Alors que la majorité des Français semble sombrer dans une déprime sévère, certains ont l’optimisme chevillé au corps. C’est le cas de l’écrivain, scénariste mais aussi citoyen engagé Alexandre Jardin qui, lors de son intervention du 23 juin sur le thème « Comment réenchanter la France concrètement ? », a fait souffler un réel vent d’enthousiasme.
Ce sens du concret, Alexandre Jardin l’a démontré en 1998 lorsqu’il co-fondé l’association Lire et faire lire et, en 2002, avec l’association 1000 mots.
La première est partie d’un constat : 15 à 20 % des élèves arrivent au collège sans maîtriser la lecture. « Ce sont, dit-il, 15 à 20 % d’une génération à venir » ! Comment y remédier ? En mettant face-à-face des retraités actifs qui, bénévolement, vont dans les écoles faire lire des gamins qui, pour des raisons diverses, lisent peu ou pas du tout chez eux. Aujourd’hui, ils sont près de 15 000 à aller dans les crèches, les maternelles, les écoles primaires pour insuffler le goût de lire.
La seconde, c’est un ami, en première ligne de par sa profession sur les problèmes de délinquance, en particulier juvénile, qui la lui souffle. Claude Bardon constate que la base lexicale des jeunes délinquants est de 300 mots environ. Partant du principe que la pauvreté des mots engendre la violence, Alexandre Jardin et son ami vont lancer 1000 mots. Objectif ? Améliorer la base lexicale des jeunes détenus en particulier. Ce qui est, à leurs yeux, le meilleur rempart contre la récidive.
« Un peuple spectateur de sa propre chute est dangereux. On a besoin d’un peuple acteur de son destin. » Cette conviction profonde anime Alexandre Jardin qui, dans la morosité ambiante, persiste à penser qu’il n’y a pas de problème qui n’ait pas de solution et lance Bleu, Blanc, Zèbre dont le mot d’ordre est : aux actes citoyens !
« Pour trouver des solutions, il nous faut, dit-il, des zèbres : des faiseurs pas des diseux, des gens différents qui n’acceptent aucun dressage, des femmes et des hommes qui disent non à la fatalité par leur action. » Une fatalité que seuls « des gens jubilatoires avec un rapport à la vie bâti sur la joie et non sur la peur » sont capables de contredire, ajoute-t-il. En un mot : les zèbres sont des gens qui passent à l’acte réellement et "fabriquent" des solutions. Ces gens existent un peu partout. Dans les entreprises, les associations, le secteur mutualiste, les collectivités…
Et, pour bien illustrer son propos, il nous donne quelques exemples des ces drôles de zèbres.
D’abord, il y a les maires. Face à une classe politique discréditée parce que impuissante estime-t-il « il n’y a que maires qui, pour la plupart, sont des "faiseurs" et échappent, de ce fait, à ce discrédit généralisé ». Des actions sont, d’ores et déjà, menées dans une cinquantaine de villes, des plus grandes Paris, Bordeaux aux plus petites. « Remettre de l’énergie dans les territoires, faire revenir de la joie dans le pays par le bas », concourt, selon Alexandre Jardin à « la réhabilitation de la classe politique si décriée et à la consolidation de la démocratie ».
Il y a aussi tous ceux, femmes et hommes, qui agissent à leur niveau pour redonner de la dignité et de la joie. En voici quelques exemples.
C’est le cas de l’Association Nationale de Développement des Épiceries Solidaires (A.N.D.E.S.), un des principaux réseaux d’aide alimentaire français. Elle soutient le développement des épiceries solidaires, structures qui proposent en libre-service des produits de consommation courante à des personnes en situation de précarité, contre une participation financière de 10 à 30 % du prix usuel. Par exemple, un kilo de tomates pour 0,20 € au lieu de 2,30 € dans le commerce normal. L’ANDES nourrit 150 000 personnes par semaine. La contribution financière – même symbolique – demandée dans les épiceries solidaires participe de la dignité des personnes et de la liberté de choix. Pour Guillaume Bapst, son fondateur, donner à choisir, c’est permettre d’être.
Autre exemple : la mutuelle de proximité. 4,5 millions de Français n’ont pas de Mutuelle et une très grande partie de la population paye des tarifs de mutuelles trop élevés par rapport aux revenus et aux remboursements proposés. Une femme, Véronique DEBUE, élue locale dans une commune de 4700 habitants, a uni 240 foyers pour faire renaître une certaine idée de la solidarité, et permettre à ces familles d’accéder à une couverture complémentaire santé jusqu’alors inaccessible. En réveillant l’esprit mutualiste intergénérationnel et interprofessionnel, des citoyens ont pu s’inscrire sans critère d’âge, sans dossier médical dans le champ d’une mutuelle respectant le droit de chacun à l’accès aux soins de qualité. L’initiative et l’action concrète de cette élue de proximité tend à résoudre un problème majeur d’intérêt national tenant à l’impossibilité pour un grand nombre de nos concitoyens d’accéder à une complémentaire santé. On peut ajouter accessoirement que le FN est à moins de 5 % dans cette commune du Vaucluse !
Et de citer enfin les initiatives de Ryad Boulanouar avec le Compte Nickel et de l’éditeur Vincent Safrat avec Lire c’est Partir.
Le premier a permis à 22 600 personnes à ce jour de se "rebancariser". Depuis le 11 février 2014, il est possible d'ouvrir un compte bancaire, en réalité un compte de paiement, dénommé Compte Nickel, chez un buraliste. Accessible à tous et sans condition de revenus, l'ouverture de ce compte donne accès à une carte bancaire, de paiement et de retrait sur tous les distributeurs automatiques de billets. Il est possible d'émettre ou de recevoir des virements et des prélèvements. En revanche, aucun chéquier n'est délivré et le découvert bancaire n'est pas autorisé.
Le second a créé une maison d’édition qui vend chaque année 2 millions de livres pour enfants à 80 centimes en dehors du marché du livre traditionnel, là où le livre ne se vend pas. Il édite, distribue et vend en direct. D’où ce prix très réduit sans lequel il est impossible de faire entrer le livre acheté dans certains territoires. Safrat sillonne la France avec une camionnette pleine de livres, accueilli ça et là par des associations ou des parents d’élèves qui annoncent sa venue !
Près de 50 zèbres agissent actuellement. L’objectif étant de 100 zèbres d’ici la fin de l’année, Alexandre Jardin conclut avec ce cri de guerre à la morosité : aux actes citoyens !
Commentaires
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Les zèbres, ces faiseurs, ces trouveurs, ces personnes qui se mettent en avant pour faire bouger les choses, se font le plus souvent casser par un système qui ne permet qu'aux "politiques" (au sens large du terme)et non au vrais acteurs de progresser.
Il faut une certaine dose résiliance pour continuer à se battre.
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