Les salaires français sont à l’abri de la crise. Cette affirmation quelque peu provocante, résumant des propos entendus mardi 5 novembre aux 2èmes rencontres de l’industrie compétitive des Echos et certaines des conclusions du rapport sur la compétitivité de la France publié par l’OCDE le 14 novembre mérite d’être quelque peu explicitée.
Elle concerne ceux qui sont toujours salariés et n’ont pas été victimes d’un plan social, ceux qui n’ont pas eu à négocier un accord de compétitivité pour tenter de préserver leur emploi et plutôt ceux qui bénéficient d’un emploi stable que ceux qui courent après les CDD. Autrement dit, en France, ceux qui ont un emploi continuent dans l’ensemble à bien défendre leur niveau de rémunération, mieux que dans d’autres pays européens et ceci n’est pas bon pour la compétitivité et sans doute pas pour l’emploi même si ces revenus sont consommés.
Revenant sur le fameux écart de compétitivité qui s’est creusé en une décennie entre la France et l’Allemagne, Louis Gallois, commissaire général à l’investissement en attribue un tiers au poids excessif des charges en France et les deux autres tiers à l’évolution des salaires, autrement dit à une composante qui dépend des patrons et des syndicats et assez peu des gouvernements quels qu’ils soient. L’économiste Patrick Artus a exprimé de son côté l’idée que la France est un des rares pays dans lesquels ne fonctionne pas de mécanisme de rappel en cas de crise. Le chômage peut augmenter, les salaires ne bougent pas contrairement à ce qui se passe dans d’autres économies, par exemple en Espagne où ils se sont fortement ajustés à la baisse contribuant à un vrai phénomène de dévaluation interne. Plusieurs participants à cette conférence ont d’ailleurs mis en garde contre la compétition très agressive que va subir l’économie française de la part de notre voisin d’outre Pyrénées dans les temps à venir.
Si on comprend bien ce qui est dit en termes feutrés dans le rapport de l’OCDE le problème est loin de se limiter à l’industrie. C’est toute l’économie française, services inclus, dont les rémunérations - et pas seulement les salaires minimums- évoluent plus vite que les gains de productivité. L’industrie n’est que le symptôme le plus voyant.
Denis Olivennes avait théorisé ce phénomène dans une célèbre notre sur « la préférence française pour le chômage ». Depuis, celle-ci est également devenue une préférence française pour le déficit extérieur. La centaine d’accords de compétitivité qui seraient en cours de discussion à la suite de la loi-cadre sur la « sécurisation de l’emploi » négociée par les partenaires sociaux peuvent contribuer à une évolution. Mais celle-ci reste lente dans la mesure où elle ne concerne que des entreprises ou des secteurs en difficulté.
Commentaires
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merci Jean Claude pour cette alerte.
La société française, dans sa grande majorité, continue à considérer que l'emploi est un objectif complètement déconnecté de la compétitivité des entreprises. Quel aveuglement ! On continue de se tourner vers l'Etat, en charge de légiférer sur l'emploi, mais l'Etat est devenu impuissant.
Nous avons aussi, en France, un sacré problème concernant le secteur public et nos (chers) fonctionnaires. Quand va t on enfin demander aux usagers bénéficiaires des services publics quelles suggestions ils font pour diminuer le cout du service public sans en diminuer l'efficacité, ou mieux en augmentant le service offert, et quand va t on obliger les services publics à écouter les usagers ? Voilà un bon principe en action dans nombre de pays voisins...
Si on demande à prestataire s'il veut bien diminuer sa rémunération, évidemment la réponse est "pas question". C'est au payeur qu'il faut demander son avis, pas au payé. La concurrence est censée réguler la question, mais en France on s'évertue à trouver trente six mille biais pour échapper à la mise en concurrence, à commencer dans les services publics.
La France n'est toujours pas sortie de l'Ancien Régime, et toujours pas entrée dans l'Europe ni dans le monde actuel. Pécaïre !
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L'insuffisance de la concurrence en France est un autre message que nous envoie avec insistance l'OCDE et que nous avons je pense du mal à entendre collectivement car il ne concerne pas que les services publics!
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Sur le marché intérieur de la France, qui est historiquement son marché fondamental, la concurrence a déjà bien œuvré et dans bien des domaines elle a donné naissance à des OLIGOPOLES ou quasi.
Ceux-ci ont réussi à trouver un gentlemen agrement et à se partager ce marché intérieur pour que chacun survive plutôt qu'il n'en reste plus qu'un seul, libre de faire les prix à sa guise ! (Cf. Loi anti trust aux USA)
Les positions étaient alors pratiquement acquises et la situation économique relativement stable et assurée.
La hache de la « guerre économique » semblait enterrée !
Pour un taux de profit suffisant pour assurer "l'autofinancement d'investissement" et le "fonds de roulement" nécessaires, l'inflation des prix(un peu d'inflation pour la croissance mais pas une inflation explosive à l'allemande ... ) permettait, accompagnée par encore un peu de productivité technique, à permettre une évolution positive, voire une stabilité, des salares redistribués par les entreprises au sein de ce marché français.
