À quoi pourrait ressembler un agriculteur ouvert à toutes les promesses de la technique ? En particulier à toutes les connaissances nouvelles dont il pourrait bénéficier grâce à l’univers du numérique, aux big data, à la mutualisation de la connaissance sur les réseaux. Il pourrait s’appeler Hervé Pillaud. Le Club des Vigilants l’a reçu le 3 mars à Paris à l’occasion du Salon de l’Agriculture.
Auteur de deux livres, « Agronumericus, Internet est dans le pré » et « Agroéconomicus, Manifeste d’agriculture collabor’active » (Editions la France agricole), il est venu au numérique par l’action syndicale (il est vice-président de la FDSEA de Vendée), la communication (un site, puis une webTV), et une curiosité manifestement assez large. Mais Hervé Pillaud est aussi avant tout un éleveur, les pieds sur terre, à la tête d’une exploitation laitière de 80 hectares avec sa femme.
Les robots, chez lui on n’a rien contre, surtout s’ils peuvent effectuer des tâches ingrates, comme traire les vaches. Quand il pense réseau, il choisit l’image du vol d’étourneaux qui, sans suivre un chef, reste toujours groupé dans ses évolutions les plus acrobatiques sans jamais d’accident. Et quand il rêve robot, il imagine déjà celui qui désherberait brin par brin en séparant les nuisibles des autres herbes. Une sorte de poule intelligente…
D’emblée il se positionne dans les grandes querelles qui divise l’agriculture. Il est productiviste. Parce que la population mondiale augmente. Parce que l’Asie et l’Afrique auront besoin de se nourrir. Parce que la pénurie guette. Parce que les énergies fossiles auront besoin, pense-t-il, du relais des énergies d’origine agricole.
Pour autant il ne pense pas que la productivité agricole doive rester éternellement liée à l’épandage massif d’engrais sur des terres appauvries par la monoculture.
Il ne sait pas exactement de quoi l’avenir sera fait. Mais il est certain que c’est de la connaissance qu’émergera l’agriculture moderne. Connaissance des sols, de la météo, des associations de plantes (permaculture), des maladies et de la manière de les prévenir, des assolements, etc. Cette connaissance viendra autant du partage de l’expérience et des millions de données accumulées (les big data) que des produits innovants. L’internet des objets permettra de surveiller le respect des procédures.
Le défi pour les agriculteurs est d’organiser eux-mêmes la mutualisation de ces expériences plutôt que de se faire revendre la connaissance au prix fort par quelques grandes entreprises géantes du type Monsanto… ou Google… Les technologies de type blockchain (celle qui a été rendue célèbre par le bitcoin) peuvent les y aider dans la mesure où elles permettent de faire circuler de l’information en toute sécurité sans « tiers de confiance », sans « notaire » ou « banquier ». Ces mêmes technologies doivent aider à faire évoluer les circuits de distribution et d’information des consommateurs, même à l’exportation. Elles permettent une traçabilité parfaite. « Le consommateur chinois veut aussi savoir ce qu’il mange », et c’est même une des raisons pour lesquelles il s’intéresse aux produits français (par exemple les laits infantiles).
Plus généralement c’est donc un programme de reprise en main de leur destin par les exploitations familiales que cet optimiste a en tête. Mais pas question que la productivité en pâtisse. Pour lui la ferme des 1000 veaux installée en Creuse ne pose pas les mêmes problèmes que la ferme des 1000 vaches parce qu’elle est « l’œuvre commune de 40 exploitants ».
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