Comme rappelé dans une récente alerte, c’est probablement en Asie que se trouvent les principales menaces d’un conflit militaire majeur, et la Chine est un bon candidat dans le rôle d’allumeur de mèche. D’où l’intérêt d’un article de Brahma Chellaney, auteur de différents livres sur l'Asie, dans le dernier numéro de Time.

Il nous rappelle une guerre oubliée, il y a tout juste 50 ans : pendant 32 jours, la Chine avait envahi l'Inde.

Brahma Chellaney voit dans ce conflit l'application de cinq principes que, selon lui, la Chine utilisera à nouveau dans le futur :

- la surprise, pour commencer la guerre et aussi pour la finir ;

- la concentration rapide des moyens ;

- des frappes à motif "pédagogiques" : la Chine attaque moins pour des raisons politiques que pour donner une leçon : ne menacez pas les intérêts de Pékin à l'avenir ! (Staline avait une théorie voisine quand il citait une phrase sur le vieux cocher qui n’a plus besoin de donner des coups de fouet, parce que son cheval intègre qu’il en est parfaitement capable) ;

- le choix du bon moment : dans le cas du conflit avec l’Inde, il s’agissait de profiter en 1962 de la crise de Cuba qui détournait l'attention, celle du monde en général et celle des deux superpuissances en particulier ;

- l’argument de se défendre : y compris dans ce cas à travers le concept acrobatique de "contre-attaque défensive" ;

- enfin l’audace : les stratèges chinois savent prendre des risques.

Je trouve le dernier point en partie discutable : clairement, les dirigeants chinois savent prendre des risques, mais ce sont des risques calculés et minimaux. Les apparatchiks moulés par 40 ans de parti donnent plutôt le sentiment dans leurs décisions d’une aversion profonde pour le risque. Mais même si j’ai raison, ce n’est pas une raison pour se rassurer :

- ces risques « minimaux » sont sûrement plus importants aujourd’hui, après 30 ans de développement fantastique de la puissance chinoise ;

- et les « calculs » faits sur ces risques peuvent être dramatiquement faux : comme je le dis souvent à propos des méga-banques, et comme cela s’applique bien mieux encore à l’armée chinoise, les très grosses organisations font tôt ou tard de très grosses bêtises.