Crise de l’agriculture : il faut tenter d’en sortir par le haut !

Salon agricultureLa crise qui touche plusieurs secteurs de l’agriculture (élevages bovin, porcin, production de lait) laisse un sentiment mitigé (cf. l’alerte de Philippe Tixier).
D’une part, 70% de nos compatriotes soutiennent les manifestations (pourtant violentes, parfois même choquantes) où s’expriment la colère et le désespoir d’exploitants qui s’estiment victimes (du gouvernement, de la grande distribution, de l’industrie agro-alimentaire,…).
D’autre part on peut s’interroger sur leur propre responsabilité.

Car cette crise n’est pas nouvelle. Elle plonge ses racines dans l’histoire tumultueuse de la politique agricole commune (PAC) de l’UE.

Sans rentrer dans l’extrême complexité des mécanismes communautaires de cette PAC (dont il faut souligner qu’elle représente plus de 40% du budget de l’UE !), rappelons qu’elle a été mise en place en 1962, avec notamment pour objectif d’accroître la productivité et d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs (face à l’instabilité des marchés).
Il en est résulté un accroissement important de la production, plaçant l’Europe en tête, au niveau mondial, de nombre de productions (céréales, lait, etc.) et une élévation notable (quantitative et qualitative) du niveau de vie des agriculteurs.

Mais, au fil du temps, des polémiques (les « gros chèques » à Albert de Monaco et à la reine d’Angleterre, le tonitruant « I want my money back » de Margareth Thatcher,…), de l’élargissement de l’Union, de la mise en place de l’OMC, les règles ont évolué pour intégrer davantage la durabilité, le développement rural et… la sacro-sainte compétitivité.

Au final, toute cette mécanique d’incitation et de redistribution a poussé les agriculteurs, devenus entre-temps exploitants agricoles (les termes ne sont pas neutres), dans les bras d’une monoculture industrielle où ils ont perdu leur âme et leur identité. C’est sans doute là leur plus grande part de responsabilité : s’être laissé séduire, sans suffisamment de réflexion (on peut aussi incriminer leurs syndicats professionnels), par le loto de l’agro-business : toujours davantage d’investissements et donc de risques, toujours davantage de volume au détriment de la qualité, toujours davantage de pollution et d'appauvrissement des sols.
Or dans la bataille du « low cost », la France, avec son modèle social aux charges élevées, n’a aucune chance, face aux marchés émergents ou aux champions de l’industrie comme l’Allemagne. Et n’aura probablement jamais aucune chance.

Les gouvernements peuvent toujours essayer de calmer temporairement la grogne de leurs exploitants agricoles par des aménagements de charges (et encore, sous l’œil vigilant et sévère de la Commission européenne). Mais à quel prix ? Et pour quel bénéfice réel ou… électoral ?

Alors, ne serait-il pas préférable de réfléchir à une sortie par le haut ? Quelles sont les pistes ?
Certaines ont déjà été largement explorées à grande échelle. On a vu ainsi les viticulteurs du Languedoc-Roussillon se recentrer sur la qualité (rappelez-vous les « piquettes » qu’ils produisaient encore voici quelques années). On ne parle plus de crise de la viticulture.
Ou alors mettre le cap sur l’agriculture bio. Nos concitoyens sont maintenant mûrs pour accepter de payer (un peu) plus cher pour des produits meilleurs à la fois en goût et pour leur santé. Là encore, pas de crise dans l’agriculture bio.
Une autre piste en devenir : l’agriculture qui privilégie les circuits courts. Les acteurs de cette agriculture là ne descendent pas dans la rue pour manifester.
Et sans doute d’autres encore.

Sortir « par le haut » signifie : innover, raisonner en termes de rupture.
Nos « exploitants agricoles » (que, pour ma part, je souhaite voir redevenir des « agriculteurs ») en auront-ils le courage ? Nos « corps constitués » (politiques, hauts fonctionnaires, syndicalistes,…) auront-ils la volonté de les y inciter, de les y aider via des politiques audacieuses ?

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