Blockchain : un outil révolutionnaire  pour l’économie collaborative ?

La blockchain, la technologie numérique qui a notamment permis la naissance de la monnaie virtuelle bitcoin, pourrait permettre de développer les transactions sécurisées de l’économie collaborative en se passant d’un grand « tiers de confiance » qui centralise les opérations. 
 A ce titre, le groupe du travail du Club des Vigilants sur l’adaptation à la croissance lente estime que c’est une technologie à suivre.
Un  colloque a eu lieu récemment sur la blockchain à l’occasion de la présentation par ses auteurs (Alexis Collomb et Klara Sok)  d’un rapport d’étape  commandé par l’Institut Louis Bachelier au CNAM (Arts et Metiers).
La blockchain (en français, technologie des registres distribués), repose sur  une architecture inversée par rapport au  standard actuel  d’exécution des transactions : elle  rend caduque   l’intervention d’un tiers de confiance en lui substituant un réseau   totalement décentralisé.  Les informations transitant par cette longue  chaine  sont vérifiées, copiées et stockées par une multitude d’intervenants volontaires, qui engagent la puissance de calcul et la mémoire  de leurs ordinateurs pour résoudre des problèmes cryptographiques  aux fin de valider la transaction, puis de la stocker. 
Elle permet aussi  d’exécuter automatiquement des « contrats intelligents », sans temps mort, ni intervention d’un tiers.  C’est l’objectif de la plateforme  Ethernum,  conçue pour administrer automatiquement  un marché à terme :  appels de marge,  règlements livraisons en utilisant sa propre crypto monnaie.
Les applications de la blockchain déjà testées  sont très diverses : tenue d’un cadastre (Ghana), service public notarial (Estonie), transferts de fonds internationaux, transactions boursières, archivage de dossiers de santé numériques. Et aussi OpenBazaar qui a l’ambition de devenir un concurrent totalement décentralisé d’Ebay.  Il accepte exclusivement les bitcoins
En supprimant l’intervention d’un tiers de confiance, la blockchain  menace  les institutions qui remplissent cette fonction, comme les Bourses ou  les intermédiaires financiers, mais aussi les grandes  plateformes   qui dominent l’économie collaborative et la tiennent  sous leur dépendance.  Elle donnera la possibilité « d’ubériser Uber », de restituer à l’économie collaborative tout son potentiel de création de valeur, de libérer l’internet des objets de la tutelle des  grands opérateurs mondiaux cherchant à imposer leurs solutions, d’empêcher les Gafa de faire main basse sur les données. 
On n’en est pas encore là.  De réelles difficultés devront être résolues auparavant. L’irréversibilité des transactions utilisant la blockchain  et l’exécution automatique des contrats  pose un problème de sécurité : comment annuler des transactions anarchiques  ou criminelles ? Comment  contrôler  des robots  exécutant des contrats passés par d’autres robots ?
La multiplicité et la redondance extrême des vérifications et du stockage  au sein d’un réseau dense est coûteuse en mémoire (déjà plus de 20 fois le Cloud de Google pour sécuriser le bitcoin) et en énergie fossile : la blockchain accentue l’effet de serre !
Et naturellement, la possibilité d’anonymiser totalement les transactions fait problème. Ce n’est pas un hasard si l’Etat de Delaware, qui cherche à être, depuis toujours une sorte de « paradis juridique » americain, va se doter d’une législation très facilitante pour la blockchain !
Pour autant, comme l’a affirmé la CDC (Caisse des Dépôts) lors de ce colloque,  la blockchain n’est plus un sujet pour les geeks, mais un enjeu de souveraineté et de compétence. 1 milliard de dollars a déjà été investi dans des start up utilisant cette technologie dont 50 % aux USA. L’une d’elle a été créée par  Blythe Masters,  « l’inventeur » des  CDS, rendus tristement célèbres par la crise de 2008. 
La place financière française l’a bien compris et s’intéresse de près au sujet. Notamment à la possibilité d’utiliser la blockchain à l’intérieur d’une chaîne privée, ce  qui permettrait de préserver  la  capacité de contrôle des opérations  qui y seront authentifiées.

 Olivier Haertig

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