La Russie est une très grande amie de la France. La Russie est un pays pacifique, mais c’est aussi un pays « fort » qu’il ne faut pas menacer ou provoquer. Tels ont été les deux axes principaux des échanges passionnants entre Alexandre Orlov, Ambassadeur de Russie en France, et les membres et amis du Club des Vigilants, mercredi 9 décembre au cours d’une Matinale du club. Echanges où il fut évidemment beaucoup question de la Syrie, de la Turquie et du Proche-Orient.
L’ambassadeur, qui est un grand connaisseur de la France et s’exprime dans un français parfait, décrit comme une réussite totale le rapprochement avec son pays initié par le Président Hollande après les attentats du 13 novembre. Officiellement il s’agit d’une « coordination », rappelle-t-il. Dans l’esprit de Vladimir Poutine il y a plus, assure-t-il. Les relations personnelles entre les deux dirigeants sont excellentes et le Président russe considère la France comme un vrai allié. Pourtant, déplore-t-il, en France la Russie « n’existe pas ; on en dit du mal ou rien ». Pas de lien direct entre la « coordination » contre Daesh et le problème ukrainien. Alexandre Orlov assure cependant que la France et l’Allemagne sont favorables à la levée des sanctions contre la Russie. Avant de nuancer et de parler de levée « progressive » des sanctions contre la Russie à mesure de l’application des accords de Minsk-2 qui aplaniraient les difficultés entre le gouvernement ukrainien et les séparatistes soutenus par la Russie (sur Minsk 2 voir l’article de Philippe Bois publié le 4 mai). Au passage l’ambassadeur laisse entendre que nous aurions intérêt à lever rapidement ces sanctions parce que son pays s’organise pour se passer de nous et notamment de nos productions agricoles. Bruxelles reste la bête noire de la diplomatie russe. Plus que jamais la diplomatie russe privilégie les relations bilatérales et met en garde les pays membres contre les abandons de souveraineté excessifs à l’Europe. Alexandre Orlov n’ignore évidemment pas les craintes que soulève en Europe la Russie de Poutine. Il s’emploie avec talent à les tempérer en répétant un argument clé. L’Union Soviétique n’existe plus… sauf comme « pays virtuel » dans la tête des Européens et des Américains. C’est un « fantasme ». La Russie a bien assez de mal à mettre en valeur son immense territoire pour se préoccuper de remettre la main sur les Pays Baltes ou n’importe lequel de ses autres voisins. En même temps, ce pays que l’ambassadeur décrit comme fondamentalement pacifique est bien décidé à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Heureusement que Poutine s’est employé à préserver sa puissance militaire et à en faire un pays « fort », sinon on lui aurait réservé le sort de l’ex-Yougoslavie, assure Alexandre Orlov. Oui la Russie a bien installé des missiles dans l’Arctique, mais ils sont défensifs. Elle se protège. De quoi ? L’Otan fait mine de s’y intéresser et on commence à trop entendre dire que l’Arctique n’est pas l’affaire des seuls pays riverains. Cette Russie capable aussi de montrer les dents, l’ambassadeur l’incarne en changeant de ton quand on parle du bombardier russe récemment abattu par la Turquie. Le doigt accusateur est pointé avec précision, non pas sur la Turquie ou les Turcs, mais sur le Président Erdogan, un islamiste qui joue double jeu par rapport à Daesh et aux autres terroristes. Il a commis une « colossale erreur ». Avec lui « c’est définitivement terminé ». Et l’ambassadeur n’hésite pas à reprendre les accusations contre le clan Erdogan : non seulement la Turquie profite du marché noir sur le pétrole de Daesh, mais, plus précisément, les fils et beau-fils du Président sont parmi les profiteurs de ce trafic. Daesh est une « force politique manipulée par des protecteurs extérieurs ». Ce n’est pas le seul ennemi. Il y a d’autres groupes, des complices. En filigrane Alexandre Orlov justifie le fait que les avions russes ne frappent pas que Daesh. Mais il connaît bien les soupçons que soulèvent des frappes destinées en fait à sauver le régime au pouvoir et Bachar el Assad. Alors il réclame « des listes » sur lesquelles la communauté internationale soit d’accord. Une liste « d’opposants » avec lesquels on puisse négocier « une transition » (à aucun moment il n’évoque le maintien au pouvoir de Bachar el