« S’interroger sur une identité, c’est déjà l’avoir perdue » écrivait le philosophe Emmanuel Lévinas. Ce qui suit concerne l’Algérie un pays que je connais bien et dont les dirigeants n’ont jamais cessé de brandir, près de 50 ans durant, le thème de l’identité, multipliant les tours de vis sur les esprits.
Comme si l’identité se résumait à un viatique qu’on acquiert à la naissance dans une valise fermée à tout jamais.
Le premier fut donné dans les années 70. Le peuple commence à douter d’un sort meilleur malgré les potentialités du pays ? Les dirigeants commencèrent à éructer « arabité ! arabité ! ». Passant de la parole à l’acte, on « arabisa » le système éducatif. Résultat : de "naturellement" bilingues, des cohortes entières de jeunes diplômés sont devenues, selon les propres mots de ce peuple, des analphabètes bilingues.
Les années 80 ne dérogèrent pas à la règle. Ayant été incapables de préparer l’avenir durant les années fastes, la dégradation de la situation économique enfonça le pays dans la crise et creusa encore plus le fossé entre ce peuple, en particulier sa jeunesse, et ses dirigeants. Des émeutes se soldèrent par des centaines de morts mais débouchèrent sur une relative ouverture politique. Après un moment de flottement, les élites au pouvoir trouvèrent la parade. Le problème, à leurs yeux, n’était pas tant le manque de démocratie que le manque d’"islamité". Et pour disqualifier les démocrates sincères, on les affubla de l’étiquette "Hizb França" (parti de la France), une sorte de 5ème colonne.
Cette "islamité" décrétée ne fut d’aucun secours à l’identité puisque ce deuxième tour de vis déboucha, dans les années 90, sur une décennie sanglante avec près de 200 000 morts et 2000 disparus.
Les yeux rivés sur une identité fantasmée, l’Algérie a perdu tout sens de l’avenir. Est-ce le chemin que souhaiterait prendre la France ?
Commentaires
Permalien
Je ne partage pas du tout la conclusion de cet article - au demeurant fort intéressant - quant au chemin que pourrait prendre notre pays en s'interrogant sur son identité. La démarche de réflexion sur l'identité nationale, mes semble utile et même absolument nécessaire aujourd'hui dans notre pays qui a perdu un certain nombre de ses repères suite aux évènements historiques.
Je rappelle que cette identité s'est exprimée durant près de 10 siècles autour de la religion incarnée par le Roi. La Révolution puis l'anti-cléricalisme débouchant sur la laïcité ont éradiqué cette part de notre identité. La 3ème République a forgé la notion de Patrie, à partir des héros de Valmy et surtout autour de la Grande Guerre de 14-18. La défaite de 40 a remis en cause cette notion et les excès du nazisme ont jeté un discrédit - surtout en France - sur cette notion de Patrie. La fondation de l'Europe, puis la mondialisation ont en grande partie vidé de substance une définition restrictive de la Patrie.
N'oublions pas en outre que la France a toujours été un pays de régionalisme fort - notamment du fait de sa taille - et que le pouvoir central a combattu avec force, depuis Louis XIV et sans arrêt depuis, la tendance centrifuge souhaitée par les régions. Certains signes montrent que l'attachement à la France - qui reste fort si on regarde par exemple l'attitude des Français expatriés dont la majorité reviennent vivre "au pays" pour leur retraite après de longues années hors de frontières - ne peut aujourd'hui se résumer à un partage de valeurs connues de tous et auxquelles tous adhèrent.
Pourtant ces valeurs doivent bien exister et sont certainement très fortes si on observe la propension à revendiquer "l'exception française". Les décliner et obtenir un consensus sur l'attachement à ces valeurs communes est nécessaire aujourd'hui, pour que chaque français se reconnaisse dans ces valeurs et afin de mieux accueillir les populations d'origine étrangère.
Permalien
Ma conclusion est peut-être un peu forte, cher Monsieur Mabile, mais le déroulé que vous faites de l'Histoire de France montre, à contrario, qu'une identité, celle d'un pays ou d'un individu, n'est pas inscrite dans le marbre à tout jamais.
C'était précisément le sens de mon propos : l'identité est une construction. Elle est la résultante de l'évolution d'une société elle-même soumise à des circonstances historiques - vous en citez plusieurs - particulières et mouvantes. L'évolution de la pensée et des idées, l'éducation n'ont-elles pas joué un rôle essentiel dans le reflux par exemple du religieux ?
Rien n'est immuable, rien n'est figé. La vérité d'aujourd'hui n'est pas celle de demain. Tel est, à mon sens, le principal enseignement de l'histoire de France.
Permalien
Pendant que la France se regarde le nombril en s'interrogeant sur son "identité", elle se referme sur elle-même.
Et lorqu'un séisme frappe Haïti, pays francophone, qui propose des visas aux Haïtiens ayant de la famille sur leur sol ? Les USA !
La France gagnera peut-être une identité, mais elle a déjà perdu son humanité.
Ajouter un commentaire