Gouverner la Chine est, depuis cinq mille ans, une mission impossible. L’histoire du pays est marquée par une succession de guerres civiles et de coups d’Etat renversant la dynastie qui a perdu le «mandat du ciel», sur fond de catastrophes naturelles et de famines meurtrières.
Le gouvernement central, de tous temps, a rencontré les pires difficultés à faire exécuter ses ordres. «L’Empereur est loin et les montagnes sont hautes» a-t-on coutume de dire dans le sud et l’administration, parfois incompétente, parfois corrompue, n’a pas su constituer le ciment qui aurait pu faire tenir le tout.
La transparence est jugée impossible. Si la Cité est Interdite, c’est bien parce que le pouvoir s’y cache, conscient de sa faiblesse. L’Empereur doit inventer un protocole et des insignes pour donner l’illusion de sa force et, quand il sort, arborer des couleurs et des bannières pour imposer le respect. La fin d’une dynastie est un drame. Derrière le Palais Impérial, on peut voir l’arbre où le dernier Ming s’est pendu, abandonné de tous, au terme d’une révolte sanglante consécutive à une terrible famine qui avait frappé le nord du pays.
A cette histoire tragique, s’ajoute un siècle de guerre civile, d’occupation étrangère et d’humiliations. On comprend, qu’avec un tel passé, la période actuelle apparaisse comme un miracle de paix et de prospérité, même si celle-ci n’est pas assez partagée et si des centaines de millions de chinois ont des conditions de vie précaires et parfois dramatiques, ce que nul ne conteste. Même si les libertés fondamentales, comme celle d’aller et venir, sont absentes.
Ces progrès sont moins attribués au génie de quelques individualités qu’à la stabilité politique du système issu des réformes initiées à partir de 1978. Et les critiques de l’Occident, écoutées avec politesse, ne suscitent plus beaucoup d’intérêt.
Le peuple chinois en sait le prix et il juge sévèrement ceux qui, par leurs actes, consciemment ou non, portent atteinte ou soutiennent ceux qui portent atteinte à l’unité et à la stabilité du pays. Cette confiance retrouvée, cette certitude largement partagée dans le pays que la voie suivie est la bonne, n’en déplaise à l’étranger, incite les dirigeants à être fermes, à assumer leurs choix sans complexes et, le cas échéant à le dire à ceux qui n’auraient pas perçu cette évolution de la situation politique chinoise.
Le pays sort, aussi, renforcé de la crise qui frappe l’économie mondiale. Les dirigeants chinois sont donc encore moins enclins à accepter des leçons de gouvernance.
Mais ils n’ignorent pas que le statut retrouvé de la Chine, après cette longue éclipse, lui confère une responsabilité nouvelle. Tel est l’enjeu de la réforme politique, mise en œuvre avec une lenteur exaspérante aux yeux de l’Occident, mais qui avance, malgré ses insuffisances.
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