Alain Chouet vient de publier, début février, un livre sur un thème qu’il connait parfaitement et pour lequel il juge indispensable de livrer ses réflexions, poussé par ce qu’il ressent comme un devoir d’alerte.  L’ouvrage est resté un long moment dans les starting blocks, les relecteurs et les avocats de l’éditeur demandant des modifications sur le fond et sur la forme visant essentiellement à en édulcorer le contenu. L’auteur les a refusées. Avec le changement de pied récent du gouvernement et des médias, désignant désormais clairement le danger salafiste, cette publication peut apporter une contribution utile au débat, en apportant certes un point de vue tranché (dont l’auteur assume entièrement la responsabilité). Le livre est diffusé en librairie et se vend bien malgré une couverture médiatique minime.

Il permet de comprendre comment la lecture wahhabite du coran, ultra minoritaire pendant des siècles (aux alentours de 2 %), s’est très largement diffusée au cours des dernières décennies contribuant, dit l’auteur, « à la radicalisation du monde musulman, notamment dans ses composantes les plus jeunes et les plus démunies ». Cette expansion s’est poursuivie et se poursuit encore très au-delà bien au-delà de son berceau historique (l’Arabie des Saoud) avec des succès récents et spectaculaires en Afrique subsahariennes mais aussi dans des communautés musulmanes d’Europe de l’Ouest, passées sous leur emprise sectaire. Les meneurs du jeu restent l’Arabie saoudite, le minuscule mais richissime Qatar, le Pakistan et plus récemment la Turquie d’Erdogan. Selon l’auteur, ils travaillent la main dans la main avec la Confrérie des frères musulmans, organisation transnationale extrêmement efficace, capable d’animer les relais politiques, culturels et naturellement religieux de l’islamisme radical (par exemple en identifiant et formant les imams salafistes qui prêchent dans les nombreuses mosquées financées par l’Arabie saoudite ou le Qatar).

Ces quatre pays sont des alliés anciens des États-Unis dont l’absence de vision, la prétention à manipuler à sa guise les mouvements salafistes djihadistes, la catastrophique « guerre au terrorisme » déclarée par Bush, ont fourni des avenues au salafisme radical sur tous les continents et empêché au passage de désigner l’ennemi.

Les Frères musulmans ont a été suffisamment habiles, selon l’auteur, pour s’assurer des alliés et des sympathisants en France-même où ils poursuivent leur objectif d’empêcher les musulmans de s’intégrer dans la communauté nationale (en prônant le séparatisme)).  Leurs contributeurs sont nombreux, qu’ils agissent, par ignorance, veulerie, lâcheté, conformisme intellectuel, intérêt électoral ou financier ....  Alain Chouet examine le fonctionnement de ces relais. Ils se situent souvent dans la frange intellectuelle éclairée de la population, ce qui est paradoxal si l’on considère que les Frères musulmans qui sont derrière ces organisations et associations salafistes utilisent tous les leviers de l’extrême droite activiste : chantage, intimidation, endoctrinement, manipulation, violence. Sans oublier les moyens de séduction variés utilisés par l’Arabie Saoudite et le Qatar auprès des leaders d’opinion.

Les perspectives sont moins noires qu’il ne semble. Selon l’auteur, sortir du déni permettra de désigner clairement l’ennemi et d’infiltrer les associations et organisations qu’il utilise pour avancer ses pions. C’est une affaire de volonté et de renseignement.
Alain Chouet sait de quoi il parle. Il a été chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE où il a fait toute sa carrière.    

Alain Chouet est l’invité du prochain webinaire du Club des Vigilants. Dans cette perspective, nous vous recommandons la lecture de son livre « Sept pas vers l’enfer » publié en février 2022 chez Flammarion. Il est infiniment plus riche et documenté que la présentation rapide qui en a été faite ici.