, chargeant le contribuable !).

Je ne serai pas rassurée avant le 4 novembre. Il faut un sursaut de lucidité et un mouvement de confiance aussi, dans une ambiance de crainte et de chaos, qui aille au delà de l'électorat démocrate et j'espère qu'il va avoir lieu.

C'est passionnant d'être dans ce pays (et d'en être) en ce moment.

Avec beaucoup d'amitié

Avec beaucoup d'amitié

Cher Marc,

Votre analyse montre une fois de plus votre hauteur de vue. La hauteur de vue est une chose rare parmi la profusion actuelle d’avis très compétents sur la crise née des subprimes.

Sur la crise, les avis de diagnostic semblent converger : un excès, sinon un abus de confiance a été créé par la titrisation massive des créances des banques. Il y a eu, sans le dire, un transfert des risques vers les détenteurs de ces titres. Il faut ouvrir les yeux : les banques d’affaires n’assument plus le risque des affaires qu’elles montent, elles « refilent » ce risque aux porteurs des titres, et c’est l’écroulement du système…

Pour ce qui est des solutions à la crise, la vôtre est une des plus visionnaires qui soient : elle consiste simplement à passer à un système monétaire mondial, et donc à une banque centrale mondiale qui aurait autorité pour encadrer les systèmes de crédit et assumer les risques de crédit en général quand une banque fait faillite.

Un tel système est souhaitable, car il assainirait le système financier actuel, il assainirait dans la foulée le commerce international en amortissant toutes les tensions et désordres qui existent à cause des variations imprévisibles de taux de change. Ce système serait sans doute un très puissant moteur pour l’économie mondiale.

Mais un tel système suppose bien évidemment l’abandon de souveraineté monétaire de la part de tous les Etats.

Les Etats Unis n’y semblent pas prêts ; beaucoup d’autres Etats y sont probablement encore moins préparés, comme la Chine ou la Russie.

L’Union Européenne serait sans doute plus disposée à une telle évolution. En effet l’Europe s’est engagée dans la grande expérience de l’Euro : dix huit Etats, rassemblant près de trois cents millions d’habitants, ont librement renoncé à leur souveraineté monétaire, tout en gardant chacun sa souveraineté budgétaire et fiscale. Aujourd’hui ce système n’a pas encore démontré au monde qu’il était le meilleur. Et il y a encore beaucoup d’Européens qui ne sont pas convaincus, les Anglais en tête. Mais ces dix huit Etats n’envisagent aucunement de sortir de l’Euro : le système est assurément moins mauvais que le système précédent, il sera tout au plus perfectionné.

L’Euro peut donc être considéré comme le ballon d’essai d’un futur système monétaire mondial. A cet égard, l’Europe tient les clés de la viabilité de cet éventuel futur système mondial.

Cordialement

Le sujet interpelle ... l'analyse est lucide et la conclusion dont on ne peut nier la nécessité est quelque peu un voeu pieux irréaliste dans l'état actuel de la conscience humaine à mon humble avis.

le monde est-il prêt pour une gouvernance économique et financière mondiale ? Rien n'est moins aussi sur ... déjà que la gouvernance politique ne marche pas depuis un demi-siècle ... les inégalités entre riches et pauvres ne cessent de se creuser ... la déterioration des termes de l'échange est plus que jamais source d'instabilités ... les crises se succèdent et se ressemblent ou pas ... mais l'électrochoc n'est toujours pas aussi puissant pour inciter les hommes à s'arrêter et réfélchir.

La fin d'une époque et d'un système ? Oui surement ? Serait-ce également la fin de l'entreprise-actionnaire qui est à la base de cette course effrénée et non éthique du profit à tout prix ?

Il n'est pas interdit de rêver.

A Marc Ullmann,

Je crains que la 3° phase à laquelle vous faites allusion, ne soit pas celle que vous semblez esquisser, à savoir celle d'un embryon de gouvernance mondiale unique tant politique qu'économique et financière.

