Depuis plusieurs dizaines d’années, la France se gouverne de travers. Elle reste sans réactions correctrices efficaces devant un niveau de chômage insupportable, le sacrifice d’une partie de sa jeunesse, un effondrement de son potentiel de recherche et d’innovation, l’installation durable de poches de souffrances, la formation de ghettos, le dépérissement de sa mission de co-organisateur d’une Europe de paix, etc. Elle est incapable de tirer parti de la vitalité et de la modernité de son peuple.
De façon schématique, trois obstacles majeurs combinent leurs effets pour barrer la route à l’émergence d’un système de gouvernance sage.
- La classe politique a théâtralisé et transformé en combat l’opposition des tempéraments de Droite et de Gauche et l’a figé sur des contenus de style 1950. Nos dirigeants politiques et nos influents regardent le monde avec les œillères de leur parti. Nos médias de masse incitent les gens ordinaires à en faire autant. Dans ce contexte il est difficile pour tous de se faire une représentation correcte de l’environnement et du cours des choses qui les aiderait à en tirer le meilleur parti.
- La classe politique vit en circuit fermé entre politiciens, journalistes spécialisés et militants ce qui l’empêche de sentir les mouvements et les évolutions de la société des gens ordinaires. Celle-ci ne se sent plus représentée par ses politiciens, ne comprend plus leur langue de bois et les rejette. Il n’y a plus de régulation des politiciens par les gens ni des gens par les politiciens. Une telle absence de feed-backs rend la France incapable de voir venir et de s’orienter de façon avisée.
- Au cours des cinquante dernières années, la société des gens s’est extrêmement complexifiée ; elle est devenue de plain-pied, hétérarchique, plus spontanée qu’organisée ou commandée d’en haut. Mais le pouvoir et l’administration sont restés compartimentés, hiérarchiques, bureaucratiques, réglementés et réglementant ; ils ont perdu prise sur elle. Peut-être y a-t-il trop d’Etat mais il y a surtout un Etat qui n’a pas su s’adapter à la société vivante.
Nous avons vécu ce printemps les prémices d’une ouverture. Le rejet de la clase politique par les Français et leur demande de rupture avec le passé de la politique ont atteint des niveaux record. Trois leaders politiques ont senti l’opportunité de répondre à cette situation. François Bayrou a joué sur l’idée partagée par 75% des électeurs que le combat Droite/Gauche tel qu’il était pratiqué n’était plus qu’une comédie. Ségolène Royal a spectaculairement réussi, au cours de sa campagne, à déstabiliser les éléphants du parti socialiste et à amorcer une démonétisation des anciens dogmes. Elle nous a fait rêver à la possibilité d’une véritable participation du peuple à la politique. Elle a ainsi ouvert la possibilité d’une métamorphose du vieux PS. Mais l’actualité la plus récente montre qu’un retour aux anciennes mœurs socialistes reste possible. Nicolas Sarkosy a mis sur la touche la « maison Chirac » et la droite figée et sans idées. Il est apparu comme en rupture avec le passé. Il a peut-être la personnalité qu’il faut pour piloter une réelle modernisation des idées de la droite en les ouvrant partiellement sur la gauche. Mais, saura-t-il écouter vraiment la société vivante et discipliner son penchant autoritaire pour y parvenir ? Saura-t-il lâcher prise lorsque c’est nécessaire ?
Je suggère à tous les Think Tanks soucieux de rénover le système de gouvernance de la France de centrer leurs efforts de réflexion et d’innovation sur les leviers qui permettraient d’amplifier l’amorce d’ouverture que ce printemps nous offre.
Commentaires
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>Vous avez tout à fait raison de demander, in fine, que l’effort de réflexion porte sur des leviers. Le mot est bien choisi car levier ne veut pas dire mesure, loi, décret, etc. Il s’agit d’une action susceptible d’enclencher un processus vertueux, d’une graine plantée dans le sol de l’avenir.
En réalité, nous souffrons d’un surcroît de mesures, lois et décrets. Dans la plupart des cas, cela conduit à des usines à gaz puisque les textes conçus, au départ, pour avoir une portée générale, doivent être complétés par une série d’exceptions ou d’ajustement à des cas particuliers.
Si l’on veut que la société fasse mûrir un projet, il faut planter des fleurs en lui laissant le soin de les arroser. C’est l’effet d’entraînement qui servira de levier.
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Il faut regarder avec un angle différent les problématiques et ne plus faire de glorification sur les événements du passé, mai 68, le Général de Gaule et pourquoi pas Vercingétorix ! J’ai 38 ans et je n’avais jamais voté auparavant. Je n’arrivais pas à m’identifier à cette grande farce qu’est la représentation politique en France : beaucoup de théâtre, d’effet de scène mais peu de réelle proximité et de vrai engagement personnel.
Je suis d’un milieu ouvrier et quand je regarde la « caste » des gents qui nous gouverne, je me demande toujours comment ils peuvent avoir le sens des réalités. Moi j’ai débuté ma carrière professionnelle à 15 ans, je suis aujourd’hui cadre dirigeant et je suis parfois outré de voir jugé certaines catégorie de personnes dites en difficultés par des Enarques qui ont obtenu leur diplômes parce-que Papa et Maman avait un milieu social qui permettait cette accession aux plus hautes fonctions. Notre société a deux vitesses, les personnes qui la gèrent sont pour moi des privilégiés qui ont vécu dans la facilité et qui ne se rendent pas bien compte de la lutte à mener pour s’en sortir ici bas. Les autres (dont je fais partie) qui se sentent un peu à l’écart, mais qui ont envie de croire en un monde meilleur. J’ai travaillé avec plusieurs Enarques et le mot que j’emploierais est le suivant : Déconnectés des réalités, très au dessus des préoccupations quotidiennes et cette valeur donnée à l’histoire un peu trop présente. On n’écris pas le futur en recopiant le passé ! Réveillez VOUS !!! Et donnez la parole aux gents de bonne volonté quelle que soit leurs origines sociales !! Voici le conseil que je peux donner aux hommes politiques d’aujourd’hui !
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