Dominique Strauss-Kahn, candidat malheureux à l’investiture du parti socialiste, nous dit dans une interview au Monde (datée du 4/11/2006) que sa conviction est clairement social-démocrate. Selon lui, le parti socialiste devrait abandonner l’affichage de sa posture révolutionnaire traditionnelle au profit de la social-démocratie. Ce serait un progrès mais assez relatif : en ce moment les partis sociaux-démocrates d’Europe cherchent à inventer l’après social-démocratie !
En France, le décalage entre la société des gens et la société des pouvoirs s’est creusé à un point tel que le besoin se fait sentir d’une gouvernance à la fois révolutionnaire et pragmatique. En cinquante ans, les Français se sont radicalement transformés. Ils ont moins d’opinions et plus d’émotions, moins d’adhésions fermes et plus d’attractions fluctuantes. Ils se laissent moins entraîner par des idéologies toutes faites et plus par des intuitions qui résonnent avec leurs émotions. La société qu’ils forment est hypercomplexe et vivante. Elle s’auto organise et s’autorégule et les enchaînements de ses socio systèmes décident de la plupart de ses orientations. Il est illusoire de chercher à la commander d’en haut ou à lui imposer des carcans (même sociaux-démocrates) qui ne sont plus faits pour elle. Mais elle est parfaitement compatible avec un socialisme qui chercherait à repérer précocement ses douleurs et ses pathologies, à les soigner de façon avisée, indépendamment d’idées préconçues issues de combats passés. Un socialisme attentif aux latences et aux dynamiques sous-jacentes du corps social et qui chercherait, si possible, à catalyser les potentiels positifs et à stériliser les plus pernicieux.
Dans cet esprit, je me souviens d'une expérience ancienne de Cofremca (Sociovision). En 1982, Michel Rocard, Ministre d'Etat, Ministre du Plan et de l'Aménagement du Territoire dans le gouvernement Mauroy, donna mission à la Cofremca de conduire une investigation sur les nouveaux moyens pour un Etat décentralisé de peser sur le cours des choses. Une des conclusions du rapport préconisait que soit conduite une action de type catalytique directement branchée sur l’écoute du terrain et non pas volontariste et autoritaire.
Le socialisme sera d’autant plus moderne que ses responsables seront sélectionnés pour la qualité de leur empathie et leur capacité à percevoir les opportunités systémiques d'une situation. Et la démocratie sera d’autant plus forte que les citoyens seront directement impliqués.
Commentaires
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@ Alain : Je suis impressionné par la dextérité sémantique d'Alain de Vulpian qui parvient dans son article à mettre en valeur la démocratie participative en évitant soigneusement de citer Ségolène Royal tout en se référant à DSK et même Michel Rocard il y a 24 ans (quel exercice... pour citer Cofremca) Chapeau !
Très parisien tout cela...
bien à vous
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@ Alain Schmit Delmas : Je ne me sens pas du tout parisien mais tout bêtement sociologue.
Les tendances que je décris viennent de loin. Tant mieux pour Mme Royal si elle a su les discerner. Et qui vous dit que M. Sarkozy ne pense pas lui aussi en terme de "démocratie participative" ?
En tant que citoyen, je souhaiterai que tous les responsables politiques soient d'accord sur le fait que la participation n'est pas un gadget, ni un moyen de faire passer ses idées en leur donnant un semblant de légitimité populaire. C'est ou en tout cas cela devrait être une finalité en soi.
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@ Alain : si Ségolème Royal a réussi cette première percée (la plus difficile à mon sens car le milieu des militants "historiques" des partis -gardiens de phare tous confondus- est traditionnellement le plus réticent à la transformation et à l'évolution) c'est qu'elle parle aux citoyens de leur vie et qu'ils ont le sentiment d'être entendus et compris.
Elle a incontestablement intégré dans son être - ainsi que Nicolas Sarkozy, d'une toute autre façon - la réalité cumulée des évènements de ces dernières années (premier tour 2002, banlieues, CPE, référendum europe, etc.)
Sa force, à mon avis, est qu'elle l'a intégré dans sa chair et que cela lui donne une force hors du commun... hors du commun de tous les pouvoirs. C'est une transcendence particulière pas très éloignée du gaullisme des grandes heures, du giscardisme de la première heure (élection de 1974 et première année de présidence), soirs et lendemains de fête de l'union de la gauche en 1981...
Je crois également que cet état, Nicolas Sarkozy l'a frôlé il y a plus d'un an mais qu'il n'a pas pu - ou pas su - le capitaliser faute sans doute d'un bon calendrier. Nous allons aller de surprises en surprises, l'histoire ne fait que commencer.
Tant mieux nous avons la grande chance de vivre cette époque.
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