Cela arrivera sans doute un jour ? C'est un scénario imaginable mais pour cela il faudra que tant de conditions soient réunies que cela me semble un but très ultime.

Je pense plus réalisable dans un horizon crédible, la constitution de plusieurs zones géographiques d'un seul tenant ou morcelées sous une gouvernance nouvelle à imaginer. Quelque chose entre une Union d'Etats ou Super Fédération de Nations intelligentes... qui pourraient trouver, en elles-mêmes, plus de raisons de se regrouper que de se déchirer.

En tout cas, il me semble difficile de croire que tant qu'on ne peut pas définir une LOI COMMUNE minimale sur une telle zone, il sera possible de résoudre le dilemne nouveau entre :

+ soit un appauvrissement généralisé et tendanciel de certaines partie des populations, résultat naturel d'une économie totalement libre de toute contrainte et non régulée par des objectifs qui ne soient pas uniquement économiques et financiers ;
+ soit une amélioration possible d'ensemble des conditions de vie des populations de ces nouveaux ensembles grâce à un mécanisme accepté au sein de ladite zone par l'ensemble des dirigeants des pays qui la constituent, mécanisme qui serait vu comme un nouveau "contrat social" qui tiendrait compte des différences historiques des peuples.

Sans la création de "zones locales d'économie régulées par des lois communes", personne n'arrivera à imaginer la conséquence du fait que la seule vraie frontière qui reste au monde soit celle de... l'espace.

Or, comment un gouvernant peut-il gouverner s'il ne définit pas son domaine physique de gouvernance sur lequel il soit en capacité de... décider de quelque chose et non pas d'accepter les décisions d'une sorte de jeu de hasard ?

Lorsqu'on voit la difficulté des dirigeants européens à accepter de ne pas mettre en compétition frontale et inutile non seulement leur agents économiques locaux mais aussi leurs règles fiscales et sociales, on a le droit naturel à un certain pessimisme.

Nos dirigeants ont décidé entre eux qu'ils ne dirigeraient plus, mais hélas... ils ne nous l'ont pas dit ! Du moins pour certains c'est l'impression qu'ils donnent.

Etre pessimiste par observation mais être optimiste par raison, serait une bonne solution, évidemment.

Mais la raison est-elle aussi répandue qu'on veut bien le dire ?

Le dernier déjeuner informel des mardis du Club a, naturellement, largement porté sur le sujet. Je vous livre quelques pistes de réflexion.

Cette crise semble inédite car elle est à la fois omni-géographies et omni-domaines (immobilier, matières
premières...). Pourtant elle ne repose sur aucun fondamental bloqué et tout peut revenir à la normale à tout moment... sauf que la confiance n'est plus là, au
point que l'épargnant parle beaucoup de "retirer ses liquidités", ce qui ne fait qu'aggraver les choses.

Quelques pistes de solutions pragmatiques :

- au lieu d'une foule d'instances intéressées à la régulation du système mais avec une compétence limitée au plan géographique ou en termes de périmètre (banque,
assurance etc.) avec les difficultés de coordination, d'anticipation et de réactivité qui en découlent, un régulateur - unique - omni services financiers et supra-national ;

- des actes visibles d'intervention non pas des
gouvernements et banques centrales mais des banques entre elles.

Il apparaît en outre une certaine impossibilité des politiques à naviguer dans de telles eaux autrement
qu'au jour le jour, avec des effets possiblement néfastes (déclarations qui se veulent rassurantes et déclenchent la panique cf. Fortis), ce qui pose la question de la
connexion à l'économie réelle de politiciens de carrière. En outre, les média semblent porter une part de responsabilité dans les effets d'emballement collectifs en infusant, via des expressions approximatives ou tendancieuses,
des schémas de pensée qui privent des moyens d'exprimer et de concevoir sainement les situations.