Assad comme un préalable non négociable). Ce travail a été confié, dans le cadre de la conférence de Vienne, à la Jordanie, à qui la Russie fait confiance. Une liste également « d’organisations terroristes » à combattre, dont l’établissement a été confié à l’Arabie Saoudite. Et là on sent bien que la confiance est… nettement moindre. Il faudrait lui adjoindre, estime la Russie, un représentant spécial de l’ONU. Au delà des frappes contre Daesh (qui n’empêcheront pas l’islamisme de ressurgir sous d’autres formes) il faut, dit le diplomate russe, travailler sur des solutions qui apportent une stabilité à toute cette région en traitant l’ensemble des sujets, y compris celui des peuples palestinien et kurde, y compris l’affrontement entre sunnites et chiites. Pour ce faire l’ambassadeur de Russie n’hésite pas à envisager – contrairement à ce que disent habituellement beaucoup de diplomates - qu’on redessine des frontières, pour entériner l’existence d’un Kurdistan par exemple. À ceux qui lui opposeraient l’horreur des conflits engendrés par la partition de l’ex-Yougoslavie il oppose l’exemple de la partition sans conflit de l’ex-Tchécoslovaquie. Cette Matinale, organisée en collaboration avec Thinkerview, a été enregistrée en vidéo. Vous pouvez en retrouver l’intégralité sur la chaine Youtube de Thinkerview
Commentaires
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L'analyse de l'ambassadeur Orlov sur l'Union Européenne me semble cruellement juste. L'Europe est de facto un protectorat américain qui s'en désintéresse de plus en plus et la traite avec violence (cf les milliards d'amendes qu'elle inflige à ses entreprises). Depuis longtemps, elle n'a plus d'ambition digne de ce nom et est incapable de régler vraiment les crises à répétition qu'elle crée ou qu'elle subit passivement.
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la France a tour à tour été depuis deux siècles l'ennemie et l'amie de la Russie.
En 1812, Napoléon entre dans Moscou, puis en ressort, c'est la Bérézina et le début de la fin pour Napoleon. En 1814, l'armée russe est dans Paris. C'est d'ailleurs de cette visite que date le mot "Bistro", qui veut dire "vite" en russe. Les soldats russes trouvaient les serveurs parisiens un peu lents...
En 1855, l'armée française prend enfin Sebastopol au terme d'une guerre dont plus personne ne se rappelle la raison.
en 1914, la France est l'alliée de la Russie pour défendre la Serbie. La Russie fera défection en 1917, et heureusement que les Etats Unis l'ont remplacée.
en 1939, l'Union Soviétique de Staline signe un pacte de non agression avec Hitler. C'est clairement la feu vert pour l'invasion de la France, survenue en mai 40. Les choses s'inversent après l'invasion de la Russie en juin 41.
En 1945, De Gaulle rend visite à Staline, et pense peser sur la suite des évènements en Europe. Helas la France, dont l'armée a été balayée en 1940, ne pèse plus grand chose aux yeux des russes.
En 2015, la France prive la Russie de la livraison de deux navires Mistral. Est ce pour cela que Poutine prend au sérieux François Hollande ? En tout cas Vladimir vient à Paris rendre compte à François de l'avancement des accords de Minsk.
Ni amis, ni ennemis, telle semble devoir être notre relation avec la Russie. On se parle et on peut agir de concert quand nos intérêts le commandent. N'est ce pas un peu comme avec les Etats Unis ?
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La diplomatie russe a depuis longtemps compris,comme l’expliquait brillamment Staline, que la « France est le maillon faible de l’Occident ».
Vladimir Poutine, ancien officier des services secrets soviétiques sait aussi que « là où il y a une volonté, il y a un chemin … »(Lénine).
Peut-on reprocher à la Russie de défendre ses intérêts ? Non. Sommes-nous obligés de croire le Camarade Poutine et ses intentions « pacifiques » mode Ukrainienne…Non !
La Russie souhaite une Union européenne faible et militairement désarmée. La ritournelle du pacifisme fait partie de ses marronniers diplomatiques avec son fameux Camarade si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous …et bien désolé Vladimir mais nous sommes européens ! Ni Russes, Ni Américain s Ni Chinois ….et nous n’avons pas besoin de Protectorat !
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