Le nucléaire ne peut relever que de l’Etat

080207-Nucleaire-Blog.jpgLe nucléaire, tant civil que militaire est au cœur de l’actualité. Et il n’a pas fallu longtemps au Président de la République pour constater que le nucléaire joue, dans le monde, un rôle particulier et qu’en détenir les clés constitue un argument politique de première importance.

La France est présente et crédible dans tout le nucléaire, aussi bien civil que militaire.Je ne dirai rien du nucléaire militaire. De par la Constitution, le Président de la République, chef des armées, est le seul à pouvoir en disposer.Mon propos ne concerne que le nucléaire civil. 

Dans ce domaine, la France occupe une position exceptionnelle grâce à l’existence de trois organismes qui, depuis 50 ans et plus, accumulent une expérience et des réalisations sans équivalent. Ces trois organismes sont le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Electricité de France (EDF) et Areva, lui-même résultant de l’intégration de Cogéma (Areva NC) et Framatome (Areva NP). 

A eux trois, EDF, CEA, Areva couvrent la panoplie complète du nucléaire civil, depuis la R§D effectuée largement au CEA jusqu’à la production d’électricité effectuée dans des conditions excellentes par EDF. Le maillon Areva se situe entre les deux, intervenant depuis l’extraction du minerai d’uranium jusqu’au retraitement des combustibles brûlés dans les réacteurs, en passant par toutes les étapes de l’enrichissement, de la fabrication des combustibles des réacteurs, de la conception des réacteurs, de la fabrication de leurs composants et de leur construction. Sans oublier, naturellement, les aspects commerciaux, financiers, etc. 

Tout ceci représente une énorme industrie qui, il faut le souligner, a été montée intégralement sur les fonds de l’Etat. Personne autre que l’Etat n’aurait été capable de prendre les risques qu’impliquent tout ce qui a été fait. L’Etat dispose donc là d’un capital intellectuel et matériel impossible à évaluer par les méthodes capitalistiques courantes et, en tout cas, hors de portée pour n’importe quelle entreprise privée, sauf à le recevoir en cadeau ! 

Dans la situation qui prévaut actuellement, le Président de la République est le responsable suprême de tout cet ensemble. L’Etat est en effet propriétaire du CEA et il détient une large majorité dans EDF et Areva. 

Lorsque le Président de la République parcourt le monde et offre les réalisations du nucléaire français à différents pays, il agit comme le chef de l’entreprise nucléaire et l’Etat assume naturellement les risques éventuels, techniques, financiers et politiques des opérations. 

Il ne faut pas oublier que l’industrie nucléaire a un statut particulier dans tous les pays du monde. La construction et l’exploitation d’installations nucléaires ne se font pas sur de simples initiatives privées, comme cela peut être le cas pour des centrales à gaz, au fioul ou au charbon. En nucléaire, les autorités de sûreté, toujours liées à l’Etat, autorisent, surveillent, interviennent souverainement tout au long de la construction et de la vie des installations. J

J’en conclus que l’organisation actuelle du nucléaire français, fruit d’un long passé et d’une grande expérience, est parfaitement adaptée à la demande mondiale.

Dans ces conditions, il serait bien difficile de comprendre les raisons pour lesquelles le Président, qui dispose d’un outil incomparable, si chèrement acquis aux frais du contribuable et si bien adapté aux projets politiques qu’il met en œuvre, déciderait de le démanteler pour y faire intervenir des entreprises privées hautement honorables mais qui n’ont pas de vocation particulière pour intervenir dans ce domaine si complexe, si spécialisé et si bardé de contraintes étatiques auxquelles il faut être rompu par une longue expérience. 

Rappelons comment se commande une installation nucléaire, une centrale électrique par exemple.L’électricien autorisé par son gouvernement lance un appel d’offres pour la partie nucléaire car c’est elle qui gouverne tout. Une fois ce choix effectué, l’électricien attend les spécifications qu’établit le constructeur nucléaire retenu pour pouvoir lancer les appels d’offres des sous ensembles : génie civil, centrale de secours, groupe turboalternateur, traitements des effluents, etc. L’électricien est le maître de son plan de cantonnement des lots de la centrale et il y tient beaucoup. 

Pour chacun des lots retenus par l’électricien, un appel d’offres a lieu qui met en concurrence plusieurs sociétés du même métier. Plusieurs sociétés de génie civil sont aptes à réaliser les bâtiments des installations nucléaires. Il en est de même pour les groupes turboalternateurs.Dans ce domaine précis, parler de « turbine nucléaire » est un abus de langage. Il n’y a rien de nucléaire dans une turbine de centrale nucléaire. Elle doit simplement être adaptée le mieux possible aux caractéristiques de la vapeur produite par le réacteur. 

