Pêcheur d’Islande et (ex-)Tigre Celtique en quête d’une sortie de crise

Les “Pêcheurs d’Islande” comme les “Tigres Celtiques” d’Irlande ont été, comme bien d’autres, très touchés par la crise financière de 2008-09 qui se prolonge.

Pour tenter d’en sortir, les Islandais ont suivi une voie classique : baisse de la demande intérieure notamment de la dépense publique combinée à une dépréciation massive de leur devise – ce qu’il est convenu d’appeler en doctrine économique un ajustement “nominal” – et refus non seulement de sauver leurs banques impécunieuses, mal gérées et mal contrôlées, mais aussi, par referendum, à deux reprises, d’en assumer les dettes, y compris envers leurs créanciers internationaux, essentiellement anglais et néerlandais.

Les Irlandais qui, membres de la zone Euro, n’ont donc pas le loisir de dévaluer, et qui – sans que le peuple soit consulté par referendum à cet égard – ont décidé de sauver leurs banques confrontées à des créances immobilières irrécouvrables et d’en assumer toutes les dettes, moyennant un énorme déficit public de l’ordre de 30% de leur PIB (soit dix fois plus que le plafond en principe fixé par le traité d’Union économique et monétaire ou traité de Maastricht…!), ont, comme la Grèce avant eux et le Portugal plus récemment, fait appel à un plan de sauvetage conjoint de la zone Euro et du FMI, en l’échange d’un effort d’ajustement drastique, ajustement dit “réel” en doctrine économique, c.-à-d. avec à la fois forte baisse des dépenses publiques, notamment baisse des salaires des fonctionnaires, et hausse des impôts à l’exception de l’imposition des sociétés qui, très faible, avait permis à l’Irlande d’attirer de nombreuses entreprises internationales, qu’elle souhaiterait conserver.

Dans les deux cas, le pays a connu une chute de son activité et la population une baisse de son pouvoir d’achat, mais alors que l’Islande, n’ayant que peu creusé ses déficits publics et jouant sur une devise fortement dépréciée, connaît un regain de ses exportations notamment par sa pêche qui est une de ses ressources essentielles, et stimule son tourisme, l’Irlande s’enfonce dans une croissance faible, nulle ou négative trimestre après trimestre, et voit comme au siècle dernier ses jeunes émigrer à hauteur d’environ 30 000 par an depuis trois ans, et ce pour encore des années sans doute – le  temps de rembourser toutes ses dettes comme elle l’a promis, si elle y parvient.

Quelle voie suivre alors ? Il n’y a pas de réponse purement économique à cette question, sinon pour observer que dans le passé, il n’est pas d’exemple qu’un pays ayant ce type de problème s’en soit sorti sans dévaluation ni restructuration de sa dette, ce qui dans le cas irlandais signifierait l’abandon de la zone Euro. Toujours en termes strictement économiques, les optimistes européens ajouteront qu’il faut encore croire à une accélération des convergences entre pays “cigales” et pays “fourmis” avec une nouvelle gouvernance de la zone Euro, dont les mécanismes de sauvetage mis en place en urgence et douloureusement en temps de crise semblent être l’embryon, là où les années de croissance et d’euphorie n’avaient fait que laisser s’accroître les divergences macro-économiques entre pays membres, à l’opposé de la “zone monétaire optimale” qui, en théorie économique, requiert un minimum de caractéristiques communes et partagées (mobilité des facteurs de production y compris le travail, budget central significatif comme base de transferts entre contrées riches et pauvres, etc), et conditionne la pérennité d’une monnaie unique.

La réponse n’est pas seulement économique. Elle sera aussi, et peut-être surtout, d’ordre politique, institutionnel, voire démocratique. Elle dépend à terme de l’acceptabilité, de la soutenabilité par les peuples, des plans de rigueur qui les frappent. Déjà les Irlandais ont chassé leur précédent gouvernement à la première occasion, en début d’année. Les Islandais non seulement ont fait de même bien avant, en même temps qu’ils laissaient leurs banques faire faillite, mais se sont dotés d’une nouvelle assemblée constituante, et apparaissent beaucoup moins pressés qu’auparavant de rejoindre une zone Euro porteuse d’austérité et qui exigerait un partage de la gestion de leurs précieuses ressources halieutiques.

Piste islandaise ou piste irlandaise donc ? Ce sont les peuples concernés par ces deux “modèles” qui, face à la crise, trancheront in fine, non la doctrine économique, ni les dirigeants pro-européens, et comme nous l’enseigne l’Histoire, les peuples, pour le meilleur comme pour le pire, ne sont pas toujours prévisibles, ni rationnels…

Share

Ajouter un commentaire