Une Europe qui reste le cadre le plus abouti pour la défense des droits et des libertés individuelles, une Europe à laquelle les peuples sont plus attachés qu'on ne le croit, une Europe qui a su se montrer résiliente face aux crises et qui s'est adaptée, une Europe qu'on pourrait facilement rendre plus démocratique et plus efficace dans sa prise de décision, voilà en substance le message que nous a délivré Guillaume Klossa1, lors de son intervention dans une Matinale du Club.
L'Europe, rappelle Guillaume Klossa en préambule, s'est surtout construite autour de « droits fondamentaux » (dignité de la personne humaine, refus de la peine de mort, respect de la vie privée,...), traduits dans la Convention Européenne des Droits de l'Homme et appliqués partout dans l'Union (y compris dans les pays gouvernés par des dirigeants aux convictions démocratiques douteuses, tels que la Hongrie).
Et, contrairement à l'apparent désintérêt perçu chez nous, l'adhésion des citoyens à l'Union (mesurée par les eurobaromètres2) n'a jamais été aussi forte : ils se sentent européens avec un taux d’attachement jamais atteint auparavant (de l'ordre de 77%), même dans l'Italie populiste, où l'adhésion au projet européen a gagné 12 points. Seule la France ferait exception, victime d'un « biais » que Guillaume Klossa explique par le fait que notre pays aurait tendance à projeter sur l'Europe ses propres angoisses et frustrations. De plus, la France serait le « mauvais élève » qui ne respecte pas les règles (déficits publics notamment). Que penser de l'absence d'Europe dans le grand débat actuel ?
Quel monde les européens veulent-ils pour demain ? Comment veulent-ils y aller ? Telles sont les deux questions clés, selon Guillaume Klossa, qui souligne le désir extraordinaire qu'ont les gens de contribuer à la création de leur histoire. Il faut donc « inventer » une démocratie participative, complétant la démocratie représentative à laquelle lui-même est très attaché. Civico Europa a lancé, à titre expérimental, une consultation citoyenne transnationale (Weeuropeans.eu) dont les résultats seront rendus publics le 22 mars prochain devant le Parlement européen. Nous sommes tous invités à y participer.
Le Brexit ? Guillaume Klossa l'explique par ce qu'il appelle la « crise identitaire » du Royaume-Uni qui a vu les fondements de son identité (monarchie, commonwealth, Parlement, religion d'Etat, force des médias, insularité) fortement remis en cause à partir des années 1930. A quoi s'ajoute un travail de sape du groupe de presse Murdoch de tout temps opposé à l'Union. Il n'exclut pas, et même appelle de ses vœux, un retour du Royaume-Uni dans le giron de l'Europe, une fois cette crise purgée.
Selon lui, cet épisode dramatique a soudé l'Union, lui faisant prendre conscience qu'elle était mortelle, et a fait remonter partout le sentiment d'adhésion mesuré par l'eurobaromètre. Il a également permis l'émergence d'une défense européenne commune ainsi qu'un programme européen de recherche et d'innovation (Horizon 2020).
La principale source de progrès, aux yeux de Guillaume Klossa, résiderait dans l'amélioration de la gouvernance. Nul besoin de nouveaux traités pour cela : à l'instar de ce qui existait à l'époque de Jacques Delors, une équipe d'une cinquantaine de personnes chargée de donner au Conseil une vision commune des sujets et de rechercher les points de convergence possible entre pays membres, permettrait d'accroître l'efficacité de la prise de décision. Car, selon lui, « ça ne serait pas acceptable dans une entreprise d'avoir un board qui fonctionne de cette manière là ».
Dans le même registre, il évoque sa proposition de création d'un groupe d'experts ayant pour mission d'éclairer les enjeux et d'apporter une vision commune sur les questions migratoires.
Enfin, Guillaume Klossa nous alerte sur le manque de pro-activité de l'Europe face aux menaces sur la pluralité de l'information et la fuite des données personnelles : le controversé Cloud Act promulgué en 2018 par les Etats-Unis, contrevient au récent RGPD, sans que l'Union ne semble s'en émouvoir.
1 Guillaume Klossa est fondateur du think tank Europanova (www.europanova.eu), co-fondateur et président de civico.eu (association qui vise à donner une nouvelle impulsion au projet européen et, plus particulièrement, à la démocratie et à la citoyenneté), auteur de « Europe, la dernière chance » (Armand Colin) en 2011, « Une jeunesse européenne » (Grasset) en 2014 et « Media for good » (Débats publics édition) en janvier 2019. Il a dirigé l'UER (Union Européenne de Radio-télévision).
Nommé en novembre dernier conseiller spécial de la Commission européenne pour les affaires numériques, il a quelques mois, d'ici aux élections européennes, pour remettre un rapport sur « les défis et opportunités pour l'Europe en matière de technologies clefs ».
2 L'Eurobaromètre est un ensemble d'études menées au sein de l'Union européenne
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