Etats-Unis, Qatar, Arabie, chacun essaye de manipuler l’autre. L’Europe est concernée. Pour aborder la complexité, partons de quelques données simples :
- Les Etats-Unis disposent, au Qatar, d’une des bases militaires les plus importantes qu’ils aient à l’étranger. Le « Central Air Command » qui couvre une grande partie de l’Afrique et de l’Asie y est situé. Pour le minuscule et richissime Qatar, c’est une assurance tous risques. Pour les Etats-Unis, c’est utile d’avoir un « ami » dans une région mouvante. Moyennant quoi, le Qatar, lorsqu’il prend des initiatives importantes, a besoin de l’accord, au moins tacite, de son protecteur. Le soutien aux révolutions arabes puis les aides apportées aux différents mouvements affiliés aux Frères Musulmans sont entrés dans la catégorie des initiatives importantes. Ce qui permet maintenant aux Qataris de prendre certaines libertés et d’aller plus loin.
- L’Arabie Saoudite, par le biais de ses opulentes fondations religieuses (wahhabites) financent les salafistes et autres fidèles qui, de l’Afrique jusqu’en Indonésie en passant par le Pakistan et l’Afghanistan, tentent d’imposer un dogme et des pratiques uniformes et rétrogrades. Le Qatar qui, à l’intérieur, est une dictature absolue mais qui, à l’extérieur, joue le jeu de l’émancipation, donne des gages à l’Arabie. La grande Mosquée de Doha est à la gloire de Wahhab et la chaîne de télévision Al Jazeera, bien que soutenant partout les Frères Musulmans, se montre indulgente à l’égard des salafistes.
Dans ces conditions, de deux choses l’une :
- Ou bien, malgré des difficultés économiques accrues et malgré le sanglant épisode syrien, les pays arabo-musulmans trouveront un début d’équilibre permettant à l’Islam d’émerger dans la modernité. Dans ce cas, l’Arabie Saoudite (dont la première génération de dirigeants est entrain de s’éteindre) évoluera et Obama aura eu raison de dire dans son interview à Time daté du 31 décembre 2012, qu’il était : « cautiously optimistic about us being able to see a Middle East that is – and North Africa – that is freer, more open and more economically successful ». L’Europe ne pourrait que s’en féliciter et entonner : « Merci Barack Obama, merci Hamad bin Khalifa al-Thani ».
- Ou bien les majorités silencieuses de musulmans tranquilles qui, dans chaque pays, ont gardé des traditions locales, se laisseront terroriser par des minorités actives. Des dictatures religieuses naîtront et le Djihad s’étendra. L’Europe, et en particulier la France, seraient alors en première ligne. Elles pourraient regretter d’avoir suivi la politique américaine et d’avoir été séduites par les dirigeants qataris, leurs habiletés et leurs largesses.
L’enjeu est de taille. Les deux rives de la Méditerranée sont proches. « L’optimisme prudent » sied uniquement à ceux qui sont loin.
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