Le progrès à quoi bon ?

070416-TGV.jpgDeux informations a priori sans rapport ont ouvert les journaux télévisés du 4 mars 2007 : le record de vitesse du TGV à près de 575 km/h et, par ailleurs, les 9 enfants de maternelle qui ont eu droit à de l’eau et du pain en guise de repas à leur cantine. Deux images de la France d’aujourd’hui qui auraient pu finalement se dérouler dans la plupart des pays développés.

Que retiendront les historiens dans quelques siècles de notre civilisation ? Probablement que toutes les technologies y auront vu le jour, du moins dans leur forme basique. En un siècle, nous avons créé l’automobile, l’avion, le train, les fusées, la radio, la télévision, l’informatique, Internet et je passe sur tous les progrès médicaux. Ceci nous a permis d’atteindre des taux de croissance jamais rencontrés dans toute l’histoire de l’humanité. Et pour en faire quoi ?

La misère concerne un habitant de notre planète sur deux, la pauvreté s’installe dans les pays les plus riches et le léger mieux que l'on nous promet (Cf. les objectifs du millénaire pour le développement) est toujours renvoyé aux calendes grecques. C’est bel et bien là le plus grand échec des politiques du monde entier : n’avoir pas su profité d’une période particulièrement favorable pour mettre en place un système équitable où tout le monde a sa chance et sa place.

Nous savons faire des trains rapides ? Tant mieux, cela nous permet de ne pas voir la misère qui reste à quai.

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Commentaires

Tout compte fait, le propre de l'Homme a toujours été d'établir des records lui permettant de se valoriser, de se surpasser voire peut-être plus simplement de donner un sens à son existence. La résolution de ces défis techniques est chronophage (sans même évoquer les budgets associés) et passionne beaucoup. Cela peut parfois suffir à justifier leur existence.

Des ingénieurs et chercheurs qui "planchent" dessus des années durant aux dirigeants et politiques ayant initié ledit projet, tout le monde est satisfait lorsqu'une découverte est faite, lorsqu'une invention ou un nouveau record voit le jour. Cela entraîne également la fascination du public et plus précisément des citoyens appartenant au pays, par un phénomène d'identification et de satisfaction partagée.

Les grands projets sont toujours fascinants, il ne faut pas le nier : les fusées Arianne ou le Concorde il n'y a pas si longtemps, et plus récemment le viaduc de Millau, le projet ITER ou l'A380 continuent à faire rêver une majorité des français, et au fond les rassure d'une certaine manière en montrant que la France, malgré la conjoncture et tout ce qui se dit notamment à l'étranger sur la perte de vitesse de leur nation est peut-être à relativiser. Un peu de strass dans leur quotidien morose...

Il y a cependant parfois des exemples contradictoires : La conjoncture de Pointcarré a été démontrée récemment par l'excentrique mathématicien russe Grisha Perelman. Il n'a pas réalisé cela pour la gloire ni pour son aura, mais par simple goût de sa discipline, refusant d'ailleurs la médaille Fields (équivalent du prix Nobel pour les mathématiques) ainsi que le million de dollars promis par la fondation Clay pour une telle découverte. Cela suscitera l'admiration de son entourage, mais ne sera pas médiatisé comme il se doit car cette nouvelle est moins "glamour" qu'un record de vitesse en TGV !

Quant aux problèmes de ce monde, des pandémies aux guerres intestines et des problèmes de famine aux états totalitaires et verrouillés, le propre de l'Homme est tel qu'il préfèrera souvent se voiler la face, en rêvant au dernier voyage sur la Lune et au prochain vers Mars. Le rêve fait vivre et permet de subsister pour (malheureusement) un bon nombre de nos concitoyens. Le succès de la presse dite "people" (voire "pipole", si l'on en croit certaines affiches) en est un exemple frappant et désolant.

Le contraste entre haute technologie industrielle et pauvreté-précarité sera toujours préoccuppant pour qui a le sens de la justice.
Plutôt que d'admirer ou condamner, il faudrait évaluer chaque technologie coûteuse ou projet de grande ampleur selon ces critères :

1. Son utilité pour le grand nombre, dans le pays promoteur ou hôte, et au-delà pour la communauté humaine.

2. Son impact environnemental, sa contribution à la réduction de gaz à effet de serre, à l'hygiène et à la santé publiques.

3. Sa probabilité de rentabilité économique soit le ratio annuel investissement/valeur ajoutée.

4. Sa contribution à un monde apaisé, plus équitable, plus éduqué.

Ce mode d'évaluation, si on veut l'appliquer jusque dans le processus décisionnel, suppose qu'un débat public, honnête et bien renseigné ait lieu. Ce qui implique une volonté politique de transparence, la résistance aux lobbies dont l'influence corruptrice est en général proportionnelle aux sommes engagées...

Selon les 4 critères mentionnés, les projets de voyage vers la lune ou mars, le projet de fusion nucléaire ITER et les programmes militaires relèvent plus du cauchemar que du rêve...
L'information fouillée, la réflexion libre et la mise en perspective, voilà qui nous évitera de "rêver" là où il faudrait critiquer, arbitrer, soutenir ou rejeter.
L'enjeu, c'est de faire exister la démocratie, en vue d'une société de paix, humaniste, moins matérialiste et mercantile.

Certes, le propre de l'homme, cher Bruno, est de se dépasser dans le domaine technique, scientifique... C'est souvent même la condition de sa survie. Mais lorsque ce dépassement de soi occulte complètement cet humain, son semblable qui ne devient comme le dit si bien Marc Ullmann qu'une variable d'ajustement, il y a problème.

Que représentent les records de vitesse, l'homme dans l'espace ou des réalisations grandioses tels que le viaduc de Millau ou le tunnel sous la manche pour les millions de Français (c'est le cas aussi de milliards d'êtres humains sous d'autres cieux) qui n'arrivent pas à se loger, ou mal, pour qui les fins de mois tombent dès le 15 du mois ? Pas grand chose, j'en ai bien peur.

Loin de moi l'idée de taper sur le "progrès". Toutefois, je pense que sa première finalité devrait être d'apporter un plus au plus grand nombre. En cela Thierry Leitz a raison d'énumérer 4 critères à l'aune desquels on évaluerait tout projet d'investissement.

Que je sache, les pays scandinaves sont à la pointe d'un certain nombre d'innovations technologiques. Ce qui ne les empêche pas de faire preuve de volontarisme dans la redistribution et d'innovations sociales dont la qualité majeure est de maintenir la cohésion sociale.

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