L’Europe affronte un sérieux dilemme : comment se défendre elle-même en défendant l’Ukraine alors que ses moyens sont limités. Une arme me semble trop absente des réflexions : la mobilisation populaire.
Reprenons. L’agression de la Russie contre l’Ukraine est lourde de menaces contre les États membres de l’Union européenne et les États européens membres de l’OTAN qui sont en grande partie les mêmes. À commencer par les plus proches géographiquement de la Russie. L’Ukraine a du mal à contenir l’ennemi faute d’une aide suffisamment abondante et rapide. La réélection de Trump à la présidence des Etats-Unis est un risque à prendre très au sérieux. Le futur candidat républicain a déjà fait des déclarations indiquant que les Etats-Unis dirigés par lui ne se sentiraient pas tenus de défendre l’Europe contre la Russie dans le cadre de l’OTAN. Merci pour votre franchise, Mr Trump. C’est dans les crises majeures que l’Union Européenne montre sa solidité et sa force. Mais encore ? L’Europe risque de se retrouver bien seule. Que faire ? Le président de la République a tenté de créer une sorte d’électrochoc en évoquant l’envoi de troupes d’appui des pays de l’OTAN en Ukraine ce qui a suscité les réactions peu enthousiastes que l’on sait.
Au sein du Club des Vigilants deux lignes s’expriment qui recoupent sans doute celles qui traversent la société française.
Philippe Bois, ancien président du club, a développé dans de très nombreuses alertes lisibles sur le site du Club, l’idée qu’il est vital pour l’Europe de contribuer à une défaite sans ambiguïté de la Russie.
J’ai lancé le sujet il y a quelques temps dans une discussion informelle entre membres du Club. J’ai été intéressé et surpris par l’ampleur des réactions plutôt attentistes et hostiles à toute logique d’économie de guerre. En résumant outrageusement : « Ne nous laissons pas berner par les marchands de canons et notamment par le célèbre complexe militaro-industriel américain qui n’attend qu’une occasion de vendre des armes aux pays européens, sommés par les Etats-Unis et notamment par Trump d’atteindre les 2% de leur PIB en dépenses militaires fixés comme objectif par l’OTAN » (la France s’en rapproche).
Si elle ne peut pas/ne veut pas produire plus d’armes l’Europe pourrait-elle au moins prendre de grandes initiatives diplomatiques pour tenter de mettre fin au conflit ? Non me dit-on. Toute initiative de ce genre ne venant pas de l’Ukraine elle-même serait en ce moment considérée comme une trahison et un lâchage. Objection sérieuse.
Donc, on ne fait rien ? On attend et on espère, au mieux, un front gelé ?
On oublie peut-être trop un facteur (une arme ?) : les Européens. Les sondages et autres baromètres semblent nous dire qu’ils sont encore majoritairement favorables au soutien à l’Ukraine mais que ce soutien décline plutôt. Usure du temps, découragement, attention détournée par d’autres conflits,…
Tout ce qui se dit et se fait semble très loin d’eux dans des sommets européens et internationaux. On y brasse les dizaines de milliards dont celui qui me vend un journal tous les matins ne sait plus très bien s’ils sont européens ou nationaux.
Sans aller jusqu’à la conscription généralisée et à la levée en masse, que les armées auraient bien du mal à gérer j’imagine, ne peut-on rien faire pour impliquer/mobiliser les citoyens ?
Sans aucune expertise de la chose militaire je pense à trois pistes, mais il y en a certainement d’autres :
- Les emprunts « populaires ». Une partie au moins des milliards d’euro empruntés par l’Union européenne ou par ses états membres pour aider l’Ukraine ne pourraient-ils pas être proposés directement à la souscription des particuliers ? Avec la publicité qui accompagne ce genre d’opérations financières. C’est vieillot, contraire à l’intermédiation généralisée dans laquelle vit l’épargnant d’aujourd’hui, mais ne serait-ce pas un peu mobilisateur ?
- La réserve. J’ai l’occasion de côtoyer au sein d’une formidable organisation de bénévoles que sont les Sauveteurs en mer d’anciens militaires, dont les qualités me semblent une ressource évidente pour une nation menacée. Dans cet univers maritime je découvre d’ailleurs que la Marine nationale lance des « flottilles côtières » qui permettraient à des « réservistes opérationnels » armant de petits bateaux transportables par la route d’assurer au moins une présence et une surveillance le long de côtes qu’elle n’est pas en état de surveiller dans leur totalité. Parle-t-on assez de la réserve ? Peut-on imaginer, pour aller au-delà, que des civils sans formation militaire particulière puissent devenir réservistes, au moins pour des fonctions soutien ? Qui connait la « réserve citoyenne de défense et de sécurité » ? Quelle est sa réalité ? Est-elle suffisamment mise en valeur ?
- La préparation des civils. Au début de l’invasion russe on a beaucoup mis en avant la capacité de la société ukrainienne à s’organiser mais aussi à aider, renseigner, etc.
Si le pire devait arriver que faire, comment se conduire ? On pourrait sans doute commencer par l’éducation au repérage des manipulations de propagande sur les réseaux. Une autre piste est me semble-t-il l’incitation à s’organiser entre voisins qui est également une force pour affronter les cataclysmes civils, notamment climatiques. Comment améliorer la résilience de la société civile ?
Il y a certainement des sources d’inspiration à rechercher dans les autres pays européens.
Évidemment cette mobilisation de l’arrière ne remplacerait pas les combattants, les canons et les obus. Évidemment ces appels courent le risque de recueillir peu d’adhésion. Mais, qui ne tente rien… La mobilisation des Européens pour accueillir les réfugiés ukrainiens a plutôt favorablement surpris.
Il y aurait au moins, dans ces mobilisations volontaires, une « posture », une réponse « qui aurait du sens » d’un ensemble de pays démocratiques à un Empire, qu’on ne voit pas trop mobiliser sur la base du volontariat.
Qu’en pensez-vous citoyens ?
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