Lecture

"La plus grande révolution de toute l'histoire de l'humanité", par Xavier Denecker

Dans « La plus grande révolution de toute l’histoire de l’humanité » (Inter-Ligere Éditions, 2022), Anne Beaufumé, Jérôme Bondu et Jérôme Coutou s’efforcent de donner des clés pour comprendre les changements accélérés que nous traversons. Le monde semble s’emballer sous nous yeux, disent les auteurs. Et de citer « Big data, cloud computing, internet des objets, biotechnologie, robotique, imprimantes 3D, biomimétisme, cellules souche, viande de synthèse, nanotechnologies, intelligence artificielle ». Nous sommes à un moment de bascule dans lequel les découvertes et les innovations dans quatre

Les moutons de la pensée

« Du grec, ô ciel, du grec ! Il sait du grec, ma sœur » s’exclame Philaminte dans les Femmes savantes en évoquant admirativement un pédant que vient de lui présenter un cuistre, Trissotin. Aujourd’hui, la (ou le) Philaminte moderne s’exclamerait : « du woke, ô ciel, il sait du woke ». Le woke est plus facile à apprendre que le grec. De plus, il vous dispense de lire Aristote ou Platon pour briller en société, car le seul fait de le maîtriser vous mue en philosophe apprécié des médias, qui constituent les nouveaux salons. C’est ce qu’explique brillamment Jean Szlamowicz, linguiste et producteur

"Sept pas vers l’enfer. Séparatisme islamiste : les désarrois d'un officier de renseignement""

Alain Chouet vient de publier, début février, un livre sur un thème qu’il connait parfaitement et pour lequel il juge indispensable de livrer ses réflexions, poussé par ce qu’il ressent comme un devoir d’alerte. L’ouvrage est resté un long moment dans les starting blocks, les relecteurs et les avocats de l’éditeur demandant des modifications sur le fond et sur la forme visant essentiellement à en édulcorer le contenu. L’auteur les a refusées. Avec le changement de pied récent du gouvernement et des médias, désignant désormais clairement le danger salafiste, cette publication peut apporter une

L'entreprise contributive. Concilier monde des affaires et limites planétaires

« Il fut un temps où le vivant était la seule réalité ! Mais en attendant que vienne l’âge de la sagesse : par quel extraordinaire pensons-nous avoir le droit d’anéantir des espèces millénaires, alors même que la nôtre se cherche encore ? » Nous voilà repartis bille en tête pour une énième relance et l’espoir d’un retour à la croissance nourrissant inlassablement cette illusion alors qu’il s’agit plutôt d’envisager un nouveau modèle de développement dont est porteur cet ouvrage. Les auteurs montrent qu’il faut changer de perspective, renoncer à vendre du « pas cher et quasi jetable » pour

Les défis du capitalisme. Comprendre l'économie du XXIe siècle.

« … Le capitalisme ? C’est comme le Temps. Si personne ne me le demande, je le sais. Si je veux l’expliquer à qui me le demande, je ne le sais plus. Mais on peut se risquer à l’associer au mot combat ! » L’auteur de cet opus éclectique et serré replace l’économie dans sa nature de science sociale, et en convoque les acteurs majeurs et l’élitisme paradoxal qui l’anime aujourd’hui. Il fouille véritablement en historien et mémorialiste le capitalisme dans sa si longue épopée. Sa manière d’entrer dans le sujet avec ardeur et hauteur va au cœur de la question et des enjeux, pour la clore sur le

« Le frivole et le sérieux » un livre de Michel Clouscard

Michel Clouscard (1928-2009) fut professeur de sociologie à l’Université de Poitiers. Il a développé une critique fondamentalement marxiste du néo-capitalisme et de ce qu’il appelle la social-démocratie libertaire. Il livre sa conception des rapports entre le gauchisme et l’idéologie libérale contemporaine dans un livre « Le frivole et le sérieux » publié voici plus de quarante ans et réédité en 2017 par Delga. On lui avait prédit qu’il serait à la fois boycotté, ridiculisé, stalinisé (on dirait aujourd’hui nazifié) s’il accédait à une certaine notoriété. Il ne l’a jamais vraiment obtenue ce

Puissent assez de politiques s’ouvrir aux réalités du terrain, écouter, comprendre et se muer en hommes d’Etat

C’était il y a quatre ans. J’avais lu avec passion le manuscrit que m’avait passé en confiance Françoise Frisch. Jean-Paul Delevoye, alors président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), n’hésitait pas à cautionner l’ouvrage de Françoise Frisch[1] : « une analyse clairvoyante de notre société et non le duplicata éculé de théories anciennes ». Françoise Frisch n’était pas une quelconque agitatrice. Cette universitaire, créatrice d’entreprise, avait représenté le Medef comme vice-présidente du CESE. Son statut de notable donnait une résonnance particulière à son ouvrage

"Comment meurent les démocraties"

Jean-Claude Hazera recherche ce qui a pu expliquer la fin ou au contraire la résilience des grandes démocraties de l’entre-deux-guerres : fin de la démocratie en Allemagne, en Italie, en Espagne et en France, solidité au contraire des Etats-Unis (le Royaume Uni est absent). La qualité de son style et la pertinence de ses sources rendent sa recherche passionnante et sa thèse convaincante : le premier critère de solidité d’une démocratie est son ancienneté et son principal danger le nationalisme nourri d’humiliations. Deux facteurs essentiels ne viennent qu’ensuite. Le premier est la conjoncture

"Macron par Ricoeur. Le philosophe et le politique"

« Macron par Ricœur », de Pierre -Olivier Monteil, philosophe, chercheur au Fonds Ricœur. Notes de lecture. Pour Monteil, Macron est réellement et fortement inspiré par la pensée de Paul Ricœur. Il a collaboré étroitement avec lui au moment où il rédigeait un livre fondamental « La mémoire, l’Histoire, l’Oubli ». Il lui avait été présenté par un ami et biographe de Paul Ricœur, François Dosse, qui était l’un de ses professeurs à Sciences Po (en 1999). Macron fonde visiblement sa politique sur la philosophie de Ricœur et, ce faisant, la prolonge et la développe, car Ricœur avait l’obsession du

Homo Deus : faut-il avoir peur des algorithmes ?

Sur quels enjeux notre civilisation va-t-elle exercer son pouvoir collectif, non pas à 20 ans, mais à 100 ou 200 ans ? Dans cette perspective longue, Yuval Noah Harari ( Homo Deus, A Brief History of Tomorrow, 2016 pour la version anglaise, 2017 pour la version française à paraître) nous annonce d’emblée que nos trois problèmes historiques, la faim, la maladie et la guerre, peuvent être considérés comme résolus. Sa thèse principale est celle d’une prise de pouvoir par les algorithmes, dont la prochaine Matinale du Club permettra de débattre le 12 septembre grâce à Nozha Boujemaa, spécialiste