Vingt ans de perdus

Ullmann« Que deviendrait le monde si, demain, des dictateurs fanatiques ou mafieux disposaient de bombes atomiques ?

A quoi ressemblerait le monde si des milliards d'enfants faméliques se pressaient aux portes des pays nantis ?

Dans quel état serait le monde si des catastrophes écologiques se multipliaient et si les ressources de notre planète étaient menacées d'épuisement ?

Ces trois immenses dangers pèsent sur notre avenir. Aucun ne peut être écarté par des politiques menées à l'échelle nationale. La dissémination des armes de destruction massive, la montée des fanatismes, la rupture des équilibres démographiques, l'aggravation de la misère, les menaces sur l'écologie ne pourront être combattues que par des actions concertées d'une ampleur jusqu'ici inconnue. Mais seules les nations robustes et à la démocratie vigoureuse trouveront la force de s'unir pour concevoir et mener à bien ces actions. Notre premier devoir, à nous autres Français, est de réparer notre propre maison, de balayer devant notre propre porte. »

Ces lignes, je les ai écrites en 1994 comme prologue à un livre*. Les membres du Club constatent tous les jours qu'elles restent – hélas ! - d'actualité.

La gouvernance, qu'elle soit mondiale ou européenne, n'est pas à la hauteur des défis à relever. Les peuples peinent à prendre conscience de leurs intérêts communs. Leurs dirigeants, du coup, s'acharnent à légitimer et à défendre leurs intérêts spécifiques. Le reste passe après. Au total, la défiance l'emporte sur la confiance.

En France c'est pareil à l’échelle nationale. Il suffit de remplacer l'expression "intérêts spécifiques" par "intérêts particuliers" (pour les nantis) et "avantages acquis" (pour les autres) pour avoir une idée de la situation. Les actions annoncées par le président de la République restent à l'état virtuel. Pour qu'elles soient menées à bien, il ne suffira pas que Manuel Valls, le nouveau Premier Ministre, fasse preuve d’autorité, il faudra que chaque Français pense à l'intérêt commun et se comporte en conséquence. A défaut, ce sera bien avant 2034, que la dégringolade sera consommée.

C'est maintenant que se construit l'avenir. Pas dans vingt ans. Ni à la Saint-Glinglin

* Marc Ullmann, "L'Etat c'est nous", Editions Calmann-Levy (262 pages, 1994)

Share

Commentaires

Pourquoi donc se fait-il que ce qui nous separe soit plus attirant que ce qui nous rassemble ?

Ne pouvons nous donc pas nous sentir exister autrement qu'en nous affrontant ?

HPS

L'histoire montre que les crises aiguës sont souvent des catalyseurs de talents, des facteurs de redécouverte des valeurs qui fondent notre société (solidarité, fraternité), et, in fine, des déclencheurs de rebonds.
Le pire est probablement dans les crises larvées, comme celles que nous traversons depuis une trentaine d'années. Car elles pulvérisent le ciment social.
Je n'appelle évidemment pas de mes voeux les catastrophes que tu évoques, cher Marc, mais je crains qu'il ne faille attendre que l'une d'elle se produise pour provoquer une réaction salutaire.

En 2004 déjà, il y a 10 ans, Hervé Serieyx, bien connu du Club, lançait lui aussi son alerte sur notre Contrat social dans son ouvrage intitulé

"Coup de gueule en urgence ...".

Son propos lui aussi, cher Marc, reste d'une actualité effrayante...

《... Au nom de la qualité de notre vie collective d'hier, nous hypothéquons celle de demain. Faute de courage et d'imagination, mais surtout par ignorance de solutions déjà existantes et aisément généralisables.... nous risquons de condamner notre superbe Contrat social fondé sur des valeurs étonnamment modernes : la Liberté, l’égalité et la Fraternité 》.

Ajouter un commentaire