François de Closets : « La France est engagée dans un scénario inexorable, sauf si..."

« La France à quitte ou double » (Fayard, 2015), tel est le titre du dernier ouvrage de François de Closets, vieil ami du Club, venu dialoguer lors d’une Matinale qui s’est tenue le 28 mai dernier. On ne présente plus François de Closets, journaliste de presse écrite et de télévision, éditorialiste, écrivain fécond (il a publié plus de 20 essais, dont la plupart sont des best-sellers) qui s’est beaucoup intéressé à la science, à l’économie, à la société française. François de Closets est venu nous alerter : « La France est engagée dans un scénario inexorable ». Quelles sont les forces qui, selon lui, déterminent ce destin fatal ?

La première force est notre incapacité à maîtriser les finances publiques : nous vivons depuis 40 ans dans une situation de déficit. Déficit budgétaire, mais également déficit politique : « plus les gens parlent de développement durable, plus ils préconisent des solutions financières non durables », « laisser à nos enfants des dettes insoutenables est aussi scandaleux que de laisser une nature dévastée ». Il le martèle : « notre déficit est ancré dans la faiblesse du politique ». Il relève que la vision politique ne dépasse pas les échéances électorales. La deuxième force est le paritarisme, système qui garantit que les réformes ne se feront jamais, les partenaires ayant intérêt à conserver le statut quo. Il faut donc casser ce système. La troisième force est la déconstruction de l’identité française par les intellectuels : « à Saint-Germain-des-Prés, on décide que n’importe qui fraîchement arrivé connaît la France… ». Ce sont les catégories les plus fragiles, celles pour lesquelles cette identité française est la plus importante, qui en souffrent. Or l’immigration actuelle a changé : elle prétend « attaquer l’identité française par le bas ». Il n’hésite pas à prédire que « la conjonction de la crise financière et de la montée du populisme va conduire à la prise de pouvoir par l’extrême droite ». Il faut donc renouveler l’offre politique ou… s’attendre au pire. Mais ajoute-t-il : « du pire on ne peut être sûr, du meilleur il n’est pas interdit d’espérer ». Le débat s’ouvre alors autour de questions telles que : faut-il un gouvernement de Salut Public ? La solution peut/doit-elle venir du bas, des pouvoirs locaux ? Comment « décrocher » l’horizon politique des échéances électorales ? Faut-il imposer le capital pour capter une partie de l’accroissement des stocks de valeur ? Quel devenir pour l’Europe après la décision de la Grande-Bretagne de lancer un référendum sur son appartenance ? Faut-il une Europe fédérale ? Comment résorber le chômage de masse ? Faut-il un homme providentiel (comme l’était le Général de Gaulle) ? Son message étant plutôt pessimiste, que pense-t-il de délivrer un message optimiste ? Ne faut-il pas remettre en cause le mythe d’une chaîne de valeur mondiale ? Ne serait-il pas judicieux d’encourager des monnaies « relatives » ? Pour retrouver des marges de manœuvre financières François de Closets est partisan d’un « impôt forcé » de 10% sur tous les patrimoines supérieurs à 100K€, même si elle risque de pénaliser la classe moyenne et les seniors. Il estime que le quinquennat est une mauvaise réforme (une « imbécilité »), la seule solution raisonnable étant un « septennat non renouvelable » pour sortir du cout-termisme. Face à la mondialisation, il relève que la responsabilité d’un gouvernement est de retenir et d’attirer la richesse dans son territoire. Or, malgré son attractivité, « la France se vide de sa richesse intellectuelle ». La mondialisation de la finance et des transports remet en cause l’équilibre antérieur où notre richesse reposait sur l’« exploitation des 2/3 du monde ». De ce fait « nous n’échapperons pas à une diminution de nos revenus ». En même temps « nous ne pouvons pas continuer à avoir 500 000 emplois qui ne trouvent pas preneurs ». Situation dont il estime qu’elle met en cause l’Education Nationale qui « méprise l’apprentissage ». Face au chômage de masse il prône de retarder l’âge de la retraite, d’abaisser le coût du travail non qualifié, de revitaliser l’artisanat. François de Closets pointe du doigt une « conspiration contre les sociétés de moins de 300 personnes », du fait du paritarisme. Il cite la complexité des comptes formation et pénibilité, ingérables par les petites structures. Il « faut redonner confiance et visibilité aux vrais acteurs ». Il estime le système de la monnaie unique trop rigide et redoute qu’il ne soit pas soutenable. « On a fait une connerie de passer de la monnaie commune à la monnaie unique ». Il préconise de distinguer entre les « monnaies de compte » et les « monnaies vernaculaires ». « Lorsque le doute sur l’Euro viendra on verra apparaître des monnaies alternatives ». Il réaffirme que « l’Etat s’est dessaisi de toute capacité de réformer le pays au profit des partenaires sociaux ». Ce qui nécessitera un « gouvernement de Salut Public » pour procéder aux réformes nécessaires. François de Closets est critique à l’égard de l’Europe : il y a « trop d’Europe là où il n’y en a pas besoin (exemple : la Cour Européenne des Droits de l’Homme) et pas assez là où il y en a besoin (exemple : la coordination économique et politique) » : « on n’a pas besoin d’Europe pour plus de justice, plus de subventions ». Enfin il ne croit pas à l’homme providentiel, rappelant l’apostrophe de Bertold Brecht : « Malheur aux peuples qui ont besoin de héros » et estimant que, lorsque les circonstances l’exigeront, la société française saura trouver une nouvelle route.  

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Commentaires

Magnifique François de Closets qui ne se fatigue pas de dire ce qu'il voit (qualité très rare chez les intellectuels) depuis trente ans. L'alliance du libéralisme égoiste et du libertarisme est en effet mortelle pour l'Europe (qui n'est plus que technicienne et comptable : où sont les politiques?) et la France( qui s'est effeuillée aux trois quart sous nos yeux). Nous devons être capable d'un mai 68 à l'envers qui déconstruira la déconstruction.

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