
Depuis vingt ans, de façon répétée, par divers commentateurs,
la France est associée à la responsabilité du génocide rwandais. Des plaintes individuelles suivent leur cours en justice, certains évoquent une
complicité de génocide. Les accusations sont graves, souvent factuelles, parfois terribles.
Elles visent l’Etat, l’armée et divers individus qui prospèrent dans la zone grise des conflits. La France aurait armé, soutenu, encouragé puis protégé un gouvernement et une organisation génocidaires.
La justice va continuer de poursuivre les crimes et établir les responsabilités individuelles. Au plan collectif, il est à peu près établi que, négligeant les avertissements des diplomates, des renseignements et des ONG,
la France a soutenu, jusqu’au bout, un régime gangréné par des éléments extrémistes qui n’acceptaient pas la solution politique de partage du pouvoir qu’elle préconisait et qui préparaient, puis accomplissaient, le pire.
Le
système de décision qui a présidé aux actions de la France de 1990 à 1994
a échoué à protéger les Tutsis et les Hutus modérés parce qu’il était indifférent au malheur des peuples. C’est le logiciel de la politique interétatique, de la sacralisation de la stabilité des frontières et des gouvernements en place - avec dans ce cas, probablement, une hostilité latente aux Tutsis de l’extérieur soutenus par un pays anglophone - qui a fourvoyé l’action de la France au Rwanda.
Ce système de décision a échoué car il était fermé, non transparent, réduit à quelques hommes – et que des hommes– autour du président de la république d’alors.
Il faut voir les choses en face,
la France est sur la défensive depuis vingt ans. Il n’y a pas de parole officielle ni institutionnelle fortes. Dire qu’elle a été la seule à agir dans le désastre ne suffit pas. La commission parlementaire
d’information (et non d’enquête) de 1998 est loin, elle n’a pas fait taire les doutes. Les explications simples, tapageuses ont de l’espace, les plus scandaleuses prospèrent, c’est la loi médiatique ;
sans discours, des faits isolés sont potentiellement mortels. Vingt ans ont passé, c’est le temps d’une génération. L’ouverture des archives a commencé, les témoins parlent, chacun avec sa part de vérité mais
la connaissance des faits a progressé. Il est temps d’entendre la complexité, de
dépasser les interprétations parcellaires auxquelles répondent des justifications outragées.
La France ne peut pas entrer dans le XXIe siècle avec ce boulet.
Que dira-t-elle à l’Afrique que la croissance économique et démographique change en profondeur ?
La France doit reconnaître ses erreurs, dans un monde où la realpolitik issue de la vieille politique européenne ne fait plus recette. Elle se grandira.
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