Les coûts politiques de la globalisation, en forte augmentation, sont « hors de contrôle ». Symptômes : Trump et le Brexit. Que faire ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre Suzanne Berger, politologue et historienne américaine, spécialiste de la mondialisation mais aussi de la France. Elle s’exprimait le 16 janvier à Paris, dans le cadre du cycle « Ethique et Economie » organisé à l’Institut par Bernard Esambert et Gérard Collomb.
Les causes économiques du populisme sont incontestables. Depuis l’entrée de la Chine dans l’Organisation Mondiale du Commerce en 2001, l’augmentation des importations des pays à bas salaire aux Etats Unis a été très forte, expliquant 20% de la réduction de l’emploi américain dans les régions les plus touchées. De plus, il s’ensuivit une baisse du revenu des blancs d’environ 20%, sans compter que 20% d’entre eux se trouvèrent de façon permanente au chômage, impactant également toute l’économie locale.
Les gouvernements successifs depuis 2001 jusqu’à 2009 comptaient sur la création d’autres postes à valeur ajoutée plus élevée qui s’est avérée insuffisante, malgré les prévisions des économistes qui plaident leur innocence aujourd’hui.
D’autres facteurs qui mériteraient étude sont sans doute à l’œuvre mais « le public aujourd’hui croit véritablement que la globalisation est responsable ».
Pourquoi ce public se tourne-t-il vers les partis populistes, aux Etats-Unis, mais aussi en France et en Europe ? Parce que les canaux de représentation habituelle qu’étaient les syndicats et les partis représentant les travailleurs ne jouent plus leur rôle. Le taux de syndicalisation est tombé de 35% en 1950 à 11% en 2015 aux Etats-Unis. Et le parti démocrate semble aujourd’hui dominé par les élites de Wall Street, les entreprises de haute technologie et les classes bien payées. D’où le vote massif pour Trump, de ces électeurs blancs et des classes moyenne qui avaient précédemment voté pour Obama. Suzanne Berger insiste beaucoup sur ce « facteur clé » qui est à l’œuvre même dans des pays européens où la politique sociale amortit beaucoup les effets de la mondialisation. Répondant à une question du Club des Vigilants, elle assure que même en Allemagne l’AfD trouve ses électeurs dans les parties de la population les moins syndiquées.
Alors que faire, en attendant qu’une nouvelle offre politique et syndicale autre que le populisme canalise à nouveau la représentation de ces laissés pour compte de la globalisation ? Suzanne Berger, célèbre pour son travail sur « la première mondialisation», celle du XIXème siècle, sait que le phénomène est réversible. Après 1914 il a fallu soixante dix ans pour qu’arrive la deuxième mondialisation. L’universitaire américaine est convaincue que la fermeture des frontières aux marchandises ferait beaucoup plus de mal que de bien et que c’est cela qu’il faut éviter à tout prix. Une guerre commerciale des Etats-Unis avec la Chine pourrait entrainer des conséquences inimaginables. L’affaire du mur avec le Mexique pourrait aussi entrainer de lourdes conséquences pour les Mexicains mais aussi pour les Américains. L’idée de ramener aux Etats-Unis la production des i-phones est une mauvaise idée typique. On ramènerait des travaux d’assemblage mal payés, le prix deviendrait trop élevé pour le marché, et la demande diminuerait.
À contre cœur, Suzanne Berger finit par conclure qu’il faut, en partie, satisfaire la principale demande des populistes pour assurer une paix relative et pour sauver la démocratie libérale : redonner de la consistance aux frontières et limiter et contrôler les entrées de migrants tout en continuant à accueillir les réfugiés.
Commentaires
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Je ne partage pas ce point de
Je ne partage pas ce point de vue. Pour parodier Winston Churchill ("vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur, vous aurez la guerre et vous avez le déshonneur"), on pourrait dire : vous voulez éviter le protectionnisme au prix de la fermeture de vos frontières aux migrants, vous aurez le protectionnisme et vous avez la fermeture de vos frontières aux migrants.
De surcroît, je crois que l'Europe est trop "généreuse" dans l'ouverture de ses frontières aux importations. Certes, son industrie est (encore) puissante et capable de résister. Mais à quel prix ? Faut-il continuer à laisser des produits fabriqués dans des conditions sociales et environnementales insupportables envahir nos étals ? Faut-il continuer à signer des accords qui, à l'instar du CETA, tireront vers le bas nos normes sanitaires et environnementales ? Qui en tire vraiment profit, si ce n'est les grands groupes multinationaux qui jouent à fond l'extra-territorialité fiscale ? Ce ne sont pas nos centaines de milliers de PME qui bénéficient cette libéralisation à tout va.
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Guerre militaire ou Guerre économique ?
La mondialisation telle qu'elle se révèle a nos yeux comporte des pièges moins visibles que ses avantages immédiats.
La loi de la réciprocité des comportements (ici des échanges) ne peut pas se laisser guider uniquement par des décisions d'opportunité.
Pour qu'il y ait concurrence réelle, il faut un minimum de règles communes. Sinon, les voleurs (de brevets et de savoir-faire) deviendront les rois du monde, car leur "avantage compétitif" unique résidera uniquement dans le prix. Or le prix en question c'est un "prix de revient" bien sûr. Ce prix de revient est composé de celui du "SAVOIR-FAIRE", de celui des MATIERES PREMIERES nécessaires et de celui du TRAVAIL humain...
Si vous voulez garder une certaine valeur au SAVOIR-FAIRE (si vous en êtes à l'origine), vous ne pouvez agir que sur celle des matières première nécessaires ou bien du travail humain. Clair ! Certains pays exigent, pour acheter les produits des régions économiquement et techniquement avancées, qu'on leur cède aussi le SAVOIR-FAIRE.
Ces pays acheteurs, dans ces conditions, font disparaître ce facteur important du prix de revient et cherchent donc à être les plus "compétitifs en prix", en particulier par le maintien (le plus longtemps possible) d'une main d'oeuvre très peu chère.
Au fond, les plus gagnants pour l'instant sont ceux qui n'ont pas le savoir-faire et qui ont peu de main-d'oeuvre mais qui ont les matières premières (exemple, le pétrole...) : ils peuvent très bien vivre en ne fabriquant rien mais en vendant cher leurs matières premieres.
Chacun reconnaitra les pays concernés par ces différents cas de figure ....
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Un peu d'eau chaude dans l'eau froide...
Les reflexions sur la nouvelle mondialisation historique dans laquelle nous sommes entres me semblent plus au moins frappes du refus d'une evidence et de l'oubli d'une realite naturelle...
L'ocean mondial des pauvres (ou, au moins, des peu ou pas developpes economiquement) est un ensemble gigantesque de mers constitue d'une masse d'eau froide, en termes de niveau de vie. Elles ne disposent pas de moteurs economiques suffisants pour reellement se rechauffer seules...
Les mers chaudes des pays economiquement et socialement developpes sont peu etendues (en termes de populations concernees).
Elle sont des mers chaudes voire brulantes en termes de niveau de vie.
Que pensez-vous qu'il advienne si l'on entreprend de melanger ces eaux froides tres nombreuses et ces eaux tres chaudes mais bien moins nombreuses ?
Un rechauffement generalise des eaux froides ?
Ou
... un peu de soleil dans l'eau froide ?
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