Les dirigeants politiques de nos vieilles sociétés occidentales sont à la recherche d'idées pour utiliser la main d'œuvre dite "peu qualifiée" dans nos économies du futur à "haute valeur ajoutée". En France, par exemple, les experts du C.E.S. ont identifié que l'avenir appartiendra aux "emplois de totale proximité" car peu intéressants à délocaliser.
Nos économies développées n'ont plus besoin, en réalité, de l'énorme quantité de main-d'œuvre dont disposent nos sociétés post-industrielles. Les emplois à forte valeur ajoutée, à l'instar des emplois de pure production, sont eux aussi entrés dans une ère d'industrialisation et de mondialisation…
L'avenir, nous dit-on, est à s'occuper des gens, de leur bien-être, de leur petit bonheur et de leur petite santé ou de leurs vastes périodes de temps disponible, de leurs "distractions". Ce n'est pas vraiment le retour du "personnel de maison" mais plutôt l'arrivée du "service sur mesure à la personne".
Pourtant, la mondialisation actuelle a fait naître depuis quelques dizaines d'années, un nouveau secteur économique profitable et déjà largement investi par des entreprises multinationales. Ce secteur bénéficie largement de l'ouverture des frontières et de cette libéralisation des services qui a fait couler beaucoup d'encre en Europe, grâce aux propositions de Monsieur Bolkenstein.
Le "business model" de ce secteur est parfaitement au point et le savoir-faire requis est vieux comme le monde… Ce qui est favorable à son essor c'est précisément ce qui fait la spécificité de la mondialisation libérale actuelle : la suppression de l'éthique du champ de l'économie marchande, la liberté totale de penser et de faire au mépris de toute forme de règle commune, la résurgence d'un très ancien principe de réalité du monde qui sépare les humains entre les "loups" et les "agneaux", l'existence de moyens techniques incroyables aux yeux de nos pères qui font que nous ne sommes pas loin d'atteindre à l'ubiquité, du fait de la facilité et de la modicité du coût des transports ainsi que de l'explosion des moyens audiovisuels et de télécommunications à notre disposition.
Le secteur d'avenir qui pourra employer beaucoup de personnes, femmes, hommes et enfants indifféremment, et pour lequel le "marché potentiel" est immense et loin d'être saturé ?
C'est celui de la "traite des êtres humains" !
Nous croyons tous que l'esclavage est mort, aboli depuis longtemps. De temps en temps l'actualité nous plonge dans des faits divers que notre vieille morale occidentale, encore imprégnée de respect de l'être humain, a tendance, pour quelques temps encore, à réprouver.
Nos sociétés, qui se disent évoluées en terme de civilisation, ont mis des freins à l'avidité et à la cupidité naturelle des hommes en introduisant de "beaux concepts" comme le principe de l'existence de droits naturels de la personne humaine ou le mécanisme d'encadrement des relations du travail qui est un contrat entre un employeur (celui qui propose quelque chose à faire) et un employé (celui qui est prêt à faire et, souvent, sait faire)….
Asseyons-nous par la pensée et par commodité sur ces deux "beaux concepts" et pensons uniquement à gagner de l'argent. Il suffira de monter une "affaire" dans le secteur de la traite des êtres humains, le must étant le marché du sexe !
Ce secteur économique, dont les mécanismes assez secrets ne sont pas très connus du grand public ni des politiques, est en pleine expansion et utilise déjà toutes les ficelles que rend possibles l'économie mondialisée, libérale et "débridée".
Le processus international d'acceptation et de normalisation de cette activité est bien décrit dans l'ouvrage de Claudine Legardinier (Les trafics du sexe - Femmes et enfants marchandises) :
- 1995 : La conférence de Pékin sur les femmes introduit dans un texte international la notion acceptée de "prostitution forcée". Elle ouvre la voie à la libéralisation du système prostitutionnel, légitime le proxénétisme qui devient l'expression du "droit de vivre de ce commerce".
- 1998 : L'Organisation Internationale du Travail (O.I.T. ), instance de l'O.N.U., appelle à la reconnaissance de" l'industrie du sexe" et à l'élargissement du "bouclier fiscal" de cette activité au nom de la création d'emplois, du fait que ce "métier" est des plus lucratifs pour ceux qui le pratiquent ainsi que pour les gouvernements qui y trouvent un moyen facile d'accroître leur P.N.B. et de faciliter le respect de leurs engagements F.M.I. et Banque Mondiale,
- 2000 : La Commission des Droits de l'Homme de l'O.N.U. à Genève précise que la définition internationale du trafic des êtres humains doit exclure les "femmes professionnelles du sexe migrantes illégales", les mettant ainsi hors du champ d'application de tout droit international possible,
- 2001 : La Cour européenne de Justice accorde aux femmes originaires de l'Europe de l'Est le droit de "migrer pour travailler aux Pays-Bas dans "le métier de la prostitution" pour rejoindre "le secteur économique du sexe".
