Pour parvenir à réformer, deux maîtres-mots pour Jean-Paul Bailly, invité du Club le 10 janvier dernier : le dialogue ET la confiance. Et, aussi, le soin accordé à la prise en compte du « temps ». " La légitimité se construit avec le temps " : " cela n’a aucun sens de prendre des décisions à l’avance " comme le font, sous la contrainte médiatique, la plupart des candidats à une élection en édictant un catalogue de mesures en guise de programme. " Cela amène d’abord la polémique et, ensuite cela détruit complètement la confiance quand on se rend compte que la plupart sont inapplicables ".
Ceci donne le ton de la Matinale. Après nous avoir fait partager son expérience de réforme dans deux grandes entreprises qu’il a dirigées pendant près de 20 ans (la RATP et la Poste), et décrites dans son dernier livre Réformez ! Par le dialogue et la confiance (éditions Descartes), les échanges ont naturellement amené les participants à penser, en cette période riche d’incertitudes - et d’espoirs -, que si les « politiques » s’inspiraient des méthodes prônés par ce dirigeant, l’avenir de notre pays s’éclaircirait peut-être…
Le temps, un facteur clef, un allié si on sait l’utiliser
Jean-Paul Bailly insiste longuement en introduction sur l’importance à accorder au « temps ». Et à ses différentes composantes.
La vitesse tout d’abord : il faut savoir quand il faut aller vite et quand il faut aller lentement. Pour lui, c’est dans l’exécution que la rapidité est essentielle. C’est avant qu’on peut (doit ?) prendre du temps.
La chronologie ensuite : il se dit être frappé par le fait que trop souvent, " on n’accorde pas assez d’importance à l’ordre dans lequel on fait les choses ".
Le rythme ensuite. C’est pour lui ce qui est le plus difficile, car il est souvent imposé par l’extérieur. Or le rythme doit être « supporté » (par ceux dont on a besoin pour mettre en œuvre les réformes).
L’anticipation enfin est un facteur clef : il ne s’agit pas de se retrouver au pied du mur. De ce point de vue, la manière dont a été anticipée la mise en place de la ligne 14 du métro parisien, trois ans avant sa mise en service effective, est un bon exemple. Il en parle d’ailleurs longuement dans son livre (page 42 et suivantes).
Le temps pour expliquer, donner le sens, le « pourquoi » et lancer le mouvement collectif.
Contrairement à ce que beaucoup d’esprits chagrins pensent, " ce n’est pas vrai que les gens n’aiment pas le changement ! Ils n’aiment pas le changement qu’ils ne comprennent pas " nous explique Jean-Paul Bailly. D’où la nécessité de prendre le temps de faire un diagnostic, d’élaborer une ambition, et …d’expliquer, faire partager. Car, insiste-t-il, " tout ce qui ne se régénère pas dégénère "… Et de s’opposer fermement à ceux qui prétendent qu’il est important de " changer en restant soi-même ". Pour lui, l’important dans un monde qui change, c’est de " changer POUR rester soi-même " ! Sous peine, pour les organisations, de disparaître.
Pour cela, " donner le sens est essentiel ". Cela oriente la décision, " permet d’aligner les énergies ", de " garder le cap ".
Et le sens est co-construit avec les parties prenantes. Le « plan » résulte d’un travail collectif. Il est important que " chacun se sente porteur d’un projet " Pour lui, c’est la mise en mouvement qu’il faut soigner, car c’est là qu’on doit dépenser le plus d’énergie. A l’instar d’une fusée, qui dépense plus d’énergie au sol et qui, une fois lancée, s’inscrit dans un mouvement où l’on " dépense de moins en moins d’énergie pour aller de plus en plus vite ".
Pour cela, « Sens, soutien, suivi » (les « 3S » comme il les nomme) sont les conditions de la réussite. Responsabilisation et décentralisation sont essentielles lors de la mise en œuvre. C’est ce qui crée les conditions du succès. Il ne s’agit pas seulement de mettre de l’organisation, " mais de la vie ! ". Car une entreprise, une organisation, ne fonctionne pas de manière mécaniste, mais biologique.
Dialogue et confiance, deux postures qui s’entretiennent
C’est clair : le dialogue, l’échange, sont des ingrédients qui contribuent à créer de la confiance. Et " plus la confiance est là, plus le dialogue est authentique et efficace. Le dialogue améliore la qualité de la confiance " et, rajoute-t-il, " le dialogue n’a de sens qu’avec la fermeté ". " La fermeté sans dialogue, c’est de la provocation " et… cela ne fonctionne pas.
Quand les participants l’interrogent sur les « politiques », Jean-Paul Bailly insiste sur le fait que " les candidats devraient être plus attentifs aux enjeux de la confiance…et pas seulement à ceux de la popularité ". Il est d’accord avec un intervenant qui lui demande s’il n’y a pas une responsabilité des élites dans le climat de défiance que nous connaissons en France aujourd’hui à l’égard du politique. Et notamment à propos des rémunérations de certains dirigeants : " certains ne mesurent pas leurs effets négatifs sur la cohésion sociale ".
Il ré-insiste sur l’importance de « l’écoute » dans le dialogue tout en nous donnant une petite leçon de négociation : selon lui, l’essentiel, c’est d’écouter, pas de vouloir imposer un point de vue. Dans ce sens, une pratique courante qui consiste à partir en négociation en ayant imaginé des « scénarios » lui semble constituer une erreur : on guette la survenance de ce qui a été envisagé à l’avance et " cela bloque la capacité d’écoute ".
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