Dès le début de sa grande émission à la télévision, le soir du 23 mars, François Fillon a fustigé le projet de son concurrent Emmanuel Macron qui veut rétablir un service militaire d’un mois. La durée lui semblant ridiculement brève, il a résumé son propos en lançant : un mois, c’est un mois de « colonie de vacances » et un mois coûteux. L’attaque est d’autant plus étonnante qu’elle vient d’un des parlementaires les plus compétents en matière de défense – j’en suis témoin – de la Ve République. François Fillon qui a effectué un excellent service militaire ne peut pas avoir oublié que, de son temps, la formation militaire (les « Classes ») ne durait que six semaines.
Des jeunes soldats étaient formés en moins d’un mois.
À l’issue de cette période, le jeune soldat était présenté au drapeau et déclaré apte à prendre la garde devant un dépôt de munitions, un parking avion ou une soute à essence. Il était aussi, bien entendu, considéré comme suffisamment formé pour aller effectuer des patrouilles en ville, très semblables aux patrouilles effectuées aujourd’hui dans le cadre de l’opération « sentinelle ». Évidemment, six semaines c’est nettement plus qu’un mois. Mais il importe de se souvenir que les six semaines de classes étaient, en grande partie, occupées par l’apprentissage de la marche au pas cadencé et au maniement des armes pour faire bonne figure pendant le défilé lors de la présentation au drapeau devant le colonel. Si l’on enlève toutes les séances peu opérationnelles des classes d’antan on s’aperçoit que les jeunes soldats étaient formés en moins d’un mois. S’il s’agissait de former des combattants aptes à guerroyer outre-mer cette durée serait bien sûr très insuffisante mais il ne s’agit pas de cela. Aujourd’hui le besoin est d’avoir des réservistes – ou Gardes Nationaux – aptes à protéger les multiples points sensibles qui parsèment la France : usines chimiques, relais de transmissions, centres de transformation électriques, barrages… Pour ce faire, nul n’est besoin d’avoir blanchi de nombreux mois sous les plis du drapeau.
Le danger de ne plus avoir de réservistes
Depuis la suppression du service militaire à la fin du siècle dernier, le problème le plus angoissant en matière de défense est l’absence quasi-totale de forces de réserve susceptibles de compléter les effectifs de l’armée d’active en cas de crise majeure. Certes, Hitler et Staline sont morts et nous ne risquons plus de voir de divisions blindées déferler à travers les plaines champenoises, mais la menace terroriste est bien présente. Il ne faut pas exagérer cette menace. Il ne faut pas oublier que tous les morts des attentats du 13 novembre 2015 à Paris ne représentent que le centième des pertes d’une seule journée d’août 1914. Cette menace n’en demeure pas moins sérieuse et même susceptible de s’aggraver. Si, dans les prochains mois, a lieu un attentat contre une usine chimique, le jour même le gouvernement voudra garder toutes les usines chimiques. Si quelques jours plus tard un centre de transformation d’Edf est détruit, si un relais de transmission est attaqué, si un barrage… Tous ces sites névralgiques et bien d’autres encore devront alors être protégés. Avec qui ? Nous n’avons que quelques dizaines de milliers de réservistes souvent plus très jeunes et souvent prévus pour d’autres tâches, en particulier dans la gendarmerie. Il est clair que les augmentations d’effectifs de réserve prévus par le gouvernement de François Hollande, inférieures à 20 000 hommes et femmes, ne pourront absolument pas suffire en cas de crise terroriste majeure.
Une mise en place difficile
Le projet d’Emmanuel Macron ne sera certainement pas facile à mettre en œuvre, car il faudra trouver les personnels d’encadrement et les lieux d’hébergement nécessaires pour plus de 600 000 hommes et femmes chaque année. 50 000 conscrits par mois cela peut sembler faible par rapport aux effectifs recrutés et utilisés pendant de nombreux mois – voire plusieurs années - au XXe siècle. Mais, la plupart des locaux d’accueil ont été abandonnés depuis des lustres et les effectifs d’active ont été régulièrement réduits (toute l’armée de Terre, ou presque, dans un stade de foot !) alors que les Opérations extérieures contre les djihadistes se multiplient. Dans ces conditions, le projet phare d’Emmanuel Macron sera difficile à mettre… en marche. Très difficile même. Surtout dans un premier temps quand il n’y aura pas encore de réservistes en nombre suffisant pour encadrer les recrues.
Nous devons nous adapter
Mais difficile ne veut pas dire impossible. Si la volonté politique est suffisamment forte et suffisamment durable nous aurons dans quelques années les réservistes -ou Gardes Nationaux- nécessaires pour faire face honorablement à des attaques terroristes multiples. Depuis des millénaires, la plupart des batailles perdues l’ont été faute de réserves. La bataille contre le terrorisme ne peut faire exception. L’important comme le répétait sans cesse le général de Gaulle est de « s’adapter aux circonstances ».
Texte également publié dans La Croix
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