L’éco terrorisme n’est à ce jour qu’un fantasme de services secrets recyclé par Gérard Darmanin, ministre de l’Intérieur qui a enfin réussi à attacher son nom à la « dissolution » des Soulèvements de la terre. On peut déplorer – je déplore- les violences auxquelles peuvent donner lieu certains combats des écologistes, notamment la manifestation contre les bassines de rétention d’eau de Sainte Soline. Pour autant ce n’est pas du terrorisme au sens où tout le monde l’entend : conspiration, attentats meurtriers, destructions importantes. Si terrorisme il y a chez certains et certaines écologistes qui se sentent fortement légitimés par l’urgence de la situation climatique c’est du terrorisme intellectuel qui rappelle aux moins jeunes des ambiances de mai 68.
Hélas cet abus de langage d’un homme politique qui ne pense manifestement qu’à sa propre carrière (je respecte beaucoup par ailleurs la noblesse et l’utilité de l’engagement politique) a trois effets négatifs, un hypothétique, deux certains.
D’abord, à force d’alerter sur un terrorisme qui n’existe pas on peut craindre que le ministre finisse par susciter de vraies vocations de terroristes chez des jeunes en quête d’idéal et de combats. Plus généralement il alimente la pompe fatale : la répression nourrit la radicalisation qui nourrit la répression etc.
Ensuite on découvre que la parole ministérielle justifie les pires dérapages policiers. C’est l’anti-terrorisme qui traite des cas de militants écologistes interpellés avec des gardes à vue prolongées à 96 heures ! Je recommande, à ce propos, l’audition ou la lecture de la chronique de Clément Viktorovitch, le 25 juin sur France Info (voir lien en fin d’alerte). Au passage, cette utilisation abusive de la législation anti-terroriste nous dit que nous aurions dû avoir le courage de nous dresser contre toutes les atteintes aux libertés au nom de la lutte contre le terrorisme dès le début, sous la présidence de François Hollande.
Enfin cette focalisation sur un fantasme (pour le moment…) détourne notre attention de la réalité des luttes écologistes et des prémices d’éco guerres civiles qui se profilent en France (peut-être ailleurs aussi) et pourraient donner lieu assez vite à des dérapages. Je m’explique. Quand les écologistes utilisent astucieusement la technologie pour pister les déplacements en jet privé des super riches et des stars ils interfèrent dans leur vie privée, mais de loin. Descendons à une échelle plus locale, celle d’un quotidien régional breton. Dans les dernières semaines il y a eu au moins deux manifestations contre des escales de navires de croisières (eh oui, il y en a en Bretagne aussi). Pas des manifestations devant la mairie, des manifestations en face à face contre les « croisiéristes » que l’on débarquait pour visiter Douarnenez ou Lorient. Ailleurs on entend parler de militants/es qui dégonflent les pneus des SUV. Imaginons que le propriétaire un peu énervé arrive à ce moment… Car en face, ceux qui s’estiment menacés par les écologistes viennent de la même manière au contact. Lors des dernières actions revendicatives des marins pêcheurs cet hiver ils s’en sont pris, entre autres, à l’organisation écologiste Sea Shepherd. Pas par des mots, pas par une manifestation devant le siège social. Non, par un rassemblement de gros bras devant le domicile de la présidente « pour causer ».
Nous sommes dans une époque où la violence des échanges sur les réseaux sociaux finit par se traduire dans la réalité. On ne prend plus rendez-vous avec son maire, à son bureau, pour lui expliquer son problème. On le gifle dans la rue.
Ces effets politiques, mineurs pour le moment, d’une urgence écologique majeure pourraient assez vite se transformer en cocktail détonnant si on n’y prend garde.
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