Un pas fédéral, un pas intergouvernemental, l’Europe, peu à peu, se construit un modèle original. La célébration en grande pompe à Berlin, le 22 janvier 2013, du cinquantenaire du Traité franco-allemand en est l’illustration.
A l’origine, il ne faut pas l’oublier, le modèle choisi était fédéral. Proposée en 1950, entrée en vigueur en 1952, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) avait été conçue comme un prototype pour les Etats-Unis d’Europe. En 1954, patatras ! Le Parlement français rejette le projet de Communauté Européenne de Défense (CED). D’où la recherche d’une nouvelle formule où les abandons de souveraineté seraient moindres. Cela aboutit en 1957 au Marché Commun (Communauté Economique Européenne) où la Commission incarne l’aspect fédéral mais où le Conseil des ministres confère aux Etats l’essentiel des pouvoirs de décision.
En 1958, De Gaulle revient au pouvoir. Il accepte le Marché Commun mais souhaite que les étapes suivantes penchent plus clairement du côté intergouvernemental. Il en résulte une proposition d’Union politique européenne (Plan Fouchet) qui, en 1962, est jugée trop timide par les autres pays membres. De Gaulle est ulcéré. Il souhaite la réconciliation de toutes les nations européennes mais la fusion de « notre cher et vieux pays » dans une Europe aux contours et aux concepts flous lui paraît une dangereuse chimère. Le Traité franco-allemand est alors esquissé. C’est une victoire de l’intergouvernemental mais la coopération des deux plus grands pays européens permet ultérieurement de faire un pas fédéral dont l’Euro en 2002 sera l’aboutissement. Aboutissement d’ailleurs partiel et imparfait puisque les Etats conservent la haute main sur les politiques budgétaires et fiscales.
Aujourd’hui, la marche en crabe se poursuit. L’intergouvernemental domine dans l’Union élargie mais le fédéral avance sous l’appellation de « coopérations renforcées » entre les Etats qui le souhaitent. Ces Etats, comme par hasard, sont le plus souvent ceux de la Zone Euro, laquelle dispose déjà d’un embryon de gouvernement collégial baptisé Eurogroupe. Dans ce cadre, un pas nouveau pourrait être franchi si, comme l’a suggéré récemment le Think Tank Synopia, la présidence cessait d’être occupée par un ministre en place dans un pays membre et était confiée à une personnalité prestigieuse, indépendante et à plein temps. Personnalité qui deviendrait de ce fait l’interlocuteur privilégié du président de la BCE.
Le 22 janvier à Berlin, la Chancelière et le Président ont pris le plus grand soin de célébrer l’intergouvernemental tout en louant les démarches de nature fédérales qui se révèleraient opportunes. L’Europe fait encore preuve de créativité.
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