Pourquoi vais-je suggérer au groupe « Long Terme » du Club des Vigilants de donner un « carton vert » au film du coréen Bong Joon Ho qui vient de sortir à Paris ? Il éclaire je crois notre avenir d’une façon plus pertinente que bien des rapports.
Il nous dit d’abord que nos vrais problèmes (et nos vraies solutions) ne sont pas technologiques mais politiques.
Pas seulement à cause de la situation de départ : en espérant contourner le réchauffement climatique par une solution technologique, les hommes ont provoqué une nouvelle glaciation brutale qui a éteint toute vie sur terre, sauf dans un train spécial qui tourne indéfiniment autour du monde. L’humanité demain se réduit à ce train dans lequel les passagers de l’avant ont tout et ceux de la queue vivent comme des parias : une métaphore transparente d’aujourd’hui. Mais l’histoire du film, celle d’une révolte du prolétariat de la troisième classe, nous dit aussi que cette organisation insupportable a une forte cohérence, qu’elle est préférable au chaos, qu’il est impossible de vivre ensemble dans un espace clos sans règles politiques précises et que les révoltes mêmes peuvent faire partie des règles du jeu.
Ce film nous présente ensuite une description intéressante du nouvel état du monde.
Le film parle anglais mais réunit des acteurs de tous les pays. Il est conçu par un metteur en scène coréen (la Corée donne le ton de façon croissante, et pas seulement avec le gangnan style). Il est tourné en Europe (en République tchèque). Et il est tiré d’une bande dessinée française … passée complètement inaperçue dans notre pays : nous sommes meilleurs pour identifier nos travers que nos pépites ! Il nous dit que la réflexion sur la politique n’est pas l’apanage du vieux monde européen. Et il nous dit que la domination américaine sur le cinéma n’aura probablement qu’un temps, comme toutes les formes de domination : ce film à gros budget n’a pas été conçu d’abord pour le marché américain. Il a enregistré dix millions d’entrée en Corée avant d’arriver en Europe, et ne sera lancé aux Etats-Unis que dans une troisième étape. Il paraît que les producteurs ne savent d’ailleurs pas trop comment le reformater pour un public américain…
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