Lorsque tout ceci est fait, l’électricien coordonne avec l’aide du constructeur
nucléaire la réalisation de la centrale. On voit bien que les deux acteurs essentiels et incontournables sont le client et le constructeur nucléaire. Toute intervention d’un tiers ne peut que polluer le système et brouiller les cartes.
 

Pour compléter ce point de vue, je reviens sur un point très particulier et très important, déjà mentionné précédemment. C’est le fait que l’acteur principal de ces dossiers est le Président de la République lui-même.

Qui peut se croire capable de limiter ou d’encadrer son action, lorsqu’il est par exemple en tête à tête avec un chef d’Etat étranger ? Ou le faire revenir sur une position prise sous prétexte que le risque encouru serait trop grand ? 

Non, je suis vraiment convaincu que le schéma français actuel est le mieux adapté possible à la situation. Et si Areva a des besoins de financement pour faire face aux programmes importants qui s’annoncent, il faut étudier et mettre en œuvre des procédures qui ne portent pas atteinte à la propriété et à la direction majoritaire de l’Etat dans ce domaine.

Jean-Claude Leny est ancien président de Framatome

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Commentaires

@ Jean-Claude Leny : Je suis un libéral à tout crin et toute intervention étatique me hérisse.

Néanmoins que l'on puisse envisager l'éventualité de privatiser AREVA et cela me parait aussi incongru que si l'on privatisait l'armée, la police ou la justice par exemple.

Le nucléaire, si parfaitement décrit par l'auteur est pour moi beaucoup trop grave et important pour être dirigé par des sociétés privées.

La seule idée que l'on puisse y songer me laisse perplexe.

@ Jean-Claude Leny : merci d'avoir pour cet article qui relève presque du cri d'alarme. J'espère que les réactions se
feront fortes et virulentes et que cela permettra à l'Etat français de
revoir sa position.

Je suis en pleine lecture d'un ouvrage de référence sur la
géopolitique (voir mon blog), et plus j'avance, plus je me dis que le
gouvernement français saborde le navire, parfois sans même le
remarquer... misère... Sincèrement cela ne m'étonne pas que la cote de
popularité de notre président baisse, il ferait mieux d'arrêter
d'alimenter la presse people pour se consacrer à une vraie réforme de
la France.

Tout cela pour dire que je ne comprends pas où la France va... J'ai lu
également que la précipitation de notre président à vendre des titres
EDF a coûté à la France près d'un milliards d'euros...
(http://www.politique.net/2007120503-vente-d-actions-edf-sarkozy-perd-1-m...).
Peut-être qu'il ne s'agit que de faits "mineurs", mais à force
d'accumuler les erreurs, il peut y avoir des conséquences néfastes à
long terme pour la France... et des accumulations de la sorte, il y en
a depuis des décennies, provoquant la risée des gouvernements
étrangers et le discrédit de notre gouvernement.

Triste France !

Je me permets de réagir à l'article fort intéressant et instructif de J.C. Lény que je connais un peu pour l'avoir rencontré lorsque j'étais moi-même au CEA chargé de l'élaboration du premier plan stratégique de CEA-Industrie, préfiguration de ce que sera plus tard AREVA. J'ai également suivi de près l'histoire du nucléaire puisque mon père, Jacques Mabile, tragiquement disparu dans un accident d'avion en janvier 1971, était le Directeur des Productions du CEA et l'ardent promoteur de ce qui est devenu peu de temps après sa mort la COGEMA (maintenant intégré à AREVA).

Je ne mésestime pas le rôle très important que jouent les Etats dans la décision d'implantation des centrales nucléaires. L'Etat est partout le garant de la sécurité à tous les points de vue (risque accidentel bien sûr, mais également risques sur l'environnement, la prolifération, ...). Je ne partage pas pour autant complètement le point de vue de M. Lény.

Déjà dans les années 60, mon père pestait contre les contraintes étatiques qui pesaient alors sur l'industrie du cycle du combustible, quand de son côté Framatome, issu d'une initiative privée largement portée par J.C. Lény, et exploitant la licence d'un constructeur privé américain - Westinghouse – lui paraissait autrement plus efficace que l'organisation étatique qui prévalait dans le cycle du combustible. La création de CEA-Industrie puis d'AREVA ont été dictées par le souci de rendre plus efficace le secteur industriel issu du CEA ou le rejoignant (comme FRAMATOME), en le libérant des contraintes étatiques.

