Ethique

IA : Normer ou Innover ? L’Europe face à son dilemme

L’intelligence artificielle avance à un rythme que peu de régulateurs, juristes ou gouvernements peuvent suivre. Elle fascine autant qu’elle inquiète. Son autonomie croissante fait craindre un monde où elle évoluerait sans contrôle, jusqu’à des dérives potentiellement destructrices. Face à cette réalité, une question émerge : faut-il réguler avant d’innover ou adapter les règles après coup ? En d’autres termes, doit-on tenter d’encadrer l’inconnu ou laisser l’innovation progresser au risque de ne plus pouvoir la contrôler ? Normer l’inconnu : une illusion ? Il y a ceux qui pensent qu’il faut

Les petites mains de l'IA

La question de l’intelligence artificielle est omniprésente dans les débats contemporains, surtout avec le développement de l’IA générative, qui suscite tout à la fois une certaine fascination face au potentiel inestimable et en même temps de profondes inquiétudes. Il est toutefois un sujet qui, bien qu’étroitement lié au développement de l’IA, ne fait pas la Une de la presse, mais qui est néanmoins occasionnellement évoqué par certains médias depuis quelques mois : les petites mains de l’IA. Le quasi-silence qui règne autour de cette question mérite qu’on s’y intéresse davantage : c’est l

Elon Musk, visionnaire sans scrupules ?

Le 30 janvier 2024, Elon Musk annonce que la société Neuralink [i] dont il est directeur a réussi une implantation neuronale sur un être humain. Il s’agit d’un implant de mille électrodes, positionné dans la région du cerveau qui contrôle les intentions de bouger. Cette expérimentation fait suite à celles qui avaient été conduites sur des singes qui auraient été capables de jouer au jeu de Pong par leur seule activité cérébrale. De telles expériences ne sont pas totalement nouvelles. Synchron, une société américaine spécialisée dans les interfaces cerveau-ordinateur endovasculaires, a annoncé

Fin de vie : suicide assisté, euthanasie, comment concilier dilemmes éthiques et libertés individuelles?

Claudine Bergoignan Esper, professeure des Universités en faculté de droit, spécialiste du droit de la santé, membre de l'Académie de médecine, est intervenue sur ce sujet difficile de la fin de vie devant le Club. Elle a tenu à souligner qu’elle le faisait en son nom personnel, l’Académie de médecine ne s’étant pas encore prononcée. En préambule à son intervention, Claudine Bergoignan Esper fait quelques considérations « générales » sur ce sujet difficile. Pour elle, c’est un sujet grave, que nous devrions tous connaître, « auquel nous devrions tous au moins réfléchir, quel que soit notre âge

Profilage et démocratie sont incompatibles

La France aborde deux campagnes électorales capitales, pour les présidentielles et les législatives. On surveillera beaucoup les temps de paroles et les financements. Surveille-t-on assez ce qui se passe sur les réseaux sociaux ? Sur Facebook et ses filiales ? Sur Google ? Le Club des vigilants a décidé de mettre un accent particulier cette année sur les aspects concrets de la démocratie et sur la puissance excessive des GAFAM, les grands groupes d’internet. La question est au croisement de ces deux thèmes. Un scandale un peu ancien, l’affaire Cambridge Analytica qui date de l’élection de

Rwanda : la mémoire, l’histoire, l’oubli… et le pardon

On a longtemps espéré une « sortie par haut » de la crise mémorielle liée aux responsabilités de la France au Rwanda avant, pendant et après le génocide des Tutsi. Ce fut une longue route. Encore une fois, une génération fut nécessaire pour que des mots cathartiques puissent se dire. Emmanuel Macron avait seize ans au moment des faits. Dans une séquence en trois temps ─le rapport Duclert, son discours depuis le mémorial de Gisozi et la réponse de Paul Kagamé─ le président français a réussi la sortie par le haut. Il l’a faite sous le patronage, et avec les mots, de Paul Ricoeur dont il

Crise de la jeunesse, quelques sujets qui fâchent.

La jeunesse paie un lourd tribut à la pandémie qui, là comme ailleurs, révèle des problèmes qui la précédaient. La classe politique s’en empare pour une inévitable polarisation. Concours de déploration face aux témoignages de détresse et dyptique partisan se mettent en place avec précision : prêt remboursable à taux zéro (un endettement immoral pour les uns), contre RSA à 18 ans (une culture d’assistanat pour les autres), on est en terrain connu. L’idéologie est le carburant du capital politique, elle résout rarement les difficultés. Alors descendons d’un cran pour voir quelques sujets, très

Le libéralisme actuel est-il antilibéral ?

De premier abord, la question a de quoi choquer. Comment oser qualifier d’antilibéral un système économique qui s’est imposé dans le monde entier comme une référence universelle, prônant la libre concurrence et la dérégulation des marchés financiers, en un mot libérant totalement l’économie mondiale de tout contrôle jusqu’à permettre à cette dernière de s’octroyer les pleins pouvoirs ? Et pourtant, si l’on fait l’effort de se replonger dans les origines de cette pensée libérale, la question prend tout son sens … Aux origines de la pensée libérale Historiquement, le libéralisme est une doctrine

Comment sauver le libéralisme ?

Comment sauver le libéralisme ? À cette ambitieuse question, Bernard Esambert, ancien président du Club des vigilants, dont nous avions évoqué dernièrement le ciné-portrait, propose une réponse non moins ambitieuse : il faut introduire ou réintroduire de l’éthique dans le comportement des agents économiques et notamment des riches et des puissants. La quatrième de couverture du livre que vient de publier la Fondation éthique et économie sous sa direction commence ainsi : « L’économie d’aujourd’hui n’est-elle pas un défi aux valeurs de justice et de respect de la dignité humaine ? L’économie

Laurence Devillers : Quelle éthique pour vivre en bonne intelligence avec les machines douées d’IA ?

En 1990 Paul Ricoeur définissait l’éthique comme « une discipline philosophique pratique et normative visant à indiquer comment les êtres humains doivent se comporter envers ce et ceux qui les entourent ». Laurence Devillers (chercheuse au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (Limsi-CNRS) et professeure en informatique appliquée et intelligence artificielle à Sorbonne Université) explore depuis plus de vingt ans les interactions entre humains et machines et souligne en introduction à son intervention au Club combien l’éthique est un processus dynamique