La fin de la Françafrique décrétée solennellement lors du sommet de la Baule en 1990 cachait mal un désengagement et un désintérêt croissant pour un continent considéré comme « inutile ». Le terrain déserté, le rôle de gendarme fut endossé par une kyrielle d’Etats africains ou de groupes armés dont les ingérences antagonistes n’ont fait qu’amplifier les conflits régionaux et les crises infra étatiques. Aujourd’hui, la France est de retour et ce sont les missions de projection de l’Europe qui lui redonnent de l’influence et jouent le rôle de « multiplicateur de rayonnement » pour la France.
C’est l'engagement des Britanniques - connus pour leurs conceptions nettement plus atlantistes - en Sierra Leone en 1998 qui a servi de déclic. Il a démontré non seulement que l'interventionnisme en Afrique pouvait être source d’influence en Europe, mais encore que la France, qui venait de s’interdire ce recours par sa doctrine de « ni-ingérence, ni-indifférence », n’était plus la seule à pouvoir jouer le rôle de nation-cadre d’une intervention européenne en Afrique.
Or, la volonté française de participer au renforcement du pilier PESC de l'UE destiné à doter l'Europe d'une consistance politique, diplomatique et militaire propre - dans la lignée de la conception particulière dont la France a fait preuve en se retirant de l'OTAN en 1966 - n'a pas cessé.
Ainsi, l’opération « Mamba noir » - opération militaro-humanitaire en Ituri en juin 2003 -, menée par des commandos-marine du COS - commandement non subordonné à celui d’ « Artémis », européen -, poursuivait un autre objectif. Politique celui là. Par cette opération, la France souhaitait rééquilibrer sa position dans une Union européenne où la perspective d’élargissement à 25 laissait entrevoir la marginalisation des conceptions françaises au profit de celles de son partenaire britannique. Répondant à une demande de Kofi Annan, la France a assigné à l’UE une mission à même de susciter chez ses membres la volonté politique d’exiger que soit reconnue à l’Europe plus d’importance dans les relations internationales (pour preuve, la très neutre Suède déploiera ses forces spéciales tandis que l’Allemagne évoquera l’envoi de soldats de la Bundeswehr) ; elle a, par là même, contredit Robert Kagan pour qui « c’est la faiblesse de l’Europe qui la pousse à s’opposer à la puissance ». De l’Amérique bien sûr.
« Mamba noir » a par ailleurs démontré la nécessité pour l’Europe de se doter d’un outil militaire lui assurant une autonomie d’action à même d’épauler son action politique et économique au service de la communauté internationale. La création d’un « quartier général européen », rejeté par les Américains car concurrençant l’Alliance atlantique et, surtout, le ralliement de Tony Blair à ce projet ont constitué les résultantes d’« Artémis ».
En effet, de leur participation à la première intervention de l’UE en toute autonomie hors d’Europe et malgré quelques réserves initiales, les Britanniques n’ont pu manquer de tirer des enseignements. On notera que le ralliement anglais à la Capacité de planification et de conduite d’opérations européenne, est l’aboutissement d’une réflexion française qui doit elle aussi sa part à l’intervention en Ituri. Cette convergence anglo-française est intervenue alors que ne cessait de se creuser le fossé entre les capacités militaires britanniques et françaises et que certains experts donnaient la Grande-Bretagne comme le nouveau champion de l’Europe de la défense en raison de la maîtrise opérationnelle dont cette dernière avait fait preuve lors de l’offensive en Irak.
Commentaires
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mon frère freddy, merci pour ton éclairage.je suis fier de ta vision géopolitique très pointue des relations internationales et des vélléités hégemoniques que tu dévoiles dans ton analyse.je conserverai ce précieux document et je le ferai circuler par la même occasion.encore une fois merci car la connaissance doit être partagée et montrer par la même occasion à ceux qui pensent que les africains ne savent pas penser qu'ils se fourvoient.
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oui Freddy de quel rayonnement parles tu ? Celui qui desintègre la cote d'ivoire depuis quelques temps avec l'operation licorne ? Ou alors celui qui a couvert le génocide rwandais ? Et quand bien même la France se rangerait sous la bannière européenne, donne moi un seul exemple d'alternatives Politique Economique ou Militaire elle a apporté a ce continent après 40 de decolonisation !!!
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Depuis les accords inter-ivoiriens de Marcousis, signé le 24 janvier 2003, scellant la réconciliation nationale entre les forces gouvernementales pro-Gbagbo et les ex-rebelles, la Cote d’Ivoire est toujours en proie à une guerre civile larvée qui semble ne trouver aucune issue. Le pays est coupé en deux, le gouvernement est en lambeaux et le processus de désarmement est au point mort. Les violences ont ravivé les maux profonds du pays : fracture ethnique et religieuse, racisme sur fond de conflit foncier qui plonge le pays dans une situation sans guerre ni paix. La France est intervenue en Cote d’Ivoire dès le début de la crise en septembre 2002. Le principe directeur de son intervention n’est pas liés aux accords de défense signée avec Abidjan depuis 1961, car aux yeux des autorités françaises, la crise ivoirienne relève d’une crise interne et non d’une agression. Je rappelle que la présence française, et des forces de l’ONUCI est la seule garantie, contre des affrontements inter ivoiriens de haute intensité. La France ne peut pas être responsable de tous les maux du Continent noir. Et la responsabilité ivoirienne.. ?
Quant à la question rwandaise, très vite, on a opposé les victimes Tutsis, et les bourreaux Hutus en désignant les coupables de cette folie meurtrière sans précédent, qualifiée de génocide, que sont la communauté internationale, qui n'a rien fait et dont la mission (Minuar) a même réduit ses effectifs à la veille de l'embrasement général du pays et, en premier lieu, la France, soutien du président Habyarimana, qui aurait formé les milices Interahamwe qui ont traqué systématiquement les Tutsis. Son opération militaire (Turquoise), décidée tardivement, n'aurait servi qu'à masquer sa compromission " néo-colonialiste " avec le régime génocidaire. Ainsi l'histoire se fige-t-elle dans une version voulue et imposée par le vainqueur : le chef des rebelles tutsis du Front patriotique rwandais (FPR). Ce chef rebelle serait-il exempt de toute responsabilité dans le déclenchement du drame rwandais? Que dire de son impact sur la crise des Grands lacs? Pourquoi vouloir stigmatiser la France avant de responsabiliser les africains? Je renvoie à l’enquête de Pierre Péan "Noires fureurs, blancs menteurs"...….
Enfin, l’opération ARTEMIS constitue, justement un moment clé dans la nouvelle donne française en Afrique par le biais européen. Il est question de promouvoir une vision qui sortirait des mécanismes bien connus de la Francafrique, pour aboutir à une stratégie européenne pour l’Afrique (déjà en marche). La relation entre le continent africain et la France est complexe mais on ne peut pas faire l’économie d’une réflexion de fond qui montrerait aussi la responsabilité des ivoiriens et des rwandais dans les différents drames qui les traversent.
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ah freddy toujours la verticalité intellectuelle française pour traiter des pros africains moi je resterais en diagonale tout d'abord les desaccords de marcoussis sont une honte pour la diplomatie villepiniste carjai encore de l'estime pourla majorité des diplomates du quai pour ce qui du rwanda qui detient un poste au conseil de securité ? ALORS votre minuar onuci et autres meme resultats!!! voila ma diagonalité cher ami respectuesement
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Que veux tu dire ? Exprime toi sur le fond. Ton propos ne permet pas de comprendre où tu veux en venir. Tu confonds « diplomatie française » et action internationale « minuar, onuci ». Voici quelques éléments de réflexion que je t’apporte pour que tu saisisses que mon propos vise à promouvoir le renouvellement des rapports entre la France et certains pays africains ; bien entendu, je n’oublie pas la main lourde de l’Hexagone sur le théâtre africain. Nous sommes à une nouvelle ère. La fin de la France en Afrique, c'est avant tout la fin de la «Françafrique » Ce terme désigne un mécanisme de domination économique, diplomatique et militaire exercé par la France depuis les années 60 par l'intermédiaire de réseaux occultes (mercenaires, intermédiaires, financiers) ou institutionnels (services secrets, cellule africaine de l'Elysée, régimes dictatoriaux "amis", forces spéciales).
Conséquence positive de cette fin, on reconnaît aujourd’hui que la présence française en Afrique a été inspirée par des finalités inavouables et la sauvegarde quasi-exclusive d'intérêts propres. Conséquence négative, ce désengagement français a conduit à démultiplier les acteurs sur le continent africain.
Ces acteurs "parallèles" font apparaître le poids des réseaux dans la gestion néocoloniale de la Françafrique : réseaux militaires, aux solidarités renforcées par des passages communs dans des écoles ou des corps d'élites, mais aussi réseaux financiers, économiques, maçonniques. Ceux-ci évoluent tantôt au coeur, tantôt à la marge du pouvoir politique, défendant tour à tour des intérêts publics ou privés. Cette situation contribue à rendre la politique de la France en Afrique totalement illisible, à l'image de ce qui se déroule actuellement en Côte-d'Ivoire ou les conflits d'intérêts entre acteurs économiques et diplomatiques plombent la position française.
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