D'autre part, la mondialisation impose ses règles. Les concurrents d'AREVA sont des sociétés de dimension mondiale, susceptibles d'investir rapidement et massivement afin de profiter du retournement du marché en faveur du nucléaire, quand cette option deviendra réalité, c'est à dire probablement rapidement.

Certes les domaines de souveraineté, et notamment l'arme atomique (qui ne fait pas partie d'AREVA) et les réacteurs navals (qui en font partie au travers de TECHNICATOME) obéissent à une autre logique et devraient rester dans le giron de la puissance publique. Il faut par contre donner les moyens à AREVA de se développer, de nouer des alliances internationales (ce qu'elle fait avec un certain succès aux USA et au Japon), et surtout de lever des capitaux pour investir et se développer.
Ce n'est pas la rôle de l'Etat qui d'ailleurs n'en possède pas (ou plus) les moyens. Comment en effet résister à la pression concurrentielle de groupes comme General Electric, Siemens ou Mitsubishi qui disposent d'une capacité de manœuvre inégalée et peuvent présenter aux clients (Etats ou sociétés privées de production et distribution d'énergie) un mix énergétique associant nucléaire, gaz, charbon et énergies renouvelables, ainsi qu'une expertise s'étendant à la production d'énergie primaire, mais à sa transformation (turbines, générateurs électriques) et au support (y compris le support à l'exploitation). De plus en plus d'électriciens ou d'énergéticiens recourent à des contrats clés en mains fondé sur le résultat opérationnel et ne prennent en charge que l'exploitation (partielle) des centrales - classiques pour le moment - et la vente d'électricité selon le principe du recentrage sur le cœur de métier.

Cette tendance viendra dans le nucléaire également. Il faut par contre insister sur l'impératif que constitue une parfaite entente et coordination entre AREVA et EDF. EDF possède une expérience d'exploitant unique et reconnue qui devrait renforcer la position concurrentielle d'AREVA, à condition que ces deux acteurs ne se livrent pas à une guerre fratricide comme par le passé et encore plus récemment aux USA. Le rôle de l'Etat dans ce domaine doit être de convaincre, sinon de contraindre par la position qu'il y occupe dans les conseils d'administration des deux sociétés, à une mise en œuvre des synergies entre ces deux acteurs.

Bien entendu, cette contribution a pour but d'alimenter le débat, et j'aurai un plaisir tout particulier, en tant que nouveau membre du Club, à rencontrer J.C. Lény pour qui j'ai à la fois respect et admiration pour l'oeuvre remarquable qu'il a accompli en faisant de FRAMATOME ce que AREVA NP est aujourd'hui, c'est à dire un champion mondial.

Il est difficile sinon risqué, de commenter l'avis émis par une personnalité reconnue et faisant autorité dans son domaine ! J'ose cependant le faire !

Certainement, vue de l'extérieur, la coexistence du CEA, d'AREVA et d'EDF remplit la fonction voulue. Toutefois, il est permis de s'interroger sur le rapport prestations/prix d'organismes "étatiques". Peut-être est-ce le prix à payer compte tenu des impératifs de sécurité, mais les défaillances existent dans le public comme dans le privé.

S'agissant du privé, on peut rappeler la tentative de la CGE (Cie Générale d'Electricité) sous la Présidence d'Ambroise Roux, de constituer, dans les années 70 un groupe capable de réaliser clés en main des centrales nucléaires à l'époque où les techniques BWR et PWR étaient en compétition. Devant l'absence de marché, les constituants se sont désagrégés et d'autres orientations ont été privilégiées par la CGE.

Enfin, je ne vois pas au nom de quel principe, on réserverait à EDF la production d'électricité d'origine nucléaire. Dès lors que les règles de sécurité seraient respectées et contrôlables tout au long de la vie des installations, rien n'interdirait à un compétiteur d'EDF de s'investir s'il n'était pas rebuté par les différentes contraintes administratives, environnementales et autres.

Une question subsiste : doit-on alors obligatoirement faire appel à AREVA? Je laisse le soin de répondre à plus compétent que moi.

Merci à Monsieur Leny pour cet article clair et convaincant.

Il est évident qu’une industrie nucléaire sous contrôle de l’état est plus rassurante et plus logique qu’une industrie nucléaire sous contrôle privé, quelle que soit la qualité, le sérieux et la taille des industriels privés à qui elle aurait été confiée.
Et j’ai personnellement trouvé très logique le rapprochement que d’autres intervenants ont fait avec la prise de position de Marcel Boiteux sur les privatisations en général et celle d’EDF en particulier.

