De 1960 à 2000, la population mondiale a pratiquement doublé puisqu’en chiffres ronds, le nombre d’humains est passé de trois à six milliards. Cette vérité statistique coupe le souffle. Elle est pourtant peu de choses comparée à la vérité économique.
Pendant ces quarante petites années, la consommation d’engrais a presque été multipliée par 5, la consommation d’électricité par 10, la consommation de ciment par 11. Un coefficient intersectoriel rigoureux est difficile à établir mais la moyenne de 8 semble, en gros, pouvoir être retenue. Ainsi, la consommation de l’an 2000 ne serait pas deux fois plus importante que celle de 1960 mais bel et bien 8 fois (comme si 6 milliards d’individus représentaient 24 milliards de consommateurs du type 1960). Le phénomène s’est poursuivi à des degrés variables pendant la période 2000-2010 : environ 800 millions d’êtres humains supplémentaires et 3% d’accroissement annuel de la consommation d’électricité.
Les démographes prévoient, pour 2050, une population mondiale atteignant environ neuf milliards d’individus soit deux milliards de plus qu’aujourd’hui. Si l’on estime que, sur ce total, près d’un milliard de misérables pourraient atteindre un niveau de « petite prospérité » (comme disent les Chinois), on arrive à la conclusion qu’en 2050 tout se passerait comme s’il y avait 40 milliards de consommateurs du type 1960.
La Terre, qui est déjà à la peine, pourrait-elle supporter un tel fardeau ? La« croissance verte » peut y aider mais rien ne prouve qu’elle serait suffisante. Des pénuries d’eau et de nourriture, le renchérissement des matières premières, une pollution accélérée génératrice de bouleversements climatiques, tout cela, exacerbé par des rivalités identitaires croissantes, est de nature à provoquer de terribles conflits.
Il est vrai que la race humaine a su faire preuve d’adaptation et que l’Occident, après avoir été séduit par le progrès matériel et avoir inoculé au monde entier son modèle de développement, est capable de corriger la trajectoire ou, du moins, d’essayer. On voit bien que, même si le capitalisme financier et le culte du profit à court terme sévissent plus que jamais, leurs héros font figure de vilains. La mode change. Les entreprises qui, au départ, ne se voulaient « citoyennes » que pour l’esbroufe, commencent à prendre le défi au sérieux. Les fondations du genre Bill Gates font des émules et d’innombrables initiatives fleurissent sur tous les terrains.
Les optimistes croiront que cette évolution sociétale permettra à la planète de supporter neuf milliards d’êtres humains. Les pessimistes penseront que le décalage entre la vitesse d’accumulation des obstacles et la lenteur des changements des comportements est telle que la course est perdue d’avance.
Tout ce que l’on peut dire est que la mobilisation nécessaire (pour ne pas voir les années qui viennent se transformer en débâcle) doit être comparable à l’équivalent moral d’une guerre globale. Or, pour qu’il y ait mobilisation, il faut qu’il y ait un ennemi commun et un idéal rassembleur. Quel pourrait être le déclic ? Peut-il même y en avoir un sans le choc d’une catastrophe préalable ?
Commentaires
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Oui, 1000 fois oui à votre analyse. Enfin quelqu'un qui considère la démographie comme un levier majeur et pas comme un record stupide : cf les articles saluant il y a quelque temps le passage de l'humanité à 7 milliards d'individus comme une grande victoire.
Optimistes ou pessimistes, nous devons bien admettre que nous sommes probablement quelque part rattrapés par Malthus. Or si nous considérons que les grands leviers sont peu ou prou, le stock de planète, la démographie, la productivité, l'emploi et le mode de vie pourquoi ne pas continuer le raisonnement et accepter de s'attaquer à la démographie ? C’est peut-être un des paramètres les plus faciles à influencer. Des pays l’ont déjà fait, la Chine, l'Inde...
Il est clair en tous les cas que « l'atterrissage démographique naturel » sorte de panacée futuriste béate ne suffira pas, ou au mieux arrivera trop tard au rendez-vous et de plus pas forcément au bon endroit.
Je fais partie des optimistes et je pense que la terre s'en est toujours sortie mais il ne doit pas y avoir de tabous : chaque naissance est aujourd'hui une sorte de droit de tirage sur la planète commune laquelle restera finie pendant encore longtemps.
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