Alerte sur la dette américaine : une nouvelle … mais quelle nouvelle ?

La presse mondiale, non seulement financière mais généraliste,  s’est fait aussitôt l’écho de cette nouvelle, et les marchés boursiers y ont réagi par une forte chute ponctuelle : la célèbre agence de notation Standard and Poor’s (S&P) vient de mettre sous surveillance négative pour une éventuelle dégradation, la note, le fameux AAA qui est la meilleure possible, des obligations du Trésor américain.

Il est vrai qu’avec une dette publique de près de 15 000 milliards ou, pour parler franglais, 15 trillions de dollars, environ 100% du PIB, et un déficit budgétaire d’environ 10% du PIB, les Etats-Unis ne sont techniquement, dans l’absolu, pas mieux lotis sous ces critères que les pays faibles de la zone Euro comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal dont les notes ont été depuis longtemps abaissées, et très fortement, par toutes les grandes agences de “rating”.

Mais quoi de neuf ici, dira-t-on ? Nous le savions depuis plusieurs années, de même que le déficit structurel massif du commerce extérieur US qui dure depuis des décennies. L’on pourra même repérer qu’une agence de notation chinoise évidemment moins suivie (jusqu’à présent du moins…) que ses consœurs occidentales – mais qui a d’autant plus de raisons de se montrer vigilante que son pays, la Chine, est, comme on le sait, le premier détenteur mondial de titres du Trésor US – avait retiré aux Etats-Unis leur AAA il y a déjà plusieurs mois.

Quelle nouvelle alors ? S&P argumente sa position par l’impasse potentielle que recèle la vive opposition au sein du Congrès entre l’approche républicaine et l’approche démocrate de l’ajustement nécessaire, urgent et massif, des finances publiques américaines. Certes, mais l’on notera que c’est loin d’être la première fois dans la longue histoire US des cohabitations entre une Administration et un Parlement de camps opposés.

S&P évoque aussi l’ampleur des niveaux actuels de dette et de déficit publics. Certes mais c’était déjà clairement le cas il y a un an, et dans les années 30 du “New Deal”, la politique keynésienne de relance massive de Roosevelt ne s’était pas faite sans une dégradation considérable des comptes publics.

L’on notera aussi que si, comme le fait la Réserve Fédérale dans sa politique monétaire dite non-conventionnelle pour maintenir les taux d’intérêt au plus bas, les titres du Trésor US sont rachetés par elle, il suffit aux Etats-Unis de créer ainsi autant de dollars que nécessaire pour assumer leur dette abyssale. Certes, mais c’était déjà le cas avant aussi, et l’on sait bien à cet égard que la banque centrale US, contrairement à son homologue européenne, a un objectif de croissance et d’emploi autant que de stabilité des prix.

Quelle nouvelle alors ? Si nouvelle il y a, et étant rappelé que le AAA correspond à une note à long terme, une évaluation de longue période de la solvabilité d’un Etat, ne serait-elle pas dans la prise en compte par S&P, sous-jacente de son changement de position (non suivi par l’autre grande agence US de notation, Moody’s) d’éléments plus géopolitiques que proprement économiques, à savoir l’affaiblissement du “leadership” américain, la montée rapide de très grandes puissances émergentes qui pourraient à terme devenir rivales de l’économie US dont elles sont de plus en plus créancières, et parallèlement l’émergence de nouvelles grandes devises qui pourraient à terme remettre en cause le “privilège du dollar” perpétué depuis l’après-seconde mondiale et permettant jusqu’alors aux Etats-Unis de faire accepter au reste du monde des paiements en dollars sans limite.

A cet égard, la flambée continue du cours de l’or, sur laquelle nous avions déjà “alerté” dans ces mêmes colonnes il y a plus d’un an, lorsque le seuil sans précédent des 1000 dollars l’once avait été franchi, et alors que le marché vient de dépasser 1500 dollars l’once, et que certains gérants de portefeuille, les mêmes que ceux qui se disent méfiants sur la détention de titres publics, annoncent que le seuil des 2000 voire 3000 dollars pourrait être atteint dans les toutes prochaines années, cette flambée est révélatrice, car, ne pouvant se ramener à la seule croissance de l’usage de l’or dans l’industrie et la bijouterie, elle laisse apparaître “en creux”, comme miroir de son statut de valeur refuge, un effet de défiance croissante à l’égard du dollar…

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