Mais en dehors des avantages financiers immédiats que l’on retirerait d’une privatisation (et qui, correctement utilisés, seraient bien venus dans l’état actuel des finances publiques), l’option étatique reste-t-elle réellement possible dans la cadre de l’Europe actuelle ? Personnellement je n’ai pas la réponse, mais je serais curieux d’avoir un - ou de préférence plusieurs- avis sur ce point. A supposer que le maintien d’une industrie nucléaire sous contrôle de l’Etat ne soit pas possible à terme vis-à-vis de l’Europe, sans accord particulier, cela voudrait dire qu’il faudrait négocier cet accord : quelles serait les concessions à consentir en échange ?

En tous cas, il faut bien se rappeler que cette politique de privatisation a trouvé ses origines dans des engagements pris dès les débuts de la construction européenne, comme cela a été fréquemment souligné voici bientôt trois ans à l’occasion du référendum sur la Constitution européenne. Or, aux débuts de la construction européenne, les décisions se prenaient à l’unanimité. La France de l’époque était donc d’accord, peut-être même franchement favorable, malgré le caractère encore très étatiste et planificateur de notre économie à l’époque. Il conviendrait de se demander pourquoi. Mais ceci mériterait un autre article.

Cordialement

La France a réalisé un remarquable programme de centrales nucléaires, grâce en particulier aux trois acteurs majeurs que furent le CEA, EDF et Framatome.

Par la volonté des pouvoirs publics, Framatome a été installé en 1974 dans la position de seul réalisateur du réacteur nucléaire sur le marché domestique. Cet avantage, cas unique parmi les industriels des grands pays qui avaient un programme nucléaire, était voulu, entre autres, pour donner à Framatome tous les atouts et les meilleures chances pour affronter à l’époque la concurrence mondiale à l’exportation. Le marché exportation n’a pas eu l’ampleur espérée, mais il va peut être avoir cette ampleur dans un avenir proche.

La compétitivité d’une entreprise se forge par la stimulation qui naît de la rencontre entre concurrents, autant dans l’industrie nucléaire que dans les autres industries. Ce moteur de la concurrence est essentiel dans l’activité des hommes. L’Europe en a fait un principe inscrit dans les traités fondateurs.

Je respecte infiniment l’opinion de Jean Claude Leny sur le rôle de L’Etat français. Je pense que ce rôle a eu sa justification dans le passé du nucléaire français, mais qu’il n’a plus sa place dans l’avenir de la France en Europe.

Comment l’Etat doit il intervenir ?
D’abord en faisant édicter et tenir à jour les règles de sûreté par un organisme indépendant, qui doit en outre surveiller très précisément leur application sur le marché domestique. Le nucléaire n’échappe pas à cette nécessité de réglementation, qui a démontré également son utilité dans bien d’autres domaines industriels.
Ensuite en arbitrant, si le besoin s’en fait sentir, les « luttes de pouvoir » des dirigeants des entreprises amenées à travailler en partenariat pour le client étatique, pour que l’intérêt général l’emporte sur les satisfactions des personnes, et pour que le principe de la saine concurrence joue toujours.

Mais l’Etat doit s’abstenir de devenir un « super VRP » de la technologie française.
Chacun son métier, et celui des entreprises est d’être attractif et compétitif.

Cependant l’industrie nucléaire civile est un cas particulier : on y agite de toutes parts la crainte d’une voie de prolifération vers le nucléaire militaire, ou même vers le terrorisme basé sur le danger de la radioactivité.
Hélas, ce n’est sûrement pas en mandatant le Président de la République Française pour décider si tel Etat est « digne » d’accéder au nucléaire civil que l’on va régler ces problèmes. Et cela vaut pour n’importe quel chef d’Etat étranger.
C’est en renforçant l’action de l’AIEA, en imposant à tous les Etats les contrôles nécessaires, et en sanctionnant au niveau international les Etats qui s’y dérobent. Et en refondant le TNP actuel, qui a ses mérites, mais qui a de fait séparé les Etats du monde en deux catégories : ceux qui ont le droit au nucléaire militaire, et ceux qui n’y ont pas droit. Quand on est « du bon côté », on a du mal à comprendre que d’autres ne soient pas satisfaits d’être « du mauvais côté ». Mais c’est là un autre débat.

Le débat actuel en France sur l'organisation du nucléaire civil se trompe de cible : non, il ne faut pas accentuer le rôle de l’Etat, il faut au contraire le cantonner à ses prérogatives strictes, et favoriser l’émulation et les partenariats enrichissants entre nos « champions industriels ».

