Le problème de l’islam est, pour l’Europe, beaucoup plus concret, beaucoup plus charnel qu’il ne l’est pour l’Amérique. Si nous voulons que notre continent soit un creuset de civilisation plutôt qu’un champ de bataille, nous devrons briser les ghettos des murs et des esprits. C’est en Europe, et seulement en Europe, que peut, dans les dix ou vingt prochaines années, se forger une refondation de l’islam susceptible de réconcilier les Croyants et la modernité. C’est ? partir de cet islam nouveau, et seulement ? partir de lui, que les pays musulmans pourront inventer une démocratie qui leur soit propre, se libérer du passé tout en restant eux-mêmes. Pour l’instant, on assiste, dans la plupart des pays musulmans, ? une sorte de guerre entre trois islams. Les premiers protagonistes sont les gouvernements en place. N’ayant aucune légitimité, ni démocratique ni autre, ils ont accaparé l’islam et l’ont instrumentalisé. Comme l’explique le professeur Mohammed Arkoun * : « Nulle part, les régimes issus des indépendances ne sont passés par le verdict des urnes. … Les docteurs de la loi ont été sommés de servir les nouveaux maîtres ». Avec une économie en panne, une paupérisation croissante, une démographie galopante et une corruption écrasante, ces régimes ont été discrédités. Pourtant, ils peuvent résister, l’armée et la police étant de leur côté. Les seconds protagonistes sont évidemment les fous du Bien qui répandent le Mal. Sous prétexte de revenir ? la pureté des origines, ils rejettent l’islam domestiqué par les puissants sans, pour autant, revenir ? l’islam populaire, fait de savoir vivre ensemble, de tolérance et de sagesse paysanne. Leur popularité tient au fait qu’ils luttent contre des dirigeants pourris et qu’ils combattent un Occident dont la domination technicienne humilie les miséreux. Ce sont eux qui, actuellement, rafleraient la mise en cas d’élections « propres ». Les troisièmes protagonistes, ceux qui incarnent l’espoir, sont aujourd’hui minoritaires mais le temps travaille pour eux puisque aucun pays n’échappe ? la vague de modernisme introduite par Internet, la téléphonie mobile et la télévision satellitaire. Pour ne parler que du monde arabe, les chaînes les plus regardées sont Al Jazira et Al Arabia mais on compte, au total, plus de 90 stations émettant pour un public qui, du Golfe Persique ? l’Océan Atlantique, compte près de 100 millions de téléspectateurs. Grâce ? cette fenêtre sur le monde, des sujets nouveaux sont abordés dans des débats ? forte audience. Des sujets jusqu’ici tabous tels le rôle des femmes, la place des jeunes ou même la contraception et la sexualité suscitent un grand intérêt. C’est une tendance favorable qui peut être fécondée par un apport européen. L’Union Européenne, avec ses dix millions de Musulmans, dispose de gros bataillons. A elle de coordonner les politiques des différents pays pour faire en sorte que la formation des imams n’ait pas lieu ? l’étranger mais, qu’au contraire, de prestigieuses écoles d’études islamiques fleurissent sur son sol. A elle de proposer des programmes ambitieux pour que des jeunes Musulmans du monde entier soient formés dans ses universités. A elle de créer, dans des circuits scolaires appropriés, une re-connaissance des valeurs communes et de ce qu’a représenté la Méditerranée dans l’Histoire universelle.
Commentaires
il est un livre assez polémique écrit par une historienne britannique d'origine égyptienne sour le pseudonyme de BatYe'or qui me semble ? ne pas négliger toutefois. Il s'agit de " Eurabia : l'axe euro-arabe ". Elle analyse largement le concept peu connu de " dhimmitude", qui vient du mot arabe "dhimmi" qui désignait les Juifs et les Chrétiens indigènes vivant en terre d'Islam et donc gouvernés et "protégés" par le loi islamique. Il est curieux comme elle semble rejoindre en partie l'analyse précédente. On peut se procurer un texte interessant sur ce lien.
La solution se trouve, peut-etre dans cette page :
http://www.arenotech.org/tribune_libre/le_prophete_de_galillee2.htm
Lors de son excellente intervention au sein du Club des Vigilants, Madame Danièle Hervieu-Léger, Directrice d’Etudes ? l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, a analysé le rôle des religions comme étant une réponse donnée par "l'Autre" ? la difficulté, voire ? la douleur "d'être Soi" au travers du partage d'une "conviction commune". Une sorte de baume sur la brûlure que le "doute" cause ? tout esprit humain. Certaines sociétés anciennes ont pris la voie de la Rationnalité et de la Connaissance ( Connais-toi toi-même ! ), d'autres la voie de l'Affectivité ( Aimes ton prochain comme toi-même ! ), d'autres la voie de l'Obéissance absolue, de la dilution du questionnement de l'interrogation dans une certitude totale externe ? la personne.
En la matière, le rôle "social" de la religion est sans doute un peu le même que celui de ces anxiolitiques dont les Hommes raffolent dans nos temps modernes !
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