Le résultat annoncé aux élections européennes est tombé. Chacun en a pris connaissance. Mais faut-il suivre les commentaires des politiques et des journalistes français sur ces résultats ? Pas sûr. Certes, l’émotion est grande de voir que le FN arrive en tête. D’autant que certains de ses membres n’hésitent pas à conclure que « le FN étant désormais le premier parti de France, sa représentation actuelle à l’Assemblée (deux députés) oblige à une dissolution immédiate ».

Il faut raison garder, et surtout ne pas tomber dans les analyses sommaires pour se faire peur ou pour être démagogique.

Le premier parti de France, pour ces élections, c’est l’abstention avec 60 %. Cela veut dire beaucoup de choses, et sûrement pas que les gens s’en fichent. Nous y reviendrons.

Si l’on ramène les voix au nombre d’inscrits, on obtient :

Abstention : 60 %, FN : 10 %, UMP : 8 %, PS : 6 %, UDI : 4 %, Verts : 3,5 %, Front de Gauche : 4 %, etc.

Il est très probable que les électeurs traditionnels du FN se sont beaucoup moins abstenus que ceux des autres partis. Et il serait absurde de projeter ces résultats dans une élection nationale future.

Les Français ignorent que le Parlement européen ne fonctionne pas du tout comme l’Assemblée Nationale française. Je recommande, à cet égard, l’excellente étude d’Yvon Bertoncini et Thierry Chopin. « Des visages sur des clivages, les élections européennes de 2014 » publiée par la Fondation Robert Schuman et Notre Europe – Institut Jacques Delors.

Le vote des Français aura très peu d’impact sur le fonctionnement du parlement européen, et le FN fera à peine plus de vagues qu’il n’en fait à l’Assemblée Nationale. Pourquoi ? Avec une vingtaine de députés sur 750, que pèse-t-il ? Presque rien ; seules des alliances pourraient lui donner un poids, mais quasiment personne ne veut s’allier avec lui…

Ce qui compte au Parlement européen, ce sont les travaux et les propositions. Les votes ne suivent pratiquement jamais les consignes des partis nationaux, à supposer qu’il y en ait. Chaque député vote en fonction de son analyse personnelle, et c’est bien mieux comme ça. Et c’est d’ailleurs pour ces raisons que les motions au Parlement européen passent très souvent avec des majorités inconnues en France. On a vu souvent des majorités de plus de 90 %, par exemple pour faire l’union bancaire.

Revenons à l’abstention. Quel est le vrai message des électeurs ? Je le résumerais ainsi : «  L’Europe, on n’y comprend pas grand chose, et vous nous fatiguez à nous faire voter sur des questions sur lesquelles nous somme incompétents. Trouvez autre chose pour désigner les députés européens ! ».

Le message sera-t-il reçu ?