Daesh, arme de construction massive ?

Le Président Hollande vient d’annoncer que la France allait effectuer « des vols de reconnaissance » pour « permettre des frappes contre Daesh ». Tout en excluant une intervention au sol. Nos deux derniers présidents se sont beaucoup plu à jouer les chefs de guerre. Avec, d’ailleurs (et ceci n’est certainement pas étranger à cela), une reconnaissance certaine de l’opinion publique (bien « travaillée » par les médias) et, plus surprenant, de la classe politique dans son ensemble. Pourquoi donc s’en priver ? Frapper Daesh, soit. Mais pour quoi faire ? Avec quelle légitimité ? Daesh menace-t-il notre pays directement ? Dispose-t-il, lui aussi, d’« armes de destruction massive » ?

Certes, on ne peut qu’être horrifié par les massacres et les exactions qu'ils commettent sur les territoires qu’ils ont conquis. Mais nous sommes-nous levés à chaque fois que de tels actes étaient commis (par les Khmers rouges, les Hutus, au Darfour, etc.) ? Certes des djihadistes formés en Syrie nous menacent directement, chez nous, à leur retour. Mais ils ne sont « que » quelques centaines et nos services secrets les connaissent bien (les auteurs des attentats contre Charlie, l’hypercasher et, plus récemment le Thalys étaient identifiés et fichés comme dangereux). Ne serait-il pas plus efficace, et infiniment moins coûteux qu’une guerre, de les pister sans relâche pour les empêcher de nuire ? Voire de les intercepter préventivement et, quitte à faire quelques entorses à notre droit, les assigner à résidence en les surveillant nuit et jour ? Nous n’avons ni la vocation ni les moyens de faire la police dans le monde. Daesh menace directement la Syrie (où règne un dictateur qui n’a pas grand-chose à leur envier en matière de sauvagerie et qu’on espérait bien faire tomber il n’y a pas si longtemps) et l’Irak (où notre action militaire a détruit la dictature en place pour y installer un régime corrompu et incapable de reconstruire le pays). Voire, à plus long terme, leurs voisins arabes (pétromonarchies du golfe). Laissons ces pays faire leur propre police dans leur région. Aidons-les lorsqu’ils nous le demandent, conformément aux accords de défense que nous avons passés avec eux. Je ne sache pas qu’ils aient manifesté la moindre intention de s’engager dans ce combat. De grâce, n’ouvrons pas, de notre propre chef, un nouveau front qui risque fort d’être compris comme une croisade Chrétienté contre Islam (fut-il extrémiste). Et de nous valoir des retours de flamme douloureux sous forme d’attentats inspirés ou fomentés par ceux que nous combattons. Ou alors, si nous y allons, allons-y vraiment : par exemple en montant une coalition incluant obligatoirement les pays arabes de la région, avec une armée en mesure de réellement détruire cet « Etat » malfaisant. Et en en assumant le coût humain et financier. En bref faisons de la diplomatie avant d'envoyer nos avions de chasse. Personne, pas même le Président Hollande, ne peut croire que quelques frappes aériennes suffiront à éradiquer Daesh. Alors, attaquer Daesh dans ces conditions, ne serait-ce pas plutôt une « arme de construction massive » de popularité ?  

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Commentaires

Merci Bernard pour cette "vision".
Personne, en effet ne peut distinguer, dans la décision de François Hollande, la part de courage politique et la part de démagogie éléctorale. Pas plus qu'il n'a été possible de déterminer les mêmes parts quand Nicolas Sarkozy a décidé que la France abattrait Khadafi.

La coalition contre Daech existe, mais les coalisés pataugent tellement sur leurs objectifs que cette coalition est paralysée. Les intérêts des parties en action contre Daech sont un écheveau inextricable, à commencer par l'affrontement absurde mais tenace entre Chiites et Sunnites.

Alors quoi faire ? Tenir la position "casques bleus", c'est à dire ne pas attaquer Daech parce que cela favorise Bachar ? La diplomatie est la moins mauvaise solution, à condition qu'elle marche. Avec Hitler, ça n'a pas marché. Heureusement que Roosevelt a engagé en 1941 les USA pour abattre Hitler, alors que son opinion publique était très majoritairement isolationiste.
Je suis d'accord avec toi, ce ne sont pas des frappes aériennes toutes seules qui viendront à bout de Daech. Mais une détermination politique appuyée par une action militaire musclée peut faire bouger les choses et transformer l'alliance actuelle contre Daech, totalement inefficace, en organisation pragmatique. La diplomatie est bien à l'oeuvre, mais en coulisse, car l'opinion publique n'aide jamais la vraie diplomatie.

La volatilité de l'opinion est grande.

La preuve en est avec les derniers sondages qui montrent que les français sont d'une part de plus en plus favorable a une intervention au sol et de l'autre favorable à une certaine fermeture de nos frontières.

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