Non, Alstom, Bouygues, Vinci, Suez, ne sont pas « indésirables » dans la compétition pour offrir montages industriels de réalisation de centrales nucléaires complètes, dont le réacteur nucléaire n’est qu’une partie.

Areva a un rôle enviable à jouer : celui du n°1 des concepteurs et fabricants de réacteurs nucléaires civils, et de n°1 du combustible nucléaire pour ces réacteurs. Ce sera déjà un magnifique succès si dans vingt ans Areva maintient cette position.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la prise de position de Jean Claude LENY qui eut d'importantes responsabilités dans le domaine de l'insustrie nucléaire.

J'ai été moi-même en charge du Sécrétariat d'Etat à l'Energie en 1983 et j'approuve totalement son point de vue quant à la nécessité de maintenir AREVA dans le secteur public.

En effet, non seulement c'est une réussite industrielle et économique exemplaire qui a puissamment contribué au développement de notre pays mais surtout les arguments un moment avancés pour sa privatisation sont désormais caducs : il avait été dit que son statut public était un handicap pour son développement à l'étranger ; cet argument ne tient plus ! Il suffit de constater les succès majeurs de l'entreprise à l'international aussi bien pour l'amont (extraction et traitement du combustible) que pour l'aval (construction et exploitation de nouvelles centrales type EPR) sans oublier ses diversifications énergétiques.

J'ajouterai même que, désormais, son statut public apparait à l'extérieur comme une garantie supplémentaire en terme de fiabilité industrielle et de sécurité environnementale et ... financière compte tenu de la spécificité du nucléaire et de la volatilité des actionnariats privés.

Il serait grave pour notre pays, hélas bien limité en "fleurons" industriels de taille mondiale que cette entreprise soit victime de nos carences budgétaires.

Je suis tout à fait d'accord avec J.C Leny et A Bondu. Le secteur du nucléaire civil est trop important et trop dangereux pour être confié en totalité au secteur privé. Pour les parties génie civil et électromécanique c'est déjà fait mais en ce qui concerne le cycle amont (extraction et transformation de l'uranium, fabrication du combustible), le réacteur et le cycle aval (stockage et traitement du combustible usé) ce serait totalement irresponsable :
- presque 80 % de la production d'électricité en France est d'origine nucléaire aussi la sécurisation des approvisionnements de nos centrales est capital ;
- la responsabilité de potentiels risques environnementaux causés par de mauvaises conditions de transport et de stockage du combustible usé ne peut être transférée à des entreprises privées car je pense que c'est une responsabilité nationale ;
- la gestion de nos centrales en terme de sécurité et de coût de l'électricité produite ne doit pas être confiée à des structures privées plus soucieuses de l'intérêt de leurs actionnaires que de celui de la population.

Quand un Etat prend la décision de se lancer dans la construction d'une centrale nucléaire il devrait savoir que c'est un engagement sur un siècle :
- 5 ans pour obtenir les différents permis de construire ;
- 5 ans pour construire la centrale et la raccorder au réseau, quand tout va bien (cf l'EPR finlandais) ;
- 50 à 60 années d'exploitation ;
- 30 ans pour le démantèlement.
L'Etat doit donc être visionnaire et faire preuve de lucidité pour ne pas laisser les générations futures supporter des risques incommensurables.
Aussi, il ne doit pas céder aux pressions importantes (et qui ont déjà commencé) de la part de grand groupes industriels et financiers souhaitant récupérer une grande partie des joyaux étatiques que sont le CEA, EDF et AREVA.
L'unique but de ces entreprises est la préparation de l'après pétrole et un excellent positionnement sur le marché mondial très porteur et fructueux de la construction de centrales nucléaires. Leur actionnariat est certes majoritairement français aujourd'hui mais qu'en sera - t - il demain ?

"Le nucléaire ne peut relever que de l’Etat" ; certes, mais cette situation, admirablement décrite par J.-C. Leny ne concerne vraiment que la France d'aujourd'hui. Elle ne s'applique pas aux autres acteurs du nucléaire civil dans le monde et ne sera peut-être pas adaptée à la France de demain.
Le nucléaire civil est en effet largement pris en charge par le secteur privé dans d'autres pays de l'OCDE. Rappelons-nous par exemple que la totalité du MOX américain est aujourd'hui produite par les universités privées ou publiques, qui se montrent tout à fait en capacité de gérer des réacteurs nucléaires.
le montage national pose lui aussi question, le nucléaire civil étant, avant d'être un bien national, un bien géré par le corporatisme administratif. Si la compétence des corps de l'Etat fut satisfaisante pour la mise en œuvre de la filière, elle est aujourd'hui discutable.

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