Sanctions américaines : prenons exemple sur la Chine !

Les entreprises françaises se retirent piteusement d’Iran où elles commençaient à réinvestir. Aucune ne veut braver l’ire de l’administration américaine et risquer des sanctions sous forme d’amende ou de bannissement. Les autorités nationales et européennes disent considérer plusieurs options ; elles finissent par avouer qu’elles ne peuvent pas grand-chose. Cruelle illustration d’une Europe bourgeoise et assoupie qui a laissé à d’autres le soin d’être dans l’histoire.

Il y a pourtant un moyen d’envoyer un message très clair à Washington : faire évoluer la place du dollar dans les achats de pétrole dont il se règle, chaque année, l’équivalent de deux mille milliards de dollars dont les trois quarts en devise américaine. La masse monétaire du pétrole est un pilier de la position extra-ordinaire du dollar ; elle est en quelque sorte la contrepartie qui garantit sa valeur comme, jusqu’en 1971, sa convertibilité en or. Cette position ne s’est pas faite toute seule. Elle repose sur un maillage géopolitique (un accord régulièrement renouvelé engage l’Arabie Saoudite à n’accepter que du dollar) et, tout aussi important, une infrastructure technique : centrales de règlements interbancaires, messageries standardisées, contrats à terme (WTI New York, Brent Londres), options et instruments de couverture, etc. Cette même infrastructure sert à la mise en œuvre des lois extraterritoriales mais, avant tout, elle permet au marché de fonctionner ce qui n’est pas rien. L’économie pétrole-dollar est robuste et sophistiquée, toute contestation de la position des Etats-Unis en la matière doit partir de là.

C’est ce que fait la Chine pour qui l’espèce de suzeraineté qui consiste à se voir imposer la monnaie d’un autre pour régler ses achats est une aberration. Elle développe des canaux d’affaires étanches à l’extraterritorialité américaine. Les achats de pétrole en yuans augmentent en volume et en intervenants : Angola, Iran, Qatar, Russie, Venezuela pour en citer quelques-uns. Depuis avril des contrats à terme en yuans, convertibles en or, s’échangent à Shanghai, ils contribuent à fluidifier le marché. Les compagnies chinoises n’utilisent pas la plateforme Swift, ce grand livre ouvert sur les transactions internationales à la disposition des autorités américaines auxquelles un accord de 2010 réserve un accès quasi illimité pour ce qui concerne les sociétés européennes. Tout cela est encore modeste et contraint par la lente libéralisation du yuan mais, comme premier pays importateur de pétrole (420 millions de tonnes par an), la Chine a de belles marges de progrès qu’elle exploitera à sa façon : avec prudence et très consciente du rapport de force. Il se dit que le temps n’est pas loin où l’Arabie Saoudite écornera le monopole monétaire de son puissant allié. Cette nouvelle pétro monnaie est ouverte à d’autres —l’Inde notamment— qui en l’utilisant feront croitre son efficacité et sa visibilité.

L’Europe (530 millions de tonnes) serait bien inspirée de faire de même avec sa monnaie et un système de règlement interbancaire tout-euro qui reste à créer. Symboliquement, elle pourrait régler quelques transactions en yuans. Elle enverrait un message qui serait reçu cinq sur cinq à Washington tant une rétrogradation du dollar serait cataclysmique : le privilège accordé au dollar n’est tolérable que si les Etats-Unis exercent un leadership équilibré ; on ne peut pas cumuler privilèges de la super puissance et défense étroite et unilatérale de ses intérêts, ça ne fonctionne pas. Pour être un global leader il faut inspirer les autres et même être généreux. A défaut le leadership devient pur rapports de puissance et, à ce jeu, pas sûr que les Etats-Unis gagnent à la fin.

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Commentaires

Je vous signale sur ce thème cet intéressant article qui s'achève par "En conclusion, si les seules données de commerce international plaident pour un rôle important de l’euro, les questions géopolitiques en font un moins bon candidat, du moins aussi longtemps que la zone euro ne se dote pas d’une véritable gouvernance et d’une véritable ambition politique" : http://paperjam.lu/news/leuro-peut-il-remplacer-le-dollar-dans-les-echanges

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