Malheureusement, je ne peux pas partager les opinions exprimées dans le diagnostic prospectif sur la crise financière de Marc Ullmann. Je ne pense pas que l´Europe peut jouer un grand rôle dans l´établissement d´un nouvel ordre monétaire, et je ne crois pas non plus à une « perestroïka » du capitalisme, quelle que soit la signification de ce terme.
La situation ainsi que l´évolution des derniers mois sont en effet très complexes, et avant de se lancer dans une analyse prospective, il me semble qu´il faut faire une analyse des origines et des responsabilités des divers acteurs de la crise. Il est évident qu´il y en a plusieurs.

1. Il est sûr que les gestionnaires des risques des banques ont autorisé certains investissements imprudents. Mais il est également sûr, que dans la majorité des cas, ils ont suivi des procédures qui, dans une perspective micro-économique, étaient justifiées. Le vrai problème est que le cumul de leurs décisions a amené à des résultats macro-économiques qui n´étaient pas inclus dans leur raisonnement.

2. Il y a des « rating agencies » qui n´ont pas su apprécier non plus le cumul des risques. Ils n´ont pas seulement mal évalué les risques inhérents aux constructions financières dans chacun des cas, mais ils ont aussi sous-estimé ou n´ont pas du tout vu l´ampleur des effets cumulatifs.

3. On peut également accuser les agences régulatrices. Elles ne devaient pas permettre des produits financiers dont elles n´avaient pas compris le contenu intoxiqué ni le potentiel des risques. Mais tant que tout allait si bien au début et même pour un certain temps, il me semble qu´elles auraient eu des difficultés politiques à intervenir avec des mesures drastiques.

4. Les autres acteurs importants dans ce drame sont certainement les banques centrales et surtout la « Fed », qui sous M Greenspan a suivi une politique des taux d´intérêts trop bas et pour trop longtemps. Mais dans ce contexte, il faut se souvenir de la situation économique des Etats-Unis après la crise boursière dot.com et les événements du 11 septembre. La crainte immédiate et fondée était plutôt la déflation qu´autre chose.

Si on prend tous ces aspects ensemble – et il y en a certainement d´autres - je suis d´accord avec Marc : établir un vrai système monétaire mondial serait une solution idéale. Mais cela me semble de loin trop idéaliste. Une pré-condition pour qu´un tel système soit efficace serait – comme il le dit indirectement lui-même – que les grandes puissances comme les Etat-Unis, la Chine, le Japon et aussi l´Europe laissent une grande partie de leur souveraineté dans la politique économique et monétaire.

En Europe déjà, on n´arrive pas à se mettre d´accord sur ce point, - comment peut-on croire que cela réussisse au niveau mondial ? Et de plus, dans ces conditions, comment l´Europe peut-elle jouer un rôle important vis-à-vis des Etats-Unis ou de la Chine ?

Finalement, je suis d´accord avec Marc : il faut se lancer dans un programme de réformes à tous les niveaux. Mais selon mon analyse prospective, la « perestroïka » du capitalisme n´aura pas lieu. La seule chose qu´on peut espérer, - après que toutes les réformes nécessaires aient été réalisées et que l´économie mondiale ait repris son rythme – c´est que la prochaine crise n´arrive pas dans une avenir proche.

J'aimerai souligner, simplement, que cette crise "bienvenue" et "salutaire" est (serait) une occasion Unique pour le politique de reprendre (enfin !) la main.

Le peut-il ? oui, en partie, du moins pour encadrer et rétablir un ordre des priorités à but humain. Le veut-il ? Rien n'est moins sûr, cela fait beau/mauvais temps qu'il a perdu sa prééminence dans l'agora existentielle et je doute qu'il s'estime encore de nature à saisir les patates chaudes, des autres.

N'y a-t-il pas chez vos correspondants, cher Marc, une tendance à surestimer l'importance historique des évènements en cours ?

Parmi leurs affirmations, on relève : " La domination de l'Occident sur le monde touche à sa fin... Le dollar a perdu sa puissance...
Le Conseil de Sécurité dans sa forme actuelle a vécu... Le vieux leadership US est mort...
Nous vivons le déclin de l'empire du dollar donc de l'empire américain... etc...”