- 2002 : Une Chambre de Commerce en Allemagne autorise l'immigration d'une prostituée colombienne pour la seule raison de la "pénurie de main d'œuvre" dans ce secteur, instaurant une forme nouvelle d'immigration choisie.
Les institutions internationales ont fait ainsi le nid de ce business plein d'avenir.
Il existe d'ailleurs des preuves incontestables du succès financier des entreprises qui investissent dans ce secteur :
-En 2003, le Daily Planet, société de bordel de Melbourne en Australie, entre en bourse de manière éclatante.
-En 2005, l'Artémis, complexe commercial en grande surface équipé d'un bordel à "prix cassés", ouvre à Berlin. Nouvelle forme de "Mac Do" où les femmes sont les nouvelles marchandises en rayon acquises par des acheteurs spécialisés,
-Etc.…
Dans ce contexte, on peut penser que la Convention de 1949 pour " la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation commerciale de la prostitution d'autrui " qui considérait que " la traite organisée des êtres humains en vue de leur prostitution est incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine " est passée aux oubliettes !
La France, dont la position officielle est clairement abolitionniste ne cherche pas vraiment à se faire entendre au niveau international. Les efforts "à la base" sont pourtant là mais les politiques pensent sans doute qu'il faut "laisser faire, laisser aller", qu'il faut être libéral, donc large d'esprit, et que, puisque cela est bon pour l'économie, cela est bon pour la société des gens.
Pourtant, un couple d'industriels français a voulu semer une graine de réflexion en créant la Fondation Scelles qui cherche à initier et piloter un processus européen et mondial de prise de conscience en nouant, en France, des liens avec les responsables de la Justice, de la Police, de l'Action Sociale et de l'Office des Migrations.
Le plus vieux métier du monde, passé de l'artisanat traditionnel à l'industrie capitaliste, deviendra-t-il l'un des métiers du futur et sera-t-il l'un de ceux qui auront un avenir florissant dans nos sociétés post-industrielles ?
Commentaires
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Merci Henri-Paul pour cet exposé détaillé, qui est le moyen de nous rendre-compte (au cas où nous le saurions pas déjà) que certains marchés économiques douteux sont en train de prendre le rythme de la mondialisation et de la recherche de profit.
Dans le domaine qui m'est cher, à savoir les nouvelles technologies, on constate que cette "nouvelle économie du sexe" est omniprésente. Les innombrables messages non sollicités recus par chacun d'entre nous nous le rappellent, mais ne sont que le pâle reflet de la réalité.
Une très importante partie du trafic de données Internet est liée aux sites pour adultes, et les responsables des moteurs de recherche les plus connus constatent eux-mêmes que la plupart des recherches effectuées sont liées à ces contenus.
Jusqu'à une époque récente, les entités criminelles et divers groupes associés utilisaient encore Internet de manière assez rudimentaire. Depuis peu, ils semblent avoir saisi le potentiel extraordinaire de cet outil, et ne se contentent plus de faire des sites pour adulte ou de casinos en ligne, mais raffinent leurs opérations. Cela nécessite des compétences techniques poussées. Cela s'acquiert tout compte fait assez facilement, mondialisation et quasi-instantanéité du réseau oblige.
On peut louer les services d'un pirate russe via des sites web pour quelques centaines de dollars. On peut créer un site d'hébergemement offshore peu regardant sur le contenu stocké en quelques minutes. Il est même possible de louer des parcs de machines piratées prêtes à l'emploi pour quelques centimes d'euros l'unité...
La cybercriminalité a de beaux jours devant elle. Et elle a très souvent de forts liens avec l'industrie du sexe décrite par Henri-Paul, industrie qui lui rapporte les liquidités nécessaires pour renforcer sa position.
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Et si...
On autorisait le blanchiment de cet "argent sale" pour renflouer en partie une finance internationale à l'agonie ?
Ce ne serait pas plus stupide que de réintégrer, sans amende et sans taxation, dans leurs pays d'origine l'argent qui les a quittés au profit de paradis fiscaux sur lesquels la communauté internationale ferme autant les yeux que sur le sexe ou sur la drogue...
Oui, tous les tabous sont bien morts sauf celui de "ne pas avoir d'argent" !
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Pour en savoir plus sur la question,
1. Voir un blog du journal Le Monde
2. Une conférence exceptionnelle à la Mairie de Paris.
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