PATATRAS !
Pour permettre aux entreprises de continuer à croître en termes de profit financier (et accessoirement de chiffre d'affaires) la voie royale d'une mondialisation généralisé s'est ouverte.
Bien plus, on s’est rendu compte que si le profit financier n'augmente pas, il suffit de continuer à le réaliser même si le chiffre d'affaire diminue. Pourquoi ?
Parce que la "valeur d'une entreprise" est largement donnée par « le ratio RE (Rentabilité économique) » qui est le rapport entre RESULTAT NET et le CHIFFRE D'AFFFAIRE !
Si le Résultat net est constant, par exemple, et si le chiffre d’affaires baisse (CA # PNB ) alors la rentabilité économique augmente et... la valeur de l’entreprise aussi.
Simple à comprendre mais important en termes de conséquences au plan macro économique !
La concurrence est alors revenue dans le pré carré des oligopoles et, bien entendu, avec la concurrence le retour d'un "combat des productivités".
Comme le 19e et le 20e siècle ont été des siècles de grandes découvertes scientifiques et de grandes innovations technologiques, la productivité technique (par l'informatisation et l'automatisation) a été très suffisante pour permettre une augmentation naturelle des "marges" des entreprises.
Imaginons ce qui pourrait se passer si cette "productivité technique" n'était plus ... en croissance.
Il faudrait alors en revenir à la vielle "productivité par les salaires" !
Etat final théorique potentiel, le retour d'une forme d'esclavage comme dans les grandes sociétés antiques ...
Au 21e siècle, a paradigme sociétal et économique constant, on ne peut que constater, hélas, que cette période faste de grandes innovations de ruptures puis d'optimisation des processus de production, dans l'industrie voire le service de masse, semble bien terminée.
Nous attendons toujours et encore une invention de rupture comme l'électricité, la machine à vapeur, le moteur à explosion, le téléphone/télégraphe, la photographie, l'avion, etc. etc.
Le Numérique ne permet pas encore de prévoir à l'échelle d'un pays comme la France une telle... rupture, susceptible de lui faire avoir un avantage concurrentiel suffisant pour maintenir le niveau de vie auquel les gens sont habitués.
Nous nous retrouvons donc en général, avec des entreprises qui sont depuis quelques années "sur staffées" (ex. les Banques, les Assurance, les vieilles industries... ) et alors "la seule solution possible" pour maintenir la croissance des profits sur le territoire français (pas celle du chiffre d'affaires !) est bien de DIMINUER GLOGALEMENT LES SALAIRES, qui sont, en réalité économique, simplement une part du chiffre d'affaires redistribués aux salariés permanents.
EXPORTER n'est pas la panacée mais plutôt un PALLIATIF TEMPORAIRE qui donne l'illusion de pouvoir conserver des salaires confortables.
L'Allemagne va nous en donner la preuve dans les prochaines années...
IL FAUT NOUS Y FAIRE !
TOUS NOS REVENUS TIRES DU TRAVAIL DIRECT (salaires des non cadres supérieurs)
ET DU TRAVAIL INDIRECT (retraites et pensions en tous genres)
VONT BAISSER !
Les conséquences logiques sautent alors aux yeux :
- 1er temps : augmentation inexorable du taux de chômage, avec des périodes d'accalmies plus ou moins longues,
- 2ème temps : remplacement des contrats à durée indéterminée ou CDI (ou encore quasi définitifs) par des contrats de travail au plus juste ou CDD (ou contrats à durée déterminée ou d'intérim )
- 3ème temps : utilisation d'une immigration importante de main d'œuvre ou de cerveau d'œuvre venue de pays où les pays développés on fait naitre un réservoir importants de salariés à plus petits salaires qu'en France mais, hélas, dont les pays en question n'arrivent pas ( ou ne veulent pas ?) développer fortement leurs "marchés intérieurs", préférant à court terme exporter facilement sans avoir besoin d'augmenter les salaires.
- 4ème temps : Fin définitive du CDI, par absence d'embauches nouvelles en CDI, ce qui signifie, fin du modèle du "salariat à la française". Le CDI est remplacé soit par un CDD (qui reste un contrat de travail)
- 5ème temps : Fin du concept de contrat de travail et retour au concept de contrat commercial de "louage d'œuvre" et donc apparition d' un simple contrat commercial entre un donneur d'ordres et un "sous-traitant unipersonnel", encore appelé "auto entrepreneur" ...
Dans certains domaines, le contrat de "travail à durée indéterminée" est remplacé par un contrat de "mission pour un objet unique et une durée maximum de délivrance d'un résultat"
La réflexion actuelle au plan public et politique, ne présente évidemment pas la réalité sous cet éclairage.
A partir de cette analyse (qu'on peut développer et compléter encore), on voit "se dessiner le futur de l'économie mondiale", celle de LA SOCIETE MONDIALE DES DEUX DIXIEMES, dont on commence à entendre parler.
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