Restons calmes : il s'agit d'une de ces crises classique de "destruction créatrice" à la Schumpeter
grâce auxquelles le capitalisme progresse. Déjà en 1837... Déjà en 1929... Les crises similaires ont entraîné non le déclin de l'empire du dollar mais son expansion. Les bulles spéculatives s'enchaînent : après la bulle Internet vite effacée, surgit la bulle surprimes plus système bancaire de même nature.

Supposons qu'une récession mondiale s'y superpose ; une présidence style FDR introduisant un nouveau personnel et de nouvelles pratiques pourrait bien comme le New Deal rétablir la santé de l'économie américaine dont la force ne réside pas dans ses banques mais dans la solidité de ses institutions et la créativité de sa vie intellectuelle.

Ses ressources naturelles sont immenses, ses fondamentaux intacts, sa population est la seule à croître parmi celles des pays industrialisés.
Elle n'est pas plus menacée aujourd'hui qu'elle ne l'a été après le 11 septembre 2001. Les vrais dangers ne proviennent pas de l'éclatement sain des bulles mais de l'épuisement de la planète entière par la surconsommation mondiale qui se traduira par des phénomènes géopolitiques d'une autre amplitude d'ici une à deux dizaines d'années et toujours sous l'"empire du dollar".

Pour qui se berce encore d'illusions : à bons entendeurs...

Cette crise est CONSIDERABLEMENT plus grave que celle de 1929.

Pourquoi ? Bien des raisons !

Mais d'abord dire que la crise des subprimes c'est... anecdotique. En tout cas comparé à celle à venir sur les CDS, ces contrats d'assurance qui couvrent le risque de défaillance de prêts aux entreprises représentent environ 60 000 Md$ (oui vous lisez bien soixante mille milliards de $)*. Soit... plus de quatre fois le PIB des États-Unis, une fois le PIB mondial, soixante fois le plan Paulson, etc, etc.

Et alors me direz-vous, où est le problème ? Il est que pour garantir des prêts les sociétés (beaucoup de banques) qui ont vendu ces CDS on fait payer des primes calculées sur la base du risques de défaillance des entreprises en période normale (genre 0,5 %). Et pas en prévision d'une période au cours de laquelle les faillites de l'une entrainant celles des autres... ils sera impossible de faire face. Ce qui veut donc dire que les banques qui ont offert des prêts qu'elles n'auraient pas du offrir, mais l'ont fait quand même justement parce que ces contrats d'assurance leur permettait de ne pas les faire figurer dans leurs bilans vont... mourrir. Et c'est même pour cela qu'elles n'osent plus de prêter d'argent, puisque chacune sait que l'autre en a. Et peut en mourrir dans une heure, un jour, un mois... Et pour ça qu'après la crise du financement de l'économie que ça représente, viendra inévitablement le temps de leurs faillites.

Ce qui n'est évidemment pas un prédiction, mais juste le prévision d'un fait inévitable.

Si quelqu'un se sent capable de me démontrer le contraire... qu'il ne se prive pas. Ce serait excellent pour mon moral (enfin... s'il arrive à me faire la même démonstration pour le reste des produits dérivés, dont les CDS ne sont qu'une partie !).

PS : Tout ceci m'est évident depuis plusieurs années. Je ne le précise pas pour "la ramener". D'autant moins que j'estime n'y avoir aucun autre mérite que d'avoir un peu lu sur les crises précédentes ET pris la peine de comprendre les produits dérivés lorsqu'ils sont apparus (parce que lisant l'interview du patron d'une grande banque avouant qu'il n'y comprenait rien, ça m'avait beaucoup inquiété). Je voudrais juste convaincre que tout ce qui arrive aujourd'hui était si aisément prévisible que ma seule surprise est de constater que nous ayons été si peu nombreux...

* selon la Banque des règlements internationaux

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