L'Afrique, un territoire à (re)conquérir pour les entreprises françaises

EurAfriqueLe groupe EurAfrique, du Club des vigilants, s’est engagé depuis début 2013 à étudier cette problématique difficile pour laquelle le poids du passé et le positionnement actuel et futur de la France sont engagés.

On ne discute plus désormais le fait que l'Afrique s'est engagée dans la voie du développement économique. Un développement endogène, car dé-corrélé de celui de ses principaux clients et bailleurs de fonds. Un développement créateur de besoins énormes en matière d'infrastructures mais également en produits et services attendus par des populations jeunes, en forte croissance, où émerge une classe moyenne solvable.

Lors d'un récent petit-déjeuner des Vigilants, nous avions invité Lionel Zinsou, banquier, économiste et homme de culture franco-africaine, à nous exposer sa vision des enjeux.

Lionel Zinsou nous a d'abord rappelé quelques éléments trop souvent sous-estimés, voire méconnus. L’Afrique est un continent avec 54 pays très différents, tant en termes de ressources, de population  et de situation économique. Pour les Africains (notamment francophones) la France reste une grande puissance, la culture et la francophonie un patrimoine commun essentiel (on peut, à cet égard, imaginer leur incompréhension devant nos débats sur le remplacement du français par l'anglais dans notre enseignement supérieur !). Même si la France perd des parts de marché dans les échanges avec le continent (au profit de la Chine, mais également d'autres tels que l'Inde, la Corée, sans compter... la Turquie, le Brésil, le Canada et les Etats-Unis) elle possède encore 18% des capitaux investis. En Afrique francophone tout ce qui est français est perçu comme domestique, même lorsque les gouvernants ne se montrent pas les amis des nôtres. Les marques françaises sont les bienvenues ("pré vendues").

Alors pourquoi la France a-t-elle tendance à perdre des parts de marché ?

Parce que l'Afrique n'apparaît pas (pas encore ?) sur les écrans radars des dirigeants économiques ? Bien sûr les poids lourds du CAC 40 y sont largement implantés et y réalisent d'ailleurs l'essentiel de leurs bénéfices (ex. Total, France Telecom, Air France, Bouygues et, naturellement, Bolloré ...). On est en droit d'espérer qu'elles s'y montrent respectueuses de leur Responsabilité Sociale et Environnementale. Durant les 2 dernières décennies, attirées par l’Asie, nos entreprises ont délaissé l’Afrique en ne développant plus d’offres adaptées, tout en perdant les compétences humaines de proximité.  Les VIE (Volontariat International en Entreprise) se bousculent pour aller en Asie, en Amérique du Sud mais pas en Afrique…

Mais que dire des PMI et PME ? Les grands contrats signés par nos champions ne sont-ils pas l'arbre qui cache la forêt de leur absence ? Un rapport parlementaire publié en décembre 2008 souligne "une baisse d’attractivité pour l’Afrique qui semble s’expliquer par une image négative du continent dans le milieu des entrepreneurs français ainsi que par une vision qui tend à privilégier le court terme et un taux rapide de retour sur investissement". Certes la concurrence y est vive, mais pas davantage que dans les autres zones économiques. De plus il existe un droit des affaires des pays africains francophones qui fait référence. Et ... la francophonie reste un indéniable atout pour se comprendre (par exemple, les élites du Nigéria apprennent le français pour faciliter les échanges avec les pays voisins francophones).

Parce que nos dirigeants politiques n'ont pas encore complètement tourné la page de la Françafrique ?

Les exemples abondent de leurs maladresses irritantes pour les élites de ces pays. Nos présidents sont singulièrement avares de leur temps passé à l’étranger y compris  africain. Celui de Nicolas Sarkozy était chichement compté et François Hollande, si l'on exclut l'affaire malienne, n'a fait qu'un voyage éclair à Dakar et à Kinshasa (encore était-ce pour le sommet de la francophonie) en octobre 2012. Peut-on mieux manifester le désintérêt "officiel" de la France pour ce continent ? Alors que la 1ère visite de chef d’État du Président chinois Xi Jinping a justement été pour l'Afrique !

Parce que nos PME n'ont pas sur place le soutien nécessaire pour établir un rapport de force en leur faveur face à une administration prédatrice (la corruption particulièrement active en Afrique est un frein conséquent à tout développement économique interne ou externe) ? Le même rapport parlementaire cité plus haut énonce ce fait : "la présence économique française souffre de la disparition d’opérateurs intermédiaires français en Afrique, ce qui pose la question de l’adaptation du dispositif institutionnel de soutien aux entreprises françaises"

Sur le terrain, le personnel d’Ubifrance, basé dans les ambassades, n'est pas dans le monde des  « affaires »  du privé. Les chambres de commerce mixtes devraient jouer un rôle plus important, car elles sont par définition les lieux de rencontre et d’échanges entre sociétés étrangères et locales. Ne serait-il pas instructif de s'inspirer de ce que font nos voisins en la matière ?

Pourquoi aller chercher des points de croissance en Asie quand nous avons à notre portée un continent que l’on connaît bien, qui nous aime bien, avec lequel nous avons une grande proximité culturelle et ... où tout reste possible ? Car, comme le dit Lionel Zinsou, "l'Afrique c'est l'Asie à notre porte".

Mais, comme pour l’Asie, l'effort doit aussi porter sur les pays africains anglophones moteurs du nouveau développement économique.

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Commentaires

Il semblerait qu'a la fin du siecle, 30% des humains seront africains !
Vous confirmez ?
Gilles

L'Afrique s'est déjà 1,1 Milliard d'habitants sur un total mondial de 7,2 Milliards; alors avec un taux de natalité de presque 35%, oui l'Afrique sera bientôt le continent le plus peuplé.

Source INED

Merci Bernard !

Très bon article ! Serait-il possible d'avoir le nom du rapport parlementaire que vous évoquez dans l'